Le dernier rapport AR6 du GIEC

Le GIEC, entre alarmisme et idéologie

Le dernier rapport AR6 du GIEC use d’un ton toujours plus alarmiste à propos des effets du réchauffement climatique dans le monde. Il cache cependant des intentions idéologiques de plus en plus évidentes.

Le printemps et l’été 2022 en Europe ont été secs et caniculaires. Le site du Service géologique national (brgm.fr) a parlé à la date du 10 août 2022 d’une « sécheresse sans précédent ». Beaucoup d’autres sites d’informations au même mois sont venus confirmer cette situation unique et spectaculaire, jamais enregistrée, a-t-on dit.
Pourtant, en scrutant un peu plus l’actualité, quelques nuances doivent être apportées : on apercevait dans certains médias que l’été de 2022 était comparé à celui de 1976. Puis un parallèle a été fait avec celui de 1949 et le grand incendie de Bordeaux. Enfin, des archives nous ont rappelé celui de 1911. La sécheresse de 2022 aurait eu en réalité des précédents.
Il n’est pas question ici de se demander si l’été impressionnant que les Français viennent de vivre a été le signe du réchauffement climatique. Celui-ci ne fait pas l’ombre d’un doute. En revanche, son caractère anthropique tant revendiqué par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est remis en cause par une autre communauté de chercheurs qui est non négligeable. Ce débat qui dure depuis près d’un demi-siècle continue aujourd’hui à coups d’articles scientifiques postés dans les plus grandes revues internationales (un corpus de 4275 articles), ce que prouve François Gervais dans son dernier ouvrage, Impasses climatiques (1). Les deux thèses ont leurs arguments bien rodés. Chacun des deux camps a ses lobbies, plus ou moins puissants. Mais l’appareil médiatique en a décidé autrement, qualifiant de « climato-sceptiques » et de complotistes tous ceux qui mettent en doute la thèse de la cause humaine du réchauffement climatique, leur déniant le statut de scientifiques. Et d’étouffer aujourd’hui toute forme de contestation, en faisant croire que tous les scientifiques sont unanimes.

Un ton de plus en plus catastrophiste

Les partisans de l’origine anthropique du réchauffement climatique aidés par les médias tiennent un discours apocalyptique. Le 10 août, le même jour que la parution de l’article sur le site web du Service géologique national, Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace France, avertissait : « Notre planète est en train de devenir rapidement inhabitable. Nous sommes en train de rentrer dans une réalité hostile à l’espèce humaine. » Le Figaro ajoutait : « Des vagues de chaleur qui se succèdent, des rivières qui s’assèchent, des milliers d’hectares ravagés par les flammes… Et si l’été 2022 annonçait le climat à venir en France ? » Ce n’est pas une nouveauté. Depuis des années, voire des décennies, les unes de journaux se succèdent aussi catastrophistes les unes que les autres.
Les journalistes ne sont peut-être pas les coupables de cette exagération. Il suffit de lire la synthèse du rapport AR6 du GIEC, parue en mars 2022, pour s’en convaincre. Cette synthèse est à l’intention des décideurs et des journalistes. Les auteurs alertent, proposent des solutions sans trop d’espoir, car au-delà des inéluctables 1,5°C de réchauffement du climat, « cela rendra encore plus difficile un développement résilient au changement climatique ». Puis ils placent à la toute fin de la synthèse un encadré avec un ton beaucoup plus alarmiste : « Les preuves scientifiques sont sans équivoque : le changement climatique est une menace pour l’humanité et la planète. Ce rapport montre que les risques climatiques apparaissent plus tôt que prévu, et de manière plus sévère. Les écosystèmes et les populations humaines sont poussés à leurs limites, et même au-delà. Tout délai supplémentaire de mise en place d’actions concertées au niveau mondial annihilera tout espoir d’assurer un avenir vivable. » En 2019, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, déclarait : « C’est la bataille de nos vies. Sans la neutralité carbone en 2050, nous sommes perdus. La planète évolue vers l’abîme » (2).

