En terrain miné, d’Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut

Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut cultivent une vieille amitié remontant à une époque où tous deux partageaient largement les mêmes idées de gauche. Gênée par l’évolution de son ami, Élisabeth de Fontenay l’interroge sur ses positions actuelles. Et cela prend la forme d’un échange de lettres délicieusement à contre temps de l’époque où l’art épistolaire a disparu.
Une chose frappe immédiatement le lecteur, et cela ne s’arrête plus au fil des pages, ou plutôt des lettres d’Élisabeth de Fontenay : elle se comporte comme si elle était investie du contrôle de la pensée correcte avec l’insupportable arrogance des gens de gauche persuadés d’être dans le bon camp parce que de gauche ; elle joue le rôle du procureur qui juge du bien (à gauche, forcément) et du mal (à droite), voire du mal absolu (l’extrême droite), qui trace la ligne rouge à ne pas franchir. De ce point de vue, ses lettres sont un précieux témoignage du sectarisme ahurissant de la pensée de gauche qui ne supporte pas de voir l’un des siens en arriver à défendre la nation et son histoire, sa culture en péril, son identité menacée par une immigration massive, à oser voir la réalité de l’islam avec les problèmes qu’il pose, à dénoncer la propagande en faveur de la théorie du genre et à regretter la rupture de transmission qui n’est plus assurée par l’école.
Voici, par exemple, ce qu’écrit E. de Fontenay quand A. Finkielkraut fut malmené lors de son passage à Nuit debout : « Tu m’auras du moins fait comprendre clairement la différence entre un réactionnaire et un conservateur et que le conservateur ne mérite jamais, en régime d’alternance démocratique, que des progressistes s’en prennent physiquement à lui » (p. 253)… sous-entendu, donc, qu’il eût été légitime de molester un « réactionnaire » ! Autre exemple, E. de Fontenay reproche à son correspondant de dialoguer avec Renaud Camus, alors qu’elle se vante de ne l’avoir pas lu. Voici le début de la réponse d’A. Finkielkraut qui montre assez bien le ton de ces échanges : « Sur Renaud Camus, tu m’as écrit ce que tu pensais en ton âme et conscience. Mais, drapée dans ton refus de le lire, tu n’as fait aucun cas de ma connaissance de son œuvre, tu n’as rien voulu entendre des arguments et des citations que, tout en prenant clairement mes distances avec lui, je t’oppose. Ce n’est pas un dialogue de sourds, c’est une fin de non-recevoir. Forte de ton inexpugnable ignorance, la malédiction [contre Camus] ne sera jamais levée » (p. 107).
Face à un tel procès, A. Finkielkraut fait preuve d’une admirable patience et, finalement, cela lui donne l’occasion de préciser sa pensée sur ces sujets controversés et c’est un régal.

Christophe Geffroy

En terrain miné, d’Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut, Stock, 2017, 270 pages, 19,50 €.

© LA NEF n°297 Novembre 2017