L’épreuve mondiale du coronavirus : les débuts d’un temps nouveau ?

L’épidémie de coronavirus que subissent particulièrement une province de la Chine et différents foyers naissant dans le monde fait réfléchir les chrétiens sur sa cause, sa signification et l’espérance que nous pouvons avoir en ces temps qui sont particuliers. Sans être alarmiste, il est important d’interpréter comme nous invite à le faire le Seigneur les signes des temps. Ce qui frappe immédiatement l’esprit, c’est la révélation de grande faiblesse des structures économiques mondiales et dans le même temps celle de l’illusion d’un monde idéal qui pourrait se faire sans Dieu, fondé sur une économie puissante mondialisée. Tout d’un coup, « en une heure de jugement »[1] l’homme moderne s’aperçoit que la confiance dans les États nations, dans les grandes entreprises, dans le système économique mondial n’est pas assurée. En quinze jours, les ventes de voiture ont baissé de 90 % en Chine, des milliers de chaînes d’approvisionnement ont été rompues et de plus en plus, paraît difficile une reprise économique prochaine de la deuxième puissance mondiale assurant près de 15 % de l’économie planétaire. Comme si le Seigneur disait : « l’activité économique de ce monde moderne repose sur du sable, sur une technique idolâtrée mais qui ne peut pas sauver l’homme ni se sauver elle-même ».

La propagation de ce virus semble comparable à cette petite pierre dont parle le livre de Daniel qui brise soudainement une statue de bronze et de fer au pied d’argile[2]. Par analogie, elle pourrait aussi exprimer un écroulement de fonctionnements nationaux et de grands dynamismes sociétaux reposant non pas sur le primat de l’homme et de Dieu mais sur le fer et le bronze de la machinerie d’une économie mondialisée. Un monde fondé sur le travail total, le tout économique et le sans-Dieu est-il en train de s’effondrer ? L’avenir le dira, mais plus rien ne sera jamais comme avant : chacun saura qu’il ne peut mettre sa confiance et son espérance dans un monde se fondant sur la recherche d’une croissance économique sans fin.

Notre propos se veut objectif et en même temps rassurant car comme chrétiens nous savons que nous avons « déjà la victoire »[3] grâce à Celui qui nous a tant aimés. Il possède aussi un certain regard prophétique au sens d’une tentative de lecture dans l’Esprit de l’actualité internationale à partir de la parole de Dieu. Il s’articulera en trois parties : le kairos de cette épidémie, le jugement de la Chine, le jugement des nations. La conclusion donnera l’espérance que nous pouvons avoir.

Lorsque nous parlons de jugement sur une ou des nations, nous n’entendons pas un châtiment divin, au sens positif que nous pourrions avoir, mais d’abord une certaine intervention de Dieu sur une période donnée et sur un ou des pays donné(s) en vue d’instruire et de corriger. Nous verrons plus loin quel sens plus précis nous pouvons donner à cette notion.

I – Le Kairos de cette épidémie

Les Grecs distinguaient deux temps comme nous chrétiens. Le temps chronos, celui qui s’écoule, linéaire, normé, à l’image du Dieu Chronos qui dévore ses enfants car il est inéluctable. Ce temps est celui qui caractérise tout à fait le temps mathématique de l’économie mondiale par lequel il est possible de faire des projections de toute sorte pour l’avenir économique du monde. Le temps kairos est le temps qui marque l’arrivée d’un évènement fondamental : en quelque sorte l’évènement devient temps car il marque une coupure nette, un changement fondamental d’horizons qui détermine un certain « vivre ensemble ». La découverte de la roue, de l’Amérique, celle de l’effet du transistor, le choc des deux guerres mondiales sont des temps de kairos car ils marquent des étapes de l’histoire de l’humanité. Nous ne parlons pas dans notre propos d’une fin des temps mais de l’entrée dans un nouveau temps.

