Tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne - Basilique Saint-Denis - France © Myrabella-Commons.wikimedia.org

Ce sont nos gisants qu’on assassine

Dimanche 18 mars dernier, cela n’aura échappé à personne, des manifestants ont envahi la basilique de Saint-Denis en France, nécropole royale, joyau gothique et centre spirituel, aux côtés des cathédrales de Paris, de Chartres et de Reims, de ce qui fut le royaume de France. Ces personnes, au nombre d’une centaine, et que leur apparence rendait pour certains et surtout pour certaines difficilement assimilables à des catholiques, ont déambulé, soutenus par les habituels militants extrêmes gauchistes dans la nef et les travées du lieu saint, réclamant que l’État règle leur sort de clandestins et de sans-papiers. Lorsque la police est intervenue assez tardivement, pour les en faire sortir, se sont ensuivies quelques échauffourées.
Un député de la France insoumise – habile oxymoron du parti de M. Mélenchon destiné à indiquer une vassalisation générale et clientéliste de ses élus aux vindicatives communautés islamiques qui hantent particulièrement le département de Seine-Saint-Denis – a clamé sa fierté d’avoir accompagné cette intrusion dans l’une de nos églises, et n’y a vu aucune agression. Une autre députée du même parti, Clémentine Autain, a considéré souverainement qu’il n’y avait pas « profanation », puisque les corps des rois et reines jadis inhumés là-dedans avaient déjà été jetés dans la fosse commune par les révolutionnaires de 93. Mais une église n’est pas un cimetière et si sacrilège il y a, c’est d’abord en ce que l’époque considère le temple du Vivant comme un lieu touristique comme les autres, un bien commun, un bien national dont seule l’architecture aurait quelque valeur patrimoniale et « culturelle ». Mais saurait-on tenir rigueur à des députés robespierristes d’être dénués de toute vie intérieure, de toute appétence surnaturelle ?
Le plus grave est venu de l’absence de réaction du gouvernement, pourtant censément propriétaire des lieux de culte qu’il a annexés, et de l’épis­copat français. À l’heure où nous écrivions ceci, Mgr Delannoy, évêque de Saint-Denis, demeurait obstinément aux abonnés absents. Tout juste si sa communication, pourtant généralement réactive devant les injustices de toute sorte qui touchent ce monde, houspillée sur les réseaux sociaux, a daigné deux jours plus tard se fendre d’un communiqué indiquant qu’« aucune dégradation n’a été constatée », mais que, « par mesure de sécurité, le recteur et l’administrateur de la Basilique cathédrale Saint-Denis ont décidé de fermer l’édifice au public après cette évacuation. La messe du soir a donc dû être annulée ». Rien de grave donc : il s’agit juste d’une église et d’une messe qu’on ne peut y célébrer.

LE CŒUR ET LA MISSION DE L’ÉGLISE
Marthe s’agite tellement que Marie ne peut plus prier : symbole ô combien dramatique d’une certaine Église qui, à vouloir être dans le vent de l’époque, en a oublié son cœur et sa mission. Vous ne pouvez plus vous confesser ni communier ? C’est pas grave, Monsieur le curé est en train de distribuer des couvertures aux clandestins.
La question s’est posée mille fois depuis la fondation de l’Église par le Christ : que vaut notre foi si nous laissons le pauvre dehors ? Mais ici, deux réponses s’imposent : d’une part, c’est toujours vers le « pauvre médiatique », si l’on ose dire, que vont les mains ecclésiales, pauvre dont, quand il est massivement clandestin, généralement africain et parfois musulman, on est en droit de s’interroger sur les motivations ; d’autre part, il a été décidé dès les débuts de l’Église qu’afin que les apôtres puissent se livrer entièrement à leur mission qui est de sauver les âmes par l’enseignement et la distribution des sacrements, on confierait les autres taches à des diacres. C’est donc, qu’en tout temps et qu’en tout lieu, la prière et l’Eucharistie priment sur les œuvres charitables, puisqu’elles en sont la source.
Tout prêtre, tout chrétien, ne devrait-il pas être scandalisé qu’on ait empêché de célébrer la messe ? Saint-Denis n’est pas une terre à part qui serait déjà vouée à la disparition du christianisme. C’est le lieu même, au contraire, où l’on a besoin le plus de la diffusion des sacrements.

Jacques de Guillebon

© LA NEF n°302 Avril 2018