Dix ans après les ravages causés par Daech, les chrétiens d’Irak sont dans une situation dramatique : ils comptent sur leurs frères chrétiens d’Occident pour les aider.
Dix ans après la prise de la plaine de Ninive par Daech, qui avait contraint 120 000 chrétiens à fuir en pleine nuit la terre de leurs ancêtres pour se réfugier dans les camps de la région du Kurdistan, les chrétiens d’Irak se retrouvent bien seuls. Ils avaient vu en 2014 arriver par dizaines des ONG guidées par les projecteurs des médias : Américains, Européens et même Australiens étaient alors là en nombre. Fin 2016, après plus de deux ans de vie dans des camps de fortune, une partie des chrétiens a pu rentrer dans leurs villes, hélas largement pillées par Daech.
Dix ans plus tard, dans un Proche-Orient soumis aux tensions géopolitiques les plus graves de ces trente dernières années, les chrétiens d’Irak sont seuls, là où les sunnites d’Irak sont soutenus par la Turquie et les pays du Golfe, tandis que certains chiites peuvent quant à eux compter sur l’appui de l’Iran.
Épisode cruellement révélateur de cette solitude des chrétiens d’Irak, un incendie a ravagé il y a un an une salle de mariage de Qaraqosh, causant la mort d’environ 170 convives. Les hôpitaux irakiens ont alors fait de leur mieux pour accueillir les grands brûlés mais, face à la gravité et surtout au nombre de blessés, ils étaient incapables de faire face : les infrastructures de santé n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant Daech. Où étaient tous les logos colorés de ces ONG internationales que nous avions vu défiler dans les camps de réfugiés en 2014 après ce drame ? Aujourd’hui encore, huit grands brûlés nécessitent toujours des soins hospitaliers coûteux et une prise en charge à laquelle se dévoue un prêtre admirable du diocèse de Qaraqosh et Mossoul.
Au-delà de la seule ville de Qaraqosh, où sont revenues environ 25 000 personnes – la moitié de sa population d’avant-2014 –, cet incendie a ébranlé ces chrétiens qui avaient déjà trop souffert, comme en témoignent les immenses processions récentes en mémoire des victimes.
Lorsqu’on a en mémoire la guerre Iran-Irak, les deux guerres du Golfe, l’embargo, les exactions commises par les terroristes salafistes d’Al Qaïda, l’exode intérieur forcé à cause de Daech et l’exil silencieux de familles entières hors du pays depuis lors, cet incendie effroyable et traumatique est arrivé pour beaucoup comme l’épreuve de trop. Pourtant, ce que les chrétiens d’Irak appellent de leurs vœux n’est pas d’être soutenus par une puissance étrangère, comme peuvent l’être d’autres communautés du pays, mais plutôt de pouvoir compter sur des frères et des sœurs dans la foi.
Nos prières, en particulier durant ce temps de l’Avent, et notre capacité à les aider à se tenir debout : voilà ce qui compte vraiment. Se tenir debout grâce au travail, aider les pères de famille à retrouver leur dignité, voilà ce que nous a demandé une fois encore Mgr Younan Hanno, l’évêque syriaque-catholique de Qaraqosh et Mossoul. Cet évêque énergique de 42 ans nous incite, nous Français, à continuer à agir pour redonner à son peuple les moyens de travailler.
Depuis la libération de Daech en 2016, c’est à son appel, après celui de son prédécesseur, que notre association a financé, avec un mélange de prêts à taux zéro et de dons, l’outil de travail des artisans, commerçants et éleveurs revenus chez eux : plus de 500 emplois ont ainsi été créés par Fraternité en Irak dans les villes de la plaine de Ninive. Pourtant, Mgr Hanno trouve qu’il faut aller plus loin, et ne pas désespérer de voir les chrétiens revenir dans Mossoul-même – où ne s’est pour l’heure réinstallée qu’une cinquantaine de familles chrétiennes. Pour que d’autres les suivent, il leur faut pouvoir, même simplement, y vivre de leur travail. C’est pourquoi nous y amorçons désormais le déploiement de notre programme d’aide et de relance.
Plus fort que toutes les grandes puissances de ce monde, le lien qui unit les chrétiens d’Irak à leurs frères et sœurs à travers l’Église est une ligne de vie : spirituellement et matériellement, à nous de la tisser !
Faraj-Benoît Camurat*
- *Directeur général de Fraternité en Irak : http://fraternite-en-irak.org/
L’association a un besoin vital de vos dons pour aider nos frères chrétiens d’Irak.
© LA NEF n° 375 Décembre 2024