Quelles sont les raisons qui expriment ce temps de kairos que nous vivons ? Tout d’abord, l’économie mondiale vit un tsunami comme il ne s’en est jamais vu depuis des dizaines d’années[4]. Non seulement la production et l’activité commerciale de la Chine se sont effondrées mais aussi celles de milliers d’entreprises dans le monde. L’Italie vient d’être placée tout entière en quarantaine. Ce 9 mars a été mentionné dans les médias l’existence d’un krach boursier et pétrolier sans précédent. Il ne faut pas s’imaginer que le dynamisme de l’économie mondiale repose comme au début du XXème siècle sur des capacités de production internes à chaque entreprise, mais plutôt sur des processus interentreprises et inter-mondiaux qui constituent à la fois sa force et sa faiblesse. Démarrer ces processus, ces chaînes d’approvisionnement dans une complémentarité organique avec un leadership bien procédurier a permis de décupler d’une manière quantitative mais aussi qualitative l’ensemble de la production mondiale. La force de ces dynamismes repose sur l’ingénierie de mise en place organique et fiabilisée au cœur de chaînes de production mondialisées qui les ont constitués. C’est précisément ces process qui ont été atteints et qui prendront des mois voire des années pour retrouver leurs niveaux d’avant-crise. Mais plus grave encore, cette crise économique sera une crise d’investissement car elle devient une crise de confiance dans la capacité de la Chine à assurer la stabilité ne serait-ce que matérielle des chaînes de production mais aussi de vente. On peut s’attendre à une frilosité très grande pour investir et prêter de l’argent car lorsque le rendement des usines et des immeubles ne peut plus être garanti, peu voudront prêter. Le problème de l’épidémie du coronavirus en Chine est qu’il est le deuxième épisode douloureux après celui du SRAS en 2003 et tout le monde s’interroge pour savoir ce qui pourrait prémunir d’une épidémie encore plus grave ? La confiance dans les capacités de la Chine est irrémédiablement ébranlée et par elle, celle de l’économie mondiale. Un des signes directs de cet effondrement économique mondial est la baisse de vente de voitures de 90 % en Chine la deuxième quinzaine de février et d’une manière générale, seules 30 % des entreprises ont repris leurs activités au 25 février. Les compagnies aériennes ont déjà estimé à plus de 30 milliards de dollars le manque à gagner, alors que Standard Chartered, un cabinet d’audit international, estime que 42 % du PIB de la chine pourrait être atteint par le coronavirus[5]. Enfin, il ne faut pas oublier le caractère paradigmatique de la vie économique d’une société comme l’étymologie du mot l’indique pour comprendre le kairos économique actuel. L’oikounomia signifie la loi de la maison pour que chaque personne puisse bien vivre : elle a un lien direct avec la vie concrète des personnes et, dans son organisation, porte les différentes aspirations sociales, les valeurs, les histoires de la maison. Voir un système économique chinois se modifier, c’est voir nécessairement l’ensemble des lois de la maison Chine remises en cause et être remises à plat pour le pire peut être mais aussi peut être pour le meilleur.

