Henri Hude

Pour un nouvel « humanisme chrétien »

La formation des décideurs. Méditations sur un humanisme qui vient est le premier volume d’une nouvelle collection d’ouvrages, récemment fondée chez l’éditeur Mame et dont la direction m’a été confiée. Son nom : « Humanisme chrétien ». Il s’agit assurément d’une vaste et ambitieuse entreprise, puisqu’elle doit s’attaquer aux principaux problèmes philosophiques. De quelle façon ?
Cette collection se caractérise par son contexte historique : un humanisme s’en va et un autre vient. Celui qui vient est chrétien, d’une manière aussi authentique qu’inédite. Il s’agit de le formuler et de l’accueillir.
L’humanisme postmoderne s’en va déjà. Il a donné une excellente critique de l’humanisme moderne (celui dont Rousseau, Kant, Hegel furent les sommets). Tels les anges parlant aux églises, au chapitre 2 de l’Apocalypse, les penseurs postmodernes interpellent les écoles de l’humanisme moderne. Habermas et Rawls disent : vous vous croyez justes, Rousseau et Marx, vous n’êtes que totalitaires. Freud : vous vous êtes voulus libres, autonomes et en bonne santé, Stuart Mill et Kant, et vous voilà enfermés dans la névrose et la dépression. Heidegger : vous tous vous vous flattiez d’être enfin dans la vérité, mais vous êtes devenus aveugles à tout ce qu’il y a de profond et d’important dans la vie. Husserl : vous ne savez pas même recevoir sans le fausser ce qui se donne à votre conscience. Bergson : aveugles à la vie, étrangers à la durée, vous perdez (ajouterait-il sans doute) par la crise écologique cette nature que vous pensiez posséder.
Ce temps d’humanisme postmoderne finissant est soumis à une idéologie molle, mélange de technocratie et de nihilisme.
L’enjeu de cette collection est la redécouverte et la réinvention de l’humanisme. Contribuer à ouvrir un nouveau cycle de l’humanisme, ce qui précède toute renaissance de la civilisation. Comment réinventer l’humanisme ? En sortant des oppositions entre humanismes. Le grand humanisme moderne des Lumières s’est construit en opposition à l’humanisme chrétien ; l’humanisme postmoderne rejette à la fois l’humanisme moderne et l’humanisme chrétien. Ne peut-on essayer la paix et la synthèse ? Le pape François dirait : la miséricorde…
La miséricorde et la synthèse ne violent pas le principe de non-contradiction. Elles sont un effort pour accompagner l’autre, le frère humain, moderne ou postmoderne, sur le chemin d’une articulation plus poussée de son désir, qui est aussi le nôtre, afin d’en découvrir, au-delà des projections imaginaires, le très véritable objet.
Le titre du premier volume de la collection, La formation des décideurs, permet de la caractériser davantage. L’éducation des responsables est le lieu le plus propice à une redécouverte du critère humaniste, à la constitution d’une nouvelle synthèse humaniste, à la formation du jugement et des vertus, en un mot à la renaissance d’un humanisme authentique et d’avenir.
Cette collection est pratique. L’Université humaniste se reconstruira dans l’avenir autour de la notion du bien commun universel. C’est une excellente méthode de pensée, que de partir de sérieux problèmes pratiques, ceux d’une société, ou d’une personne, ou d’une communauté (qu’il s’agisse d’éducation, d’orientation professionnelle, de santé, de sécurité, de solidarité, etc.) et de remonter aux premiers principes qui permettent de proposer des solutions suffisamment adéquates, au-delà des réponses insuffisantes, technocratiques.
Je lance ici un appel à ceux qui se sentent intéressés à contribuer à cette entreprise vaste et pourtant bien définie (1).
Nous ne travaillons pas dans la stratosphère d’un autre monde. Nous voulons que la sagesse reprenne sa place dans notre Cité. Ce renouveau de l’humanisme conditionne la destinée de notre communauté politique et aussi la vie de l’Église dans nos pays. Le § 15 de La formation des décideurs se formule ainsi : « Méditer sur la raison pour laquelle l’humanisme postmoderne devient inhumain. » Comment sortir victorieusement de l’humanisme inhumain ? En reprenant l’initiative conceptuelle, en aidant la société à découvrir l’idéal neuf qui équivaut à la révélation de son véritable désir.

Henri Hude

(1) Ceux qui voudraient proposer des manuscrits en vue de publication peuvent les envoyer imprimés à Henri Hude, c/o Mame, 57 rue Gaston Tessier, CS 50061, 75166, Paris Cedex 19.

Henri Hude, philosophe, a fondé le centre « Éthique et environnement juridique » aux écoles militaires de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il vient de lancer chez Mame la collection « Humanisme chrétien » avec deux ouvrages qu’il a écrit : La formation des décideurs. Méditations sur un humanisme qui vient, Mame, 2018, 230 pages, 19 €; et Habiter notre nature. Écologie et humanisme, Mame, 2018, 246 pages, 20 €.

© LA NEF n°302 Avril 2018