Saint Padre Pio, serviteur de la croix

Saint Padre Pio est un don du Ciel pour nous rappeler l’unique voie de salut : la Croix glorieuse. Explications.

Décrire la spiritualité d’un saint risque souvent la réduction. Padre Pio a une si grande envergure humaine et spirituelle. Un point focal peut cependant retenir notre attention à son sujet : la souffrance, oui, mais la souffrance rédemptrice…
Avoir une spiritualité pour saint François d’Assise aurait représenté pour lui être encore en possession de quelque chose. Le fils de Pierre Bernardone n’a rien voulu d’autre que d’être chrétien en suivant Jésus Christ pauvre et crucifié. Là est le secret de l’admiration que lui voue la terre entière à travers les siècles. Un chrétien !… Un vrai !… totalement configuré au Christ Seigneur. Jésus lui a révélé le visage du Père en lui offrant de vivre sous la conduite totale de son Esprit Saint.
Padre Pio est un fils parfaitement fidèle à l’idéal du petit Pauvre d’Assise. Mystérieusement il commencera là où son père fondateur a terminé. Jeune prêtre, Padre Pio reçoit les stigmates visibles de Jésus. François, diacre de la Sainte Église, les reçut seulement deux ans avant de mourir. Par-delà huit siècles, le diacre crucifié d’Assise semble passer le relais au jeune prêtre crucifié du Gargano.
Les stigmates de l’un et de l’autre ne sont pas la cause de leur béatification. La canonisation repose sur la seule reconnaissance de l’héroïcité des vertus théologales. La crucifixion est la route où Padre Pio devra vivre résolument les vertus chrétiennes. À travers Francesco Forgione, devenu Padre Pio, Jésus crucifié nous est « réapparu ». Par lui Jésus a marché à nouveau sur notre terre pour nous rappeler l’unique voie du salut : la Croix glorieuse.
Toute parole du Christ est à entendre dans son contexte historique et géographique. Le XXe siècle fut, plus que tout autre, de feu et de sang. Que dit Jésus en ce siècle lorsqu’il conforme son serviteur Padre Pio à sa Passion d’amour vécue au Golgotha ?

La souffrance, mystère rejeté de ce siècle
Dieu n’a pas voulu la souffrance. Elle est la conséquence du péché des hommes. Dieu en Jésus est venu l’assumer pour la transfigurer jusqu’à la faire disparaître. Aucune vie humaine n’y échappe. Il y a là le plus grand obstacle à la foi en Dieu. L’apôtre Pierre a résisté le premier à son maître lui jurant qu’il ne passerait pas par la croix (Mt 16, 21-23). Pierre, futur pape, traité de Satan par Jésus est au pied du mur : ou il intègre le mystère de la croix et devient un vrai disciple, ou bien il se range du côté de Satan. Ou la vie par la croix ou la mort par le refus de la souffrance. Deux mille ans plus tard, son successeur, saint Jean-Paul II, dira : « Il faut aussi que le pape souffre », joignant, de façon éloquente, l’acte à la parole.
Le scandale du mal est capable de nous faire mortellement trébucher dans notre itinéraire de vie. Il « est la pierre de touche de toute vision du monde » (1). Néanmoins le Catéchisme de l’Église catholique affirme qu’il « n’y a pas un trait du message chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la question du mal » (CEC 309).
Notre société occidentale est grandement héritière des Lumières. Cette philosophie, en écartant l’héritage judéo-chrétien, a fortement contribué à évacuer le mystère du mal, notamment de la mort. La science, avec ses merveilleuses découvertes, offre de façon toujours plus grande une maîtrise sur l’homme et son milieu de vie. Avancées scientifiques faites malheureusement au détriment de ce qu’est l’homme, son origine et sa fin. La personne humaine devient aujourd’hui la question philosophique centrale.
La violence entre humains n’a pas reculé. Trop de destinées restent tragiques. Le « grand soir » n’a pas eu lieu. Les idéologies sont mortes. La recherche du bonheur se réduit à l’horizon de cette terre. Le consumérisme tend à remplacer la quête de communion. Les autoroutes de la communication donnent de vivre la planète comme un grand village. Pour s’inviter à quelle fête ? Le compte de « la mort de Dieu », à grand renfort de philosophie nietzschéenne, ainsi que l’héritage du scientisme ne se sont-ils pas soldés par deux guerres mondiales, par l’érotisme actuel et le vide de nos sociétés ? Dostoïevski, en 1840, dans son roman L’Adolescent, pressent le drame. Quand l’homme n’aura plus de fondement, écrit-il, il se jettera sur son semblable dans la violence de la guerre ou de l’érotisme. Aujourd’hui une troisième guerre, par intermittence, s’installe, celle de la terreur. Sous une fausse conception de la liberté autant que de la dignité, violence est faite à l’enfant à naître, au grand malade en fin de vie autant qu’entre nations riches et nations en voie de développement. Autant de signes qu’un accident grave est advenu à l’homme occidental. Coupé de la source de la vie, prétendant s’en sortir seul, grâce à son intelligence, on est entré dans l’ère du vide (2). « Car mon peuple a commis deux crimes : Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, pour se creuser des citernes, citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau » (Jr 2,13). Violences faites à nos sociétés repues, signes d’une urgence : retrouver le chemin des eaux vives manifesté en celui dont Pilate dit : « Voici l’homme » (Jn 9, 5). Refusant d’intégrer la souffrance dans son origine et sa potentialité, refusant d’assumer le mal de la création en refusant le Créateur, Jésus-Christ, seule réponse à l’énigme du mal (cf. CEC 385), l’homme contemporain erre loin du chemin du vrai bonheur.