Le temps de kairos s’exprime aussi par l’effet de stupeur engendré par ces millions de personnes mises en quarantaine. La province de Hubei correspond à peu près au 1/3 de la taille de la France, province totalement confinée. Les services de santé chinois considèrent la situation comme une situation d’état de guerre. Des dizaines de villes de plus d’1 M d’habitants ont vu également leurs déplacements réduits. Hong Kong s’est barricadé. Cet arrêt soudain des mouvements de millions de personnes semble exprimer symboliquement l’arrêt d’un temps chronos auquel nous nous sommes tous accoutumés comme rythme de vie quotidien. Car dans notre société moderne, si le temps subi est celui du chronos, il a son double dans l’ordre vital qui est celui de la capacité de pouvoir vivre le maximum d’expériences en des temps les plus réduits possibles grâce aux transports et à l’hyper-connectivité. Tout d’un coup, les transports automobiles, ferroviaires, maritimes, aériens s’arrêtent pour des millions de personnes interrompant sorties de toutes sortes, loisirs, voyages à l’étranger, course effrénée aux parcs d’attractions,… Il est à prévoir que des zones de quarantaine s’étendent dans de nombreux pays, seule manière efficace de lutter contre la maladie. Tout d’un coup la spirale de l’accélération sociale mise en évidence par le sociologue Hartmut Rosa[6] s’est brisée. À la violence paradigmatique de cette spirale vient s’opposer la violence d’un temps kairos qui fait interrompre en même temps, les trois composantes de celle-ci : accélération de la technique, du rythme de vie, et de l’évolution des formes sociales contraignantes, qui se stimulent entre elles. Il fallait qu’un évènement spécial puisse les interrompre en même temps : c’est ce que fait le coronavirus d’une manière qui frappe les esprits. L’immobilité des personnes placées en quarantaine signifie symboliquement l’arrêt du temps-chronos pour entrer dans l’immobilité d’un kairos. On peut s’interroger en outre sur l’apport du sens biblique du mot quarante qui signifie dans le cadre de la notion de quarantaine un temps de passage, de signification à venir, de temps laissé par Dieu pour la réflexion personnelle et un changement de comportement. Ceux qui sont ainsi confinés seraient poussés à une réflexion profonde sur leur vie. Mais ce temps est-il par ailleurs respecté selon la sagesse des anciens ? En effet, des quarantaines se sont transformées en des temps de deux semaines dans plusieurs pays, comme si le chronos voulait empêcher le kairos. L’effet de stupeur vient du contraste entre un monde ultra-connecté, de la mobilité avec un monde où la mobilité est réduite à rien. Finalement, ces mises en quarantaine semblent inviter le monde à passer de la finalité du temps chronos à celle d’un temps plus humain que représente la notion de « lieu » : de la finalité d’un monde à conquérir à celle d’un appel à l’enracinement représenté par la maison. Cette question de la signification du passage du temps chronos au « lieu », imposé par les mises en quarantaine, est fondamentale ! Ces mises en quarantaine semblent constituer un appel : l’homme est invité à réinvestir l’espace : celui de sa maison, de sa ville, de son corps car c’est dans un espace à taille humaine favorisant la relation avec les autres et avec soi-même que l’homme peut se reposer les questions fondamentales sur le sens de sa vie. C’est aussi dans cet espace plus limité que la densité de la vie humaine peut s’exprimer le mieux non dans une course économique en avant parfois mortifère dans un espace illimité qui est le monde. La société moderne a fait passer l’homme de son enracinement dans un « lieu » aux virtualités expérientielles du chronos, qui s’est présenté de fait comme un nouvel-espace. 

Enfin, la signification de kairos apparaît à travers l’ébranlement possible d’un pays qui apparaissait dans ses structures comme inexpugnable. La Chine communiste venait de fêter l’année dernière ses 70 ans, temps là aussi biblique pour marquer un changement. Les derniers contemporains de l’ancien système et de la révolte de 1949 qui ont fondé dans le sang la révolution sont sur le point de partir et n’ont plus la force de véhiculer ce qui a fondé leur combat. La Chine, c’est deux fois la taille du continent européen, vingt fois la population de la France, c’est plus de 90 millions de personnes qui adhèrent au parti communiste, mais surtout ce sont toutes ces ramifications du parti qui la structurent sur le plan judiciaire, économique, politique, culturel. Quand l’économie d’un pays va croissante, on peut se permettre d’accepter des répressions de liberté car le bien-être et le confort sont assurés ou promis : c’est au fond le bien premier que recherchent des personnes et c’est ce qui a permis à la Chine de tenir depuis plus de 30 ans après la Chute du mur de Berlin. Elle a atteint un niveau de PIB équivalent à près de 800 dollars par mois par personne. Progrès économique spectaculaire au prix de sacrifices humains certes, mais qui a sauvé la Chine actuelle, un peu comme la vitesse d’accélération d’un vélo l’empêche de tomber. Si les instances de la Chine se veulent rassurantes, il est à prévoir une crise économique sans précédent en Chine continentale, favorisée aussi par les remises en question des investissements de multiples d’entreprises étrangères. Les économistes rappellent qu’un tiers des entreprises chinoises ont moins d’un mois de réserve financière, un autre tiers entre un mois et trois mois, un autre tiers dispose de plusieurs mois. Si l’épidémie n’est pas maîtrisée[7] dans les trois prochains mois, c’est le crash assuré. Or, de plus, un kairos de perte de confiance dans la parole même du parti peut être mis en évidence. Les dernières années, notamment depuis l’arrivée de Xi au pouvoir, la parole du chef du parti communiste a été substantifiée à la manière confucianiste d’un chef du pays ayant reçu un mandat du Ciel. Or, les autorités n’ont pas été transparentes et ont menti aux origines mêmes du développement du Virus. Comme le titrait un article de la presse, Wuhan est-il le Tchernobyl chinois qui sapera définitivement la confiance dans le parti unique et entraînera sa chute ? Ceci a fait ressortir sur les réseaux sociaux chinois des millions de commentaires négatifs à l’égard d’un système qui, pour des raisons politiques et de répression idéologique des libertés, a fait taire la vérité qu’exprimait pourtant un pôle de médecins plus d’un mois avant la fermeture de Wuhan. Kairos il y a pour la Chine, car c’est le comportement irresponsable d’un parti qui est remis en cause massivement et publiquement par une partie du peuple. La mort tragique du lanceur d’alerte Li Wenliang est vue en Chine comme la mort symbolique d’une personne qui donne sa vie pour que le système change. Mort car il n’a pas pu parler à temps : mort pour que la parole soit libérée. La crise économique sans précédent de la Chine entraîne un test d’envergure pour les dirigeants chinois car leur légitimité reposait en grande partie sur le développement économique. Un crible est passé sur la Chine, un filet de quarantaines qui semble signifier un certain avertissement divin d’un possible effondrement du système politique. 

