Réflexions sur le monde actuel. Les grands phénomènes idéologico-religieux et leur avenir, de Bernard Antony

La corrélation permanente entre l’action et la réflexion définit bien la valeur ajoutée de Bernard Antony. Notre auteur s’interroge sur « les grands phénomènes idéologico-religieux et leur avenir », en évitant l’écueil de la réduction à la causalité mécanique. Cette dernière est en effet constamment contrariée par l’« hétérotélie », soit la mise en œuvre de paramètres contingents à partir desquels la fin atteinte correspond rarement au but poursuivi, ce qui réduit à néant le déterminisme historique.

Dans ce tour d’horizon, Bernard Antony s’intéresse particulièrement aux néo-totalitarismes. Le premier d’entre eux entend que la loi civile prime la loi morale et qu’une religion ne soit licite que moyennant son adhésion préalable aux « valeurs de la République ». La « pensée unique, celle du politiquement correct de gauche, de la théorie de la déconstruction, de la vertu du déracinement systématique au nom de l’idéal d’émancipation de l’individu », c’est-à-dire « le soi-disant antiracisme », est le « soubassement culturel du totalitarisme actuel » (p. 46). Il conduit à une forme de génocide qui vise en fait la nature humaine elle-même.

L’autre totalitarisme est, a contrario, celui de l’islam dont la charia codifie tous les détails de la vie sociale, qui ne considère ceux qui n’appartiennent pas à l’oumma au mieux que comme des citoyens de seconde zone (dhimmis). Bernard Antony estime que la collusion entre ces deux totalitarismes, à travers l’étonnante complaisance du laïcisme à l’égard de l’islam, fera long feu.

Le cardinal Ratzinger, alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, signalait que la juste autonomie de la sphère publique à l’égard de la sphère religieuse ne saurait se traduire en émancipation du politique à l’égard de la morale naturelle. Benoît XVI, au Parlement allemand, faisait observer avec beaucoup d’audace que le christianisme, contrairement aux autres grandes religions, n’a jamais imposé à l’État ou à la société un droit révélé, mais qu’il a toujours renvoyé à la nature et à la raison comme sources du droit.

L’essai de Bernard Antony livre bien d’autres analyses pertinentes sur d’autres phénomènes majeurs. La conclusion est lucide, c’est-à-dire pessimiste, bien que le pire ne soit jamais sûr, comme l’auteur l’affirme lui-même.

Réflexions sur le monde actuel. Les grands phénomènes idéologico-religieux et leur avenir, de Bernard Antony, avec Cécile Montmirail, préface de Jérôme Triomphe, Godefroy de Bouillon, 2016, 246 pages, 25 e.