Gabrielle Cluzel

L’escroquerie du féminisme

Gabrielle Cluzel est rédactrice en chef du site Boulevard Voltaire et tient une chronique à Monde & Vie et Famille Chrétienne.

La Nef – Vous consacrez un essai fort critique au féminisme dont il ne reste plus grand-chose finalement : que lui reprochez-vous principalement ?
Gabriel Cluzel – D’avoir escroqué les femmes. D’avoir prétendu les défendre quand il ne servait que les intérêts électoraux de la gauche. De s’être rendu coupable de mensonge par diversion : en focalisant l’attention, par ses chipotages dérisoires, sur des chiures de mouches quand des nuages autrement menaçants s’amoncelaient ailleurs. De les avoir convaincues qu’il fallait contraindre leur nature, dans un corset idéologique serré à étouffer, pour trouver le bonheur.
Ses contradictions, aujourd’hui, sautent aux yeux, et il se fracasse contre l’islam. Mais il laisse sur le bord du chemin une femme vulnérable et passablement déboussolée.

Pouvait-il y avoir au temps de Simone de Beauvoir un bon féminisme ou était-il critiquable dès l’origine ?
Vous voulez me faire dire que Simone de Beauvoir a eu de bonnes intuitions, mais qu’elles ont été dévoyées ? Ce serait sans doute plus gentil… mais inexact. Et inefficace car si on ne fait qu’élaguer les ramifications trop tordues, les mêmes causes, me semble-t-il, produiront les mêmes effets. Le féminisme beauvoirien est surtout bovarien, fantasmé par une jeune bourgeoise insatisfaite de sa vie étriquée. Il est, du reste, une utopie de pays riche et en paix. Et c’est parce que nous entrons dans une zone de turbulences qu’il s’effondre.
Sans sombrer dans la psychologie de comptoir, il trouve sa source, on le sait, dans l’enfance de Simone. Elle n’a pas de frère, entend répéter à l’envi par son père qu’elle a un « cerveau d’homme ». Par son « on ne naît pas femme on le devient », elle se convainc qu’elle pourrait être aussi bien le fils que papa n’a pas eu. Il y a, mutatis mutandis, du « Les garçons et Guillaume à table », là-dedans ! Ce qui aurait pu faire un bon roman est devenu une mauvaise idéologie.
On peut néanmoins reconnaître que Beauvoir est le reflet d’une époque qui ne portait guère les jeunes filles à faire fructifier leurs talents, où celles-ci faisaient l’objet d’un certain confinement intellectuel. Il faut bien que le féminisme se soit nourri d’une frustration pour prospérer. Mais il n’était pas besoin, pour y remédier, de déconstruire l’identité féminine. Le faire, c’était même donner raison au très misogyne Monsieur de Beauvoir qui imaginait intelligence et féminité antinomiques.
Un « vrai » féminisme aurait défendu cette identité, dans toutes ses acceptions.

Critiquer le féminisme, n’est-ce pas accepter la condition subalterne de la femme par rapport à l’homme ?
Au contraire. C’est ce féminisme, en couchant avec la gauche (comme Simone !), qui a laissé prospérer le laxisme judiciaire (induisant un retour à la loi la jungle) et l’islam impérieux, qui a fait de la fécondité un handicap, qui a dérégulé les rapports hommes/femmes jusqu’à écraser toutes les étapes intermédiaires – protectrices pour la femme – précédant l’acte sexuel… bref, qui, de facto, a mis l’homme en situation de supériorité.

Vous consacrez un excellent chapitre à la galanterie : son recul ne manifeste-t-il pas celui de la civilisation ?
Bien sûr ! La galanterie est la fine pointe de la civilisation. La civilisation est née le jour où une femme a dit non à un homme, et que celui-ci, qui aurait pu la contraindre, y a renoncé, laissant parler son cœur et sa raison plutôt que son instinct. Apprendre la galanterie aux petits garçons c’est les éduquer à domestiquer cette force physique, qui fait défaut aux filles, et même à la partager avec elles en la mettant à leur service… pour plus d’égalité, en somme.

Que le christianisme apporte-t-il à votre vision de la femme ?
« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ », disait saint Paul. Comme l’écrit Régine Pernoud, ce n’est pas un hasard si toute l’Europe a été convertie grâce à l’influence de reines chrétiennes. Il y allait de leur foi et de leur intérêt. C’est le mariage monogame par consentement mutuel institué par le christianisme qui a permis à la femme de relever la tête.
La polygamie est actuellement en pleine expansion : de droit avec l’islam, mais aussi « de fait » – selon les mots de Max Gallo dans Les Fanatiques – avec la tyrannie libertaire. Le christianisme s’impose aujourd’hui comme l’issue de secours pour la condition féminine.

Propos recueillis par Christophe Geffroy

Gabrielle Cluzel, Adieu Simone. Les dernières heures du féminisme, Le Centurion, 2016, 130 pages, 11,90 €.

© LA NEF n°282 Juin 2016