Padre Pio, réponse amoureuse de Dieu
Dieu n’abandonne pas ses enfants. Il nous a promis sa présence jusqu’à la fin des temps (Mt 28, 20). À chaque époque Dieu donne des saints pour relever les défis nouveaux de l’évangélisation. « Dans un saint c’est Dieu qui parle de son fond » (3). À ce siècle qui refuse la souffrance, prétendant la vaincre par son savoir, siècle proclamant la mort de Dieu, le Très Haut offre saint Padre Pio. Étoile du ciel divin éclairant la terre parmi toutes les étoiles des nombreux martyrs du XXe siècle.
Padre Pio est une source de lumière et de bonté, d’une humilité inégalable. Source jaillie de l’Amour crucifié, de la croix au quotidien, de la souffrance soulagée, transfigurée par des larmes de sang vécues en sa chair, en sa fraternité et son Église. On veut crier au Seigneur : cela suffit ! Que fais-tu, Dieu, en crucifiant ton enfant durant cinquante ans ? Pourquoi l’enfer se déchaîne-t-il sur lui par toutes les portes que les hommes, y compris dans l’Église, lui ouvrent ? Pourquoi tous ces obstacles à son ministère de guérison et de compassion ? Pourquoi la trahison par ses plus proches, lui, le père d’une multitude ? Pourquoi l’accabler de tant de maux ? « J’en ai besoin pour attirer les âmes à moi » dit Jésus à Padre Pio, lui déclarant que sa stigmatisation demeurerait visible. Étonnant secret que celui de la souffrance offerte, manifestée au grand jour par les plaies de Jésus gravées sur le corps de son prêtre !
Peu de temps après son entrée au noviciat des capucins de la Province italienne de Foggia, le Seigneur avertit le jeune Francesco Forgione. Il lui fait voir le démon sous les formes les plus terrifiantes. Toute sa vie sera un combat incessant contre le prince des ténèbres, mais Jésus le réconforte : « Je ne permettrai pas qu’il t’abatte » (4).
Réponse à ce siècle sourd et aveugle au mystère de l’invisible, siècle livré à tant de violences au nom de l’homme, quand ce ne sera pas faussement au nom de Dieu. Le prêtre crucifié combat les origines lointaines du mal : la désobéissance de Satan, laquelle a entraîné la désobéissance de l’homme. « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui lui appartiennent ! » (Sg 2, 24).
En ce temps-là l’Église, non dans son magistère mais par une petite minorité fort agissante, voit entrer dans sa théologie un horizontalisme dangereux. Par les voies spécifiques d’une certaine exégèse relayée en théologie, silence sur le péché originel et l’existence des démons.
Le cardinal Joseph Ratzinger écrit des pages saisissantes dans son livre autobiographique : « L’intégration de l’existentialisme dans la théologie, comme Bultmann l’avait réalisée, n’avait pas été sans danger pour la théologie. […] Mais la destruction de la théologie, désormais due à sa politisation dans le sens du messianisme marxiste, fut infiniment plus radicale, car elle reposait justement sur l’espérance biblique, qu’elle dénatura en maintenant la ferveur religieuse, mais en excluant Dieu, qu’elle remplaça par l’action politique de l’homme. […] La manière blasphématoire avec laquelle la Croix a été bafouée, accusée de sadomasochisme, l’hypocrisie avec laquelle on continuait à se faire passer pour croyant, si nécessaire, pour ne pas compromettre les moyens menant à ses propres objectifs : on ne pouvait ni ne devait minimiser tout cela, ni le réduire à une querelle universitaire comme une autre » (5).
Dieu aime son Église, plus encore quand elle lui fait défaut par certains de ses membres.
Le Christ enseigne et garde toujours son Église conjointement par la parole et le geste. Sa Parole est événement. Tout geste de sa part est parole. À ce XXe siècle à la dérive, le Seigneur offre les saints qui montrent en acte la voie de la vérité. Conjointement l’Église reçoit des pasteurs d’envergure que sont nos papes, théologiens parmi de grands théologiens. Leur parole puissante vient éclairer la route de la vérité et la sortie de l’épreuve. Ce sera pour eux la tâche immense de la préparation ou de l’authentique interprétation du concile Vatican II, « boussole pour notre temps » selon Jean-Paul II.
Après le concile l’Église entre dans la tourmente. Le concile virtuel véhiculé par les médias masque le concile réel. Jésus par son Padre Pio et par ses « doux vicaires sur la terre » tient la barre. Padre Pio aime amoureusement la croix. Il la proclame haut et fort par les stigmates de Jésus. Lourd fardeau, exposé cinquante ans à la vénération des fidèles autant qu’à la fureur de ses ennemis visibles et invisibles. En son prêtre puissamment habité par la grâce de son sacerdoce, luttant pied à pied avec le prince de ce monde, Dieu proclame sa victoire sur toute forme de mal. Ce mal qui n’a rien à voir avec le non-être. Le démon est un être spirituel créé bon, déchu par pur orgueil (CEC 391).

