Yves Meaudre © DR

Pédophilie : assez !

Point de vue sous forme de billet d’humeur.

Je suis père de prêtre, missionnaire. Je m’exprime en me fondant sur cette légitimité

Je ressens avec mon épouse dans notre cœur toute la violence du procès fait à l’Église et particulièrement contre son clergé par l’obsessionnel sujet de la pédophilie. Les lignes que j’écris ne veulent en rien relativiser ce crime dont la violence est d’autant plus odieuse qu’elle trahit la vocation sainte du sacerdoce en salissant l’âme d’un innocent. Je suis sans concession avec cette culture obscène que la gauche transgressive a voulu nous imposer comme une libération. « L’affaire Duhamel » a illustré de façon crue et sans concession la perversion arrogante de toute une élite médiatique, politique et universitaire. Qui se souvient du directeur de l’école de Villefontaine condamné en 2008 et réintroduit dans l’enseignement jusqu’en 2015 où la répétition de ses vices avait provoqué la colère des parents ? Ni le recteur de l’académie – pourtant informé – responsable de la nomination du professeur ni la ministre de l’enseignement ne furent appelés à rendre des comptes de ce que cette dernière nommait pudiquement « un dysfonctionnement ». De DSK à Cohn-Bendit on découvre l’abyssale violence des mœurs de ces « élites » sociales dont la responsabilité publique n’a jamais été engagée.

Là où je m’insurge c’est le poids qu’on fait porter au clergé dont le nombre des membres condamnés (9 aujourd’hui) est trois fois inférieur au nombre des membres de l’instruction publique (30). Que l’on soit plus sévère avec un pasteur je trouve cela juste et mérité. Pourtant aujourd’hui nous ne sommes plus dans la recherche d’une justice pour la réparation des victimes, nous sommes dans une volonté délibérée de salir « le prêtre ». Alors que l’on sait que 99 % de nos curés et vicaires sont de bons prêtres et de belles personnes.

Que « le monde » profite vicieusement de ce phénomène de loupe en cherchant des responsables sur une durée s’étalant sur soixante-dix ans ne me surprend pas. Il se défausse de ses propres perversités sur l’innocent. Le mythe du bouc émissaire portant les fautes d’Israël et chassé au désert reste d’actualité. René Girard l’avait bien analysé.

En revanche, ce qui devient pervers est lorsque l’Église elle-même ne cesse d’en faire l’absolu de sa faute. En claironnant sa responsabilité collective elle accable des générations de jeunes prêtres courageux et saints. Elle sape leur mission d’évangélisation du monde. Il n’y a pas un jour où la Conférence des évêques où les médias catholiques n’évoquent parfois avec gourmandise sa « responsabilité collective » s’incriminant elle-même des fautes datant parfois du début du siècle dernier. La sottise bat son plein quand on découvre cette idée aussi farfelue qu’aberrante d’un projet de construction, à l’entrée de Lourdes, d’un grand monument d’expiation pour la faute de son personnel ! Les indemnités proposées sont un déni du droit, car la faute est de la responsabilité personnelle du criminel. Ni l’Éducation Nationale, ni la police, ni le ministère de la Santé ou celui de la jeunesse et des sports ne se risqueraient à indemniser les victimes de ses fonctionnaires. Ils tomberaient dans un gouffre financier !

Il y a comme une « maraboutisation » (1) de la conscience de certains évêques. Quelques-uns semblent obsédés de présenter un brevet « républicain ». On multiplie les commissions, les enquêtes, les thèses, les livres et les commentaires des fonctionnaires de l’Église sur ce sujet scabreux et cela jusqu’à l’impudeur. Il ne s’agit pas d’ignorer le sujet mais de le traiter avec intelligence et équité.

L’omniprésence de ce sujet dans les assemblées ou dans les radios chrétiennes avère la perte du sens de la responsabilité de l’Église. On oublie la vocation du prêtre : Le salut des âmes. Réduire le discours de l’institution ecclésiastique à la seule dénonciation de « La Faute » de certains de ses membres neutralise la légitimité à annoncer la révélation de notre salut auprès des païens.

C’est bien ce que veut le démon. La vocation propre de l’évêque se trouve dans la paternité à l’égard de ses prêtres. Il doit libérer ceux-ci du piège de la justification qui ne laisse plus de place à la beauté de l’enseignement de la foi. Les pasteurs et les plus jeunes d’abord doivent trouver en celui-ci le réconfort et la force pour combattre un monde qui les accable.

La recherche pathétique d’un compromis avec « le monde » évacue ou rend secondaire le débat sur le salut des âmes, sur la conversion des pécheurs, sur l’évangélisation d’une population passée dans une proportion considérable de l’apostasie des parents à la paganisation profonde des enfants.

Confondant la vertu d’humilité avec la lâcheté intellectuelle, l’institution ecclésiastique perd le sens de sa propre dignité et la grandeur de son état. Hypnotisée par l’œil du cobra elle abdique sa liberté d’enfant de Dieu. Elle n’a plus conscience de son honneur.

Oui, j’avoue être révolté, parce que je suis père de prêtre. Cette autoflagellation, cette phobie jaculatoire rend le spectacle obscène. Elle voile la générosité dont témoigne la presque totalité des prêtres jeunes ou âgés qui, jour après jour dans la modestie de leur quotidien, évangélisent ici ou ailleurs des peuples en attente de la promesse de la vie éternelle.

Le voyeurisme sous prétexte de bonne conscience désole l’âme. Nous voulons des pasteurs qui nous parlent de la vision béatifique à laquelle nous sommes tous appelés.

Yves Meaudre

(1) Elisabeth Levy à propos de l’état de sidération des français lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron.

© LA NEF le 25 février 2021, exclusivité internet