Mgr Bernard Ginoux © DR

Réflexion sur le projet de loi bioéthique

Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, nous communique cette réflexion sur le projet de loi bioéthique que nous publions avec grand plaisir. C’est une mise au point nécessaire et il est heureux que des évêques montent en première ligne pour critiquer ce funeste projet de loi. – CG

Ce 27 juillet 2020 les députés vont reprendre en deuxième lecture le projet des lois de bioéthique. Ce projet est mené à grande vitesse alors que la société française sort peu à peu de l’épreuve du corona virus et a d’autres sujets de préoccupations : difficultés économiques, crise écologique, incertitudes sur la rentrée, chômage, jeunes non insérés dans la société et grande crise de confiance. Il serait facile de continuer cette liste mais là n’est pas le sujet. Le sujet très grave qui préoccupe beaucoup d’entre nous est la précipitation mise à faire voter ce projet de loi pour imposer de nouvelles techniques de procréation qui déshumanisent la personne humaine, font de l’enfant un objet, sélectionnent les embryons, créent des chimères, font disparaître la paternité et la relation sexuelle entre l’homme et la femme, et, bien sûr, ouvrent la porte à des profits sans fin pour les laboratoires. Ce projet n’est pas digne de notre humanité qui ne peut accepter que l’être humain naisse, vive et meure selon des critères d’envie et des procédés techniques. Est-ce là la mission de la médecine ? Est-ce là l’objectif de la recherche scientifique ? Le progrès n’est-il que dans la transgression de l’humain ? La bioéthique cède-t-elle le pas à la technologie et au profit ?

Pour illustrer cette réflexion je ne prendrai que deux exemples que la loi, si elle est votée, permettra de réaliser

1. La « méthode ROPA » :

(= Réception de l’Ovocyte du Partenaire). Le député Jean-Louis Touraine l’a clairement expliqué. Il s’agit de permettre à deux femmes vivant en couple d’avoir un enfant « ensemble » (= venu des deux). Ce qui est impossible naturellement va se résoudre par cette méthode. On insémine l’ovocyte d’une des deux femmes, fécondé par un donneur de sperme anonyme, dans l’utérus de l’autre femme. On appelle aussi ce processus « maternité partagée » : une femme est génitrice, l’autre gestatrice. Bien entendu dans cette pratique la paternité disparaît et les deux femmes se considéreront comme les deux mères. L’enfant ne va plus savoir d’où il vient puisque deux femmes se déclarent sa mère et qu’il n’a pas de père. Nous ne sommes plus là dans un traitement médical de l’infertilité mais dans une technique qui fait concevoir un enfant sans union sexuelle. La loi peut-elle rendre légitime ce procédé procréatif ? La loi peut-elle le faire prendre en charge par la Sécurité Sociale ? Le bébé devient un produit dont on a envie mais que l’on fabrique selon les circonstances et que l’on fait rembourser par la société.

2. Les chimères :

Le projet de loi laisse entrevoir (article 15) la possibilité de créer un embryon qui comporterait des cellules humaines et des cellules animales. « L’insertion de cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle » serait autorisée. Ces réalisations expérimentales ont été déjà faites dans certains pays : on modifie l’ADN de la cellule et on remplace un gène par un autre. Après diverses manipulations et l’introduction de cellules souches humaines dans l’embryon animal, on obtient ainsi un embryon chimérique (cellules humaines et cellules animales). Faire admettre ce procédé est justifié pour pouvoir prélever des organes (cœur, foie, etc..) sur les animaux ainsi obtenus et tués ensuite après le prélèvement des organes qui remplaceraient les organes humains défaillants. C’est la raison avouée ; mais créer puis tuer des animaux qui ont des signes humains annonce une dérive grave.

J’ai pris ces deux exemples dans le projet de loi qui devrait être voté le 1er août (à main levée !) et en toute hâte. Nous ne sommes plus dans la science au service de l’homme mais dans l’ouverture à l’inhumain. La transgression des limites ne fera pas grandir l’humanité. La réflexion sérieuse sur la personne humaine montre que cette nouvelle anthropologie nie l’origine et la fin de l’homme pour en faire un être manipulé par la technique selon des caprices qui varient et des situations instables : le désir d’enfant à tout prix, quand il n’est qu’une envie à satisfaire, n’est pas le don de soi dans l’amour partagé et reste stérile même si on se fabrique un enfant. Comme le dit souvent le pape François « tout est lié » : on ne peut pas, avec raison, promouvoir l’écologie intégrale, respecter la nature, les animaux, la planète et bafouer le droit de l’enfant à avoir un père et une mère, ne pas respecter l’embryon humain, ne pas reconnaître que l’être humain est une créature et qu’il a un créateur. Tout ce qui peut faire entendre raison à nos parlementaires doit être fait pour le bien de tous.

La légalisation de la transgression serait une fois de plus la porte ouverte à toutes les violences.

Mgr Bernard GINOUX
Evêque de Montauban

© LA NEF le 28 juillet 2020, exclusivité internet