Padre Pio, témoin de la Passion d’amour de Jésus
La hiérarchie ecclésiale prend très au sérieux « le cas Padre Pio ». L’examen scientifique des mystérieuses plaies est fait avec rigueur par le docteur Giorgio Festa (6). Les connaissances naturelles ne peuvent rendre compte de ses plaies. La prudence des pasteurs s’exerce alors, non pour en nier la supranaturalité, mais pour la préserver, si elle venait à pouvoir être reconnue comme authentique. Padre Pio fera, au milieu de ses frères, la preuve par sa vie de la véracité du phénomène. Le long et pénible ministère du capucin est l’authentification de sa crucifixion dont un petit nombre voulut n’y voir qu’hystérie ou supercherie.
Le combat est rude. Nuits intérieures des sens et de l’intelligence sont le pain quotidien du Padre à côté de grands moments de Thabor. Les stigmates « ne sont pas une décoration » comme il le dit lui-même. De la foi au mystère de sa vie, Padre Pio doit vivre plus que tout autre. « Je suis un mystère à moi-même… » – « Prie pour moi, mon fils, pour que je garde la foi » demande le Père à l’un de ses fils spirituels prêtre, quelques mois avant sa mort.
Son ministère est une prière humble et persévérante. Chaque Eucharistie célébrée est la communion à tous les états d’agonie de Jésus durant sa montée au Golgotha, selon le répons des fidèles « Nous proclamons ta mort… » Pour Padre Pio la messe quotidienne est le Golgotha vécu de l’intérieur alors que Jésus laisse à tout chrétien la seule joie de sa présence de Ressuscité. Le confessionnal dévore les journées du Padre. Devant la foule qui se presse, le pauvre père « n’a plus le temps de se reposer sur le cœur de Jésus ».
Sa compassion est profonde pour tous ceux qui souffrent dans leur corps. Son audace suscite, dans sa région si démunie, un des hôpitaux les plus performants d’Italie : la Maison du soulagement de la souffrance. Centre de soins, de compétence et de prière, l’hôpital répond à des milliers de malades pour leur apporter Dieu autant que les meilleures médecines. Soigner l’homme, tout l’homme. Telle est la devise du Padre.
La violence des atrocités de la Seconde Guerre mondiale le pousse à écouter Pie XII appelant à la prière. Au cœur de son Œuvre du soulagement de la souffrance Padre Pio fonde les Groupes de Prière qui porteront partout son nom. La prière est pour lui « la grande affaire du salut humain » (7).
Si nombre de prélats de l’Église l’admirent, dont Jean-Baptiste Montini, futur Paul VI, il ne manque pas de contradicteurs en son sein. Cela lui vaut quelques persécutions sévères. Fidèle à sa grâce propre par une obéissance tenant du miracle, d’une charité sans faille à l’égard de tous et d’une patience à toute épreuve, il vaincra toute opposition par sa passion. Il prie pour la conversion de ses ennemis. Il en obtient plus d’une.
Padre Pio est un exemple fulgurant de vie humble au milieu des périls, vie tenue par « une foi droite, une espérance solide et une parfaite charité » (8). Le sceau de cette authenticité invite à considérer, avec une attention redoublée, le message du Christ en Padre Pio. Que faisons-nous du mystère de la souffrance transfigurée en Jésus et de notre participation à ce mystère ?

