Pierre-Joseph Proudhon. L’anarchie sans le désordre, de Thibault Isabel

Proudhon est connu comme le « père de l’anarchisme ». Mais pour lui, l’anarchie, selon l’étymologie grecque, n’est pas synonyme de désordre : selon sa formule célèbre, c’est « l’ordre sans le pouvoir ». Elle n’est rien d’autre qu’une authentique démocratie, directe, intégrale, fédérative, qui commence par l’autonomie locale, communale – le self-government, selon un nom commun à l’époque.
On sait aussi qu’il a écrit « la propriété c’est le vol ». On oublie qu’il a aussi écrit « la propriété c’est la liberté ». Comme Chesterton, il décrit une certaine forme de propriété – capitaliste – qui est une forme de spoliation, et une autre forme de propriété – la propriété que l’on pourrait qualifier de « travailliste », c’est-à-dire la propriété par le travailleur, individuel ou collectif, de ses moyens de production – de fondement de la liberté économique et partant politique. C’est la coopérative : les travailleurs sont copropriétaires de l’entreprise, les décisions y sont collectives. Proudhon défend aussi, comme le distributisme « chesterbellocien », le petit travailleur indépendant, artisan ou paysan, maître de ses outils et champs.
Proudhon n’est pas un idéologue, mais un penseur pragmatique. Il est d’ailleurs l’un des rares théoriciens socialistes issus d’un milieu populaire. Socialisme ? Nous sommes avant l’hégémonie marxiste puis marxiste-léniniste, dans cette effervescence d’alternatives sociales au capitalisme industriel en plein essor. Les doctrines sociales se multiplient, il y a même de multiples formes de « socialisme » chrétien, voire de « communisme » chrétien – de Pierre Leroux à Étienne Cabet. Proudhon, lui, n’est pas communiste, et opposé à toute forme de socialisme d’État. C’est un véritable socialiste, pour un socialisme de la société, c’est-à-dire une auto-organisation coopérative, mutuelle et fédérale de la société.
Si sa vie est romanesque, ce sont surtout ses propositions pratiques, économiques et politiques, qui peuvent nous inspirer aujourd’hui, auxquelles Thibault Isabel nous propose une très pédagogique introduction.

Falk van Gaver

Pierre-Joseph Proudhon. L’anarchie sans le désordre, de Thibault Isabel, Autrement, 2017, 180 pages, 18,50 €.

© LA NEF n°297 Novembre 2017