Un cinéma anxiogène

Il est inutile de s’étonner qu’avec un ton pareil – qui contraste avec la prétendue neutralité des scientifiques –, les journalistes, souvent trop pressés, reproduisent le propos sans nulle autre forme d’investigation. Avec le temps, les prophéties du GIEC sont devenues une mode. Elles collent parfaitement avec la production cinématographique : 2012, Don’t look up déni cosmique, How it ends, Interstellar, Mad Max… Le GIEC fait office de relais de croyance. Les téléspectateurs passent ainsi de la fiction à la réalité. Ce qu’on nomme aujourd’hui l’« éco-anxiété » est devenu une véritable industrie culturelle. La population broie du noir. On la prépare aux « fins dernières ».
Pourtant, les partisans de l’origine anthropique du réchauffement se sont trompés plusieurs fois. Dans les années 1970, Jean Touzel, glaciologue et actuel membre du GIEC, militait alors pour lutter contre le refroidissement climatique dû à l’activité humaine. En 2007, dans son 4e rapport, le groupe intergouvernemental prédisait la disparition des glaciers de l’Himalaya d’ici 2035. Quelques années après, il revenait sur son assertion. Encore aujourd’hui, il insiste sur une érosion significative de la banquise en Arctique, mais il néglige par là même son augmentation dans l’Antarctique : selon François Gervais, relecteur du rapport AR6, la superficie de la banquise en Antarctique a augmenté en moyenne de 11 300 kilomètres carrés depuis le début des mesures en 1979, se référant ainsi à une étude scientifique de Parkinson en 2019 (3). Al Gore prédisait sa disparition en Arctique d’ici sept ans en 2007.

Glissements sémantiques

Il existe aussi des glissements sémantiques à des fins de communication qui mettent en doute la parole des « climato-alarmistes ». Si en 1970 nous parlions plutôt de « refroidissement climatique », le terme de « réchauffement climatique » qui l’a remplacé dans les années 1980 et 1990 a été abandonné au profit des termes moins précis de « dérèglement climatique » ou encore de « changement climatique ». Il peut faire plus chaud ou plus froid, plus venteux, plus sec ou plus humide. Chaque caprice de la météo va participer de cette ambiance apocalyptique.
Il ne s’agit pas de rejeter tous les arguments des écologistes. Sans certitude sur l’origine humaine du réchauffement climatique, il convient d’appliquer le principe de précaution en luttant pour la réduction des gaz à effet de serre. Réfléchir aussi sur notre mode de vie trop consumériste s’impose. Comme l’a précisé Bruno Latour (AFP, 2021), récemment décédé et grand penseur de l’écologie, « le capitalisme a creusé sa propre tombe. Maintenant il s’agit de réparer ». Mais la question est de savoir ici pourquoi les auteurs du GIEC affirment l’imminence d’une véritable catastrophe climatique, sans rester humble face à la science climatologique encore balbutiante et laisser part à la nuance, puisqu’une quantité appréciable de scientifiques ne sont pas si affirmatifs.
Une réponse se trouve dans le rapport AR6. Il existe chez les auteurs du rapport du GIEC un autre objectif qui justifierait l’urgence d’un changement de notre mode de vie pour lutter contre les effets du réchauffement climatique. Le but serait de mettre en place « une gouvernance inclusive fondée sur l’équité, la justice sociale et climatique ». Et pour ce faire, il convient nécessairement de mettre en place « une gouvernance mondiale » où « les décisions politiques devront dépasser les échéances électorales ». Cela revient à dire qu’il faut dépasser la démocratie. Les auteurs développent : cette lutte doit promouvoir des groupes « traditionnellement marginalisés com­me les femmes, les jeunes, les peuples autochtones, ou les minorités ethniques » : « des choix juridiques et politiques peuvent également réduire des vulnérabilités structurelles en s’attaquant aux inégalités fondées sur le sexe, l’origine ethnique, le handicap, l’âge, la localisation et le revenu. » Il s’agit là d’une emprise de la pensée woke, centrée sur la défense des minorités, au sein du GIEC qui revendique pourtant une soi-disant neutralité.
Il est difficile de comprendre quels liens conduisent la notion de dérèglement climatique à cette pseudo-philosophie, et la lutte contre l’effet de serre à la réduction des inégalités femmes-hommes. Au vrai, les partisans de l’origine anthropique du réchauffement climatique ont peut-être raison, mais leur alarmisme cache une vision fausse de la nature censée reprendre ses droits sur l’homme, simple animal vu comme le prédateur par excellence, qu’il convient donc de culpabiliser ; paradoxe singulier quand le wokisme affirme par ailleurs que sur le plan sociétal l’homme est un dieu qui s’autoconstruit sans limites ni contrainte.

Pierre Mayrant

© LA NEF n° 352 Novembre 2022, mis en ligne le 31 janvier 2023