Victime offerte pour nos péchés
« C’est par ses blessures que nous sommes guéris » (1 P 2, 24). La Résurrection est l’affirmation centrale de notre foi, sans jamais oublier qu’il s’agit de la résurrection de celui qui a souffert et qui est mort pour nous. « Le serviteur n’est pas au-dessus du Maître » (Jn 13, 16). Le Royaume de Dieu ne s’identifie pas avec la réussite de ce monde. Le combat pour la justice et la paix en ce monde est du devoir du chrétien. Ce labeur prépare et anticipe le Royaume. Son accomplissement est toutefois pour la fin des temps. Tel est l’enseignement du concile Vatican II (Gaudium et spes 39). Dans ce combat les martyrs portent en leur chair la passion de Jésus pour donner à tous nos labeurs la fécondité qui conduit ce monde vers le Royaume. Qu’aurait été la réussite de l’hôpital de Padre Pio sans la crucifixion d’amour de son fondateur ? L’Église est établie sur l’Eucharistie de Jésus, sa source et son sommet. La tombe des martyrs est le lieu de l’Eucharistie. « Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu’ils avaient rendu. Ils crièrent d’une voix puissante : “Jusques à quand, Maître saint et vrai, tarderas-tu à faire justice, à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ?” Alors on leur donna à chacun une robe blanche en leur disant de patienter encore un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui doivent être mis à mort comme eux » (Ap 6, 9-11). Parole prophétique affirmant que l’Église n’est elle-même dans sa mission que lorsque les siens vivent l’offrande d’amour jusqu’à l’extrême. Accomplissement de l’Église seulement lorsque les « compagnons d’épreuves seront au complet ». Padre Pio est un signe fulgurant de ce que tous les chrétiens, particulièrement les prêtres, sont appelés à vivre : le sacrifice de soi.
Jésus n’a pu casser le cycle infernal de la violence liée au péché qu’en la prenant sur lui par amour et en pardonnant à ses bourreaux. Différence d’avec le bouc émissaire qui ne calme le jeu de la violence que temporairement en unissant les contraires contre lui (9). Jésus, parce que volontaire en son offrande, brise définitivement, jusque dans la mort, la logique du mal et de la violence. « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 17). Dieu seul peut ainsi, en Jésus, prendre sur lui les péchés du monde. C’est pourquoi son offrande volontaire rassemble tous les enfants de Dieu dispersés.
Padre Pio, à l’invitation du Maître, « complète en sa chair ce qui manque à la passion de son Seigneur » (Col 1, 24). À cette Passion du seul Sauveur, il ne manque rien, commente Jean-Paul II dans sa lettre sur le sens chrétien de la souffrance (10). Il ne manque que le oui de ma participation. Il n’y a « pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime » (Jn 15, 13). On n’aime jamais tant qu’en donnant ce qui fait aimer. Jésus partage à ses meilleurs amis l’amour qui l’a conduit à nous aimer jusqu’à la croix, confie-t-il à Padre Pio.
Le stigmatisé du Gargano, en communion avec le cœur crucifié de Jésus dans la grâce du sacerdoce et de l’Eucharistie, obtient la victoire sur des millions de vies de péché. En sa personne la violence faite à la nature humaine par toutes sortes de déviances individuelles et sociales est battue en brèche.
Qui comprendra à sa suite « le secret de la souffrance » ? « La croix je la vois toujours sur les épaules de Jésus », dira Padre Pio. En face de toutes nos négligences en Église, de nos lâchetés et de nos trahisons, Padre Pio voit Jésus, en larmes, tout défait, lui livrant : « Mon fils, ne crois pas que mon agonie n’ait duré que trois heures, non, à cause des âmes que j’ai le plus comblées, je serai en agonie jusqu’à la fin du monde. Pendant le temps de mon agonie, mon fils, il ne faut pas dormir. Mon âme va à la recherche de quelques gouttes de pitié humaine ; mais hélas, je suis seul sous le poids de l’indifférence » (11). Jésus le presse de renouveler son offrande. « Jésus me dit que, dans l’amour, c’est lui qui m’aime ; dans les douleurs par contre, c’est moi qui l’aime, lui » (12). Mystère de communion dans l’offrande suprême.
Dieu n’est pas responsable du mal. Il est responsable du monde tel qu’il l’a créé. Ne pouvant abandonner sa créature Il s’est immergé dans l’océan des ténèbres humaines. Ici la théologie vécue est plus forte que la théologie d’école. Sans l’exemple d’un Padre Pio et de bien d’autres, les savants risquent d’échapper au sens toujours actuel du sacrifice des chrétiens dans le mystère de la croix. Le père Gemelli, franciscain, malgré sa science et son envergure, a achoppé sur la vie mystérieuse du stigmatisé, contribuant à sa persécution. Il le regrettera sur son lit de mort.
En 1971, au chapitre général des Frères Mineurs capucins, le pape Paul VI témoigne : « Considérez la renommée qu’il a connue !… Était-il un philosophe ?… un savant ?… Parce qu’il avait des moyens à sa disposition ?… Parce qu’il disait la Messe humblement, confessait du matin au soir et était – difficile à dire – le représentant de Notre Seigneur, marqué de ses stigmates. C’était un homme de prière et de souffrance » (13).
Un tel secret ne se laisse comprendre sinon par celui à qui il est révélé et qui accepte de le vivre volontairement dans sa chair. « Puissante est la souffrance quand elle est aussi volontaire que le péché » (14). Seuls les tout-petits découvrent ce secret. Jésus en croix est l’enfant mourant sur le cœur du Père : révélation cachée à des sages et des savants (Lc 10, 21). Padre Pio est si pauvre en son humilité, si grand par son oui sans réserve. Il est de la race des sages et des petits à qui le Royaume est ouvert. Son image d’ordination résume toute sa vie : « Jésus, mon souffle et ma vie, aujourd’hui que, tremblant, je t’élève dans un mystère d’amour, qu’avec Toi, je sois pour le monde, voie, vérité, vie et pour Toi, Prêtre saint, victime parfaite » (15).

