Kateri Tekakwitha © Selbymay-Commons.wikimedia.org

Les martyrs du Canada

Les Martyrs du Canada sont liés aux débuts de l’évangélisation du pays. Les récollets ont été les premiers évangélisateurs. Arrivés à Québec en 1615, sept ans après la fondation de la cité par Champlain, ils bâtissent un monastère sur la rivière Saint-Charles en 1620. Certains partent évangéliser les Montagnais de Tadoussac, d’autres les Hurons dans la baie Georgienne. En 1625 arrivent les premiers jésuites. Ils supplanteront bientôt les récollets qui étaient très peu nombreux. En 1637, il y a déjà 27 jésuites au Québec. À Sillery, sur les bords du Saint-Laurent, ils fondent une première mission qui, sur le modèle des réductions qu’ils ont établies en Amérique du Sud, accueillera les familles converties pour édifier une petite cité chrétienne. À son apogée, Sillery accueillera quelque 400 familles indiennes.
Les jésuites entreprirent aussi d’évangéliser le pays huron. En 1639 le P. Jérôme Lallement commença la construction de Sainte-Marie-des-Hurons, un gros centre fortifié à partir duquel les missionnaires rayonnèrent dans les villages hurons. Il y aura là une vingtaine de prêtres, quatre frères coadjuteurs et vingt-deux « donnés » (qui restaient laïcs).
Nombre de Hurons se convertirent. Ils furent en butte à une guérilla continuelle des Iroquois. C’est dans ce contexte que mourront, en dix ans, huit jésuites, considérés comme les premiers martyrs du Canada. À Ossernenon, le donné René Goupil, fait captif par un clan iroquois, subit des supplices pendant plusieurs jours, puis est tué d’un coup de hache le 29 septembre 1642. Le P. Isaac Jogues, qui avait été pris avec lui comme captif de guerre, est supplicié lui aussi, mais réussit à s’enfuir. Quatre ans plus tard, il revient à Ossernenon, chargé par les Français de négocier une paix. Il est tué d’un coup de hache le 18 octobre 1646. Le donné Jean de La Lande qui l’accompagnait dans cette ambassade est tué le lendemain.
Le 4 juillet 1648, les Iroquois s’emparent du village huron de Teanaostaiaé. Le P. Antoine Daniel, qui refuse de se soumettre à leur autorité, est tué à coups de flèches. Le 16 mars 1649, le P. Jean de Brébeuf, originaire de Normandie, captif des Iroquois, est supplicié et mis à mort à Taenhatentaron ; le lendemain son confrère le P. Gabriel Lalemant est tué de la même manière.
Le 7 décembre suivant, le P. Charles Garnier est blessé lors de l’attaque du village d’Etharita par les Iroquois. Lorsque ceux-ci apprennent qu’il est prêtre, ils lui fracassent la tête. Son confrère, le P. Noël Chabanel, qui avait quitté le village deux jours avant l’attaque, se perdit dans la forêt. Le 8 décembre, un Huron qui le découvre affamé et épuisé, le tue et le dépouille.
Jean de Brébeuf et ces sept autres jésuites seront béatifiés comme martyrs en 1925 et canonisés en 1930 (et patrons secondaires du Canada depuis 1940).
Le Canada a eu d’autres témoins de la foi, tel le P. Jacques Buteux, jésuite lui aussi, évangélisateur de la région des Trois-Rivières. Le 10 mai 1652, alors qu’il était en chemin vers Shawinigan pour visiter une tribu d’Attikameks qui comptait déjà quelques chrétiens, il fut, avec ses deux compagnons, attaqué par une troupe d’Iroquois. Blessé de deux balles à la poitrine, il fut ensuite tué à coups de hache alors qu’il invoquait le saint nom de Jésus.
Il faut citer aussi l’Iroquoise Kateri Tekakwitha, qui, si elle ne mourut pas en martyre, connut la persécution. Elle est la première sainte amérindienne. Née en 1656, devenue orpheline, baptisée à vingt ans, elle refusa le mariage qu’on voulait lui imposer et trouva refuge dans une mission jésuite sur le Saint-Laurent. Elle put fonder une petite communauté d’Indiens chrétiens, fit vœu de chasteté en 1679 et mourut l’année suivante, à 24 ans. Elle a été canonisée en 2012 par Benoît XVI qui dira : « Dans une vie tout ordinaire, Kateri resta fidèle à l’amour de Jésus, à la prière et à l’Eucharistie quotidienne. Son but était de connaître et de faire ce qui est agréable à Dieu. Kateri nous impressionne par l’action de la grâce dans sa vie en l’absence de soutiens extérieurs, et par son courage dans sa vocation si particulière dans sa culture. »

Yves Chiron

© LA NEF n°297 Novembre 2017