II – Le jugement de la Chine.

1) La notion de jugement

Dans la parole de Dieu, le jugement divin est d’abord attaché à des personnes concrètes. Dieu ne cesse de nous juger en permanence car sa grâce se donne à la mesure de la reconnaissance de nos pauvretés et de nos actes spirituels et de charité. Aussi, la notion de jugement se fonde-t-elle d’abord ici : lorsque l’homme se tourne vers Dieu, il est béni de lui, lorsqu’il s’écarte de lui, il se détourne lui-même de Sa bénédiction. Ainsi, la Bible rappelle que la mort est entrée dans le monde à cause du péché : ce n’est pas Dieu qui a fait la mort mais l’homme qui s’est puni lui-même en se coupant de cette grâce corporelle de vie sans fin qu’il avait reçue avant le péché originel. Aussi, dans cette circonstance originelle de l’histoire du salut, lorsqu’on parle d’un châtiment ou d’une punition divine, il faut surtout entendre que l’assistance de Dieu s’est retirée. Le mal est une absence de bien et n’existe pas par lui-même. Lorsque Dieu nous corrige personnellement au cours de notre vie ou à sa fin, il ne nous envoie pas de mal, il diminue le déploiement d’une certaine assistance qui ne s’identifie pas à la grâce sanctifiante. Ainsi, la maladie qui peut être attachée ou pas au péché peut apparaître comme un manque de cette harmonie initiale que Dieu donne au corps. Il n’envoie pas de maladie : celle-ci rappelle la finitude du corps et que son harmonie est un don. De plus, lorsque Dieu semble retirer un certain soutien corporel ou n’empêche pas une maladie, il le retire parfois dans un lieu où l’homme a péché pour qu’il puisse voir son péché. Ce retrait devient grâce car il est illumination. Ainsi, l’homme vieillit-il car il a refusé à ses origines de rapporter son âme et son corps totalement à Dieu mais ce vieillissement est salutaire car il le rend plus humble.

Lorsqu’on parlera d’un jugement d’une nation ou des nations, il faut toujours garder à l’esprit cette vision biblique et anthropologique du jugement personnel car Dieu n’est que bonté afin de ne pas tomber dans une vision vétérotestamentaire stricte du jugement. Ce qui peut apparaître comme un mal est un manque apparent de bien qui aurait pu se donner et un lieu d’instruction.

2) La notion biblique de jugement sur une nation ou sur des nations.

La Bible enseigne que des oracles divins ont été exprimés sur des nations car elles ont pour Dieu une signification particulière en rapport avec le salut. Elles expriment depuis la chute de la tour de Babel, une sagesse de répartition des frontières des nations, voulue par Dieu pour que le monde ne se voit pas comme une grande masse d’individus qu’on pourrait utiliser à sa guise pour la réalisation des projets de l’orgueil humain mais d’abord comme un ensemble de cultures dignes de respect. La notion de nation ou de culture est au service du respect de la personne humaine, car l’être humain, s’identifiant d’une manière naturelle à ses semblables qui lui ressemblent par la culture, la langue, le mode de vie aura tendance à défendre l’individu plutôt qu’un concept de nation universelle. Détruire les nations et les cultures, c’est détruire une frontière voulue par Dieu favorisant le primat de l’individu sur le groupe : c’est chercher à exposer l’être humain face à un pouvoir absolu sans l’intermédiaire du groupe. En quelque sorte les nations sont à l’humanité entière, ce qu’étaient les corporations en France dans le corps social tout entier avant la révolution : l