Anne Coffinier © DR

Le déni face à la guerre scolaire

La guerre scolaire serait donc rouverte : comment en est-on arrivé là ? Tous les protagonistes le reconnaissent-ils au moins ? Telles sont les deux questions traitées par cet article.

Lorsque LFI réclame la fin du subventionnement public des écoles sous contrat, elle est dans son rôle. Elle s’inscrit dans la droite ligne de la gauche antireligieuse et laïcarde adepte de la formule : « argent public, école publique ; argent privé, école privée ! » C’est ainsi que le rapport parlementaire Vannier-Weissberg d’avril dernier demandait de manière véhémente de remettre à plat le système de financement et de contrôle public des écoles sous contrat. Les syndicats et les partis de gauche n’ont de cesse d’obtenir l’alignement de l’Enseignement catholique sur l’Éducation nationale mais aussi la diminution des crédits publics aux établissements confessionnels. Ainsi le « caractère propre », qui n’admet pas de définition légale, est sans cesse rogné. Le souvenir du serment de Vincennes de 1960 (1) joue de nouveau un rôle de ciment pour la gauche qui est menacée par ailleurs de violentes divisions internes. Le CNAL et l’UNSA (2) entretiennent très pieusement cette haine contre l’école catholique. Le SNES-FSU (3) a invité, lors d’un communiqué du 22 septembre 2024, à faire l’unité de la gauche autour de l’objectif de supprimer les financements publics aux écoles sous contrat.

L’État, acteur de la guerre scolaire

Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que l’État lui-même soit directement acteur de la guerre scolaire, au-delà des changements de ministres : en effet, des rectorats, comme ceux de Bordeaux ou Toulouse, utilisent le prétexte d’un article de presse ou d’une revendication syndicale, pour diligenter une inspection musclée débouchant sur des sanctions exceptionnellement lourdes. À Pau, c’est un article de Libération qui a mis le feu aux poudres. À Stanislas, c’est Mediapart qui a lancé les hostilités en accusant le ministère de cacher à l’opinion un rapport d’inspection relevant les manquements de l’école Stanislas par rapport à la loi Debré et à la loi en général. Le retrait du contrat est demandé par certains ; la maire de Paris a annoncé suspendre le financement des subventions (pourtant obligatoires) à cet établissement. Mais Stanislas est parvenu à garder son contrat au prix d’ajustements somme toute mineurs. Les activistes islamogauchistes s’indignent du deux poids deux mesures en soutenant que le lycée musulman Averroès de Lille a perdu son contrat fin 2023 pour moins que cela. Un complément d’enquête, diffusé le 10 octobre, tente en ce moment même de ranimer les hostilités contre Stanislas.
Si la gauche sait et dit clairement qu’elle fait la guerre, l’Église catholique, elle, préfère le silence, les litotes et le déni, tandis que la droite est trop occupée par ses manœuvres politiciennes court-termistes pour se mobiliser efficacement sur cette question pourtant fondamentale. Le secrétaire général de l’Enseignement catholique, Philippe Delorme, a dénoncé lors de sa conférence de presse de rentrée la « chasse aux sorcières » livrée contre l’enseignement catholique. Et de s’indigner : « Quelle est la prochaine étape ? Nous interdire de voir un crucifix dans les salles de classe ? Mon Dieu, mais où va-t-on ? »
Je constate pourtant, qu’au-delà de cette colère d’apparat, il abandonne ses hommes aux griffes des ennemis de la liberté scolaire et de la foi. Lorsque le directeur de l’Immaculée Conception à Pau est suspendu par le rectorat, selon une procédure sans précédent quasi inconnue de tous, Delorme s’étonne du caractère « disproportionné » des sanctions prises, là où il devrait en dénoncer l’illégitimité, l’iniquité et l’illégalité avec la plus grande fermeté. Il dénonce qu’il ait été reproché au directeur Christian Espeso d’avoir organisé une conférence de son évêque, Mgr Aillet, dans son établissement. Mais l’argument mis en avant par le secrétaire général est que c’est « une conférence comme les autres ». Mais non ! Un évêque est chez lui dans un établissement catholique de son diocèse, et ce n’est pas une conférence comme les autres. Nous vivons donc une époque où nos impôts, à travers le Pass culture, permettent aux lycéens d’entrer gratuitement à la fête de l’humanité mais où l’État prétend interdire de parole un évêque dans un établissement dont il a la tutelle directe !
Face à des attaques aussi massives et malhonnêtes, il faut réagir for-te-ment ! Mais l’Enseignement catholique semble paralysé par la peur bourgeoise de perdre le peu de liberté qui lui reste et les larges financements publics dont il bénéficie. Le « pas de vagues » encore et toujours. Si l’on veut garder le goût de la liberté, il ne faut probablement pas mettre le doigt dans l’engrenage de la gloire et de l’argent. Il se peut qu’on ait plus de chance de rester fidèle à la radicalité évangélique et à la liberté qui va avec, lorsqu’on n’a ni subvention ni légion d’honneur, que lorsqu’on est tout embarrassé de considérations matérielles.

Anne Coffinier*
*Présidente de Créer son école, dont la vocation est de défendre la liberté scolaire.

(1) Ce Serment est un engagement pris par le camp « laïc » lors d’une manifestation contre la loi Debré de 1959, jurant notamment de « lutter sans trêve et sans défaillance jusqu’à son abrogation » (ndlr).
(2) CNAL : Comité national d’action laïque. UNSA : Union nationale des syndicats autonomes (ndlr).
(3) Premier syndicat français des enseignants (ndlr).

© LA NEF n° 374 Novembre 2024