Pape François © Casa Rosada-Commons.wikimedia.org

Gaudete et exsultate : La sainteté pour tous

La nouvelle exhortation apostolique du pape François, Gaudete et exsultate (La joie et l’allégresse), se place dans la perspective évangélique rappelée par le concile Vatican II et, plus récemment, par saint Jean-Paul II : proposer la sainteté comme l’appel que Dieu adresse à chaque personne humaine. Rien de nouveau mais de bonnes choses anciennes dites de façon opportune et renouvelée. Analyse.

Faire croître le désir de la sainteté et montrer qu’aujourd’hui encore la sainteté est accessible : tels sont les objectifs du pape François. Mais plus profondément encore, faire résonner à nouveau l’appel à la sainteté c’est : contribuer efficacement à « la réforme de l’Église en ses membres » (car seuls les saints sont de vrais réformateurs), et renforcer l’efficacité évangélisatrice de l’Église (car « là où les saints passent, Dieu passe avec eux »).
Le pape François nous recentre sur l’essentiel et sur « l’unique nécessaire » : la sainteté. Il veut nous montrer que la sainteté est possible, qu’elle est à notre portée, pourvu que nous voulions bien ouvrir notre cœur à l’action du Seigneur. La dire atteignable ce n’est pas la banaliser. Car si Dieu seul est Saint, nous pouvons participer à la sainteté de Dieu. Nous pouvons naître de Dieu et grandir dans la participation à la vie de Dieu jusqu’à la perfection de la charité, c’est-à-dire jusqu’à la sainteté. Tous. Sans exception. Quel que soit notre état de vie (célibataires, mariés, évêques, prêtres, religieux, etc.). Chacun selon sa route propre. C’est la volonté de Dieu sur nous. Mais la question est : voulons-nous entrer dans cette volonté ? Si « oui », il suffit de faire de petits pas, de petits gestes. Chaque jour. Avec et par la grâce de Dieu. En effet, la sainteté ne réside pas dans la connaissance (« gnosticisme »), ni dans ma volonté ou dans un effort personnel sans la grâce (« pélagianisme ») : c’est un don de Dieu d’abord.

LA « CARTE D’IDENTITÉ DU CHRÉTIEN » : LES BÉATITUDES
Pour imiter le Christ, nous avons la charte des huit béatitudes. Un saint est en effet : pauvre de cœur (c’est-à-dire humble et détaché des biens de ce monde ; « indifférent » dirait saint Ignace de Loyola), doux (donc capable de supporter les défauts du prochain sans s’étonner de ses faiblesses), capable de pleurer avec les autres (ce qui revient à être compatissant avec mon prochain car « il est la chair de ma chair » et qu’au dernier jour je serai jugé sur l’amour de charité), affamé et assoiffé de justice et de charité, miséricordieux (en actes), pur de cœur, artisan de paix, fidèle à l’Évangile même si cela doit impliquer d’être persécuté à cause du Christ ou pour Lui.

UN MODÈLE ACTUEL DE SAINTETÉ
Le pape François nous propose cinq caractéristiques qui peuvent composer un modèle de sainteté pour notre temps : 1) être centré sur Dieu, être rempli de la vertu de force pour tenir, endurer avec patience, douceur et humilité ; 2) porter le fruit de l’Esprit-Saint qui s’appelle la joie et garder le sens de l’humour ; 3) avoir l’audace d’évangéliser avec assurance en gardant la ferveur de l’Esprit ; 4) cultiver la vie en communauté car nous avons besoin de l’Église ; 5) demeurer en prière constante, dans le silence et l’adoration.
En vrai fils de saint Ignace, le pape François n’a pas peur de parler du démon, de son existence, de son action. Il le fait avec force et avec bonheur tant il est vrai que Satan fait partie des grands absents des prédications liturgiques dans nos pays occidentaux. François, bien entendu, n’aime ni « l’esprit du monde » ni les « esprits mauvais ». Il nous exhorte à la vigilance dans le combat contre le Malin, mais aussi à demander le don du « discernement des esprits » afin d’accueillir ce qui vient du « bon esprit » (cf. Exercices, n. 313) et repousser ce qui vient de « l’ennemi de la nature humaine » (cf. Exercices, n. 325).
Certains seront peut-être agacés par telle ou telle formulation maladroite du pape, par exemple lorsqu’il fustige « l’ostentation dans le soin de la liturgie » (n. 57), comme s’il s’agissait là aujourd’hui d’une dérive réelle, alors que l’on attendrait plutôt du Saint-Père qu’il nous encourage à embellir nos liturgies, hier encore ravagées par un esprit de rupture particulièrement mis en lumière par Benoît XVI. Mais cela est marginal dans cette exhortation et mérite à peine d’être signalé.
J’encourage donc tous les fidèles à méditer ce texte. Il n’est pas difficile à lire. Chacun y trouvera un vigoureux stimulant pour prendre, reprendre ou accélérer sa marche personnelle à la suite du Christ sur le chemin de la sainteté. Alors, ces pages auront été utiles pour que toute l’Église se consacre à promouvoir le désir de la sainteté (cf. n. 177). Cher lecteur : « Laisse la grâce de ton baptême porter du fruit dans un cheminement de sainteté » (n. 15) !

Abbé Laurent Spriet

Pape François, La joie et l’allégresse. Exhortation apostolique, Bayard/Cerf/ Mame, 2018, 124 pages, 3,50 €.

© LA NEF n°303 Mai 2018