Père Jean-Dominique Dubois, ofm

Le Père Jean-Dominique Dubois, capucin, est l’un des meilleurs connaisseurs de saint Padre Pio en français. Il est l’auteur notamment de : Padre Pio, le buisson-ardent, Éditions Le Livre ouvert, 2002; Prier 15 jours avec Padre Pio, Nouvelle Cité, 2001, rééd. 2016.

NOTES

(1) Catéchisme des Évêques de France, n. 47.
(2) Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde, Gallimard, 1985, rééd. Folio 2005.
(3) Petite Philocalie de la prière du cœur, Seuil-Points Sagesses, n°20, 1979.
(4) Jean Derobert, Padre Pio, transparent de Dieu, Hovine, 1987, p. 30.
(5) Joseph Ratzinger, Ma vie. Souvenirs, Fayard, 2005, p. 121-122.
(6) Enrico Malatesta, Padre Pio, un prêtre sous le poids de la croix, François-Xavier de Guibert, rééd. 2003, p. 93-127.
(7) Transparent de Dieu, op.cit., p. 311.
(8) Saint François d’Assise, Prière devant le crucifix de saint Damien.
(9) Cf. La thèse de René Girard, dans Je vois Satan tomber comme l’éclair, rééd. Poche 2001.
(10) Jean-Paul II, Salvifici doloris, Lettre apostolique du 11 décembre 1984.
(11) Transparent de Dieu, op.cit., p. 86-87.
(12) Transparent de Dieu, op.cit., p. 82.
(13) Transparent de Dieu, op.cit., p. 16.
(14) Paul Claudel, L’Annonce faite à Marie.
(15) Transparent de Dieu, op.cit., p. 52.

© LA NEF n°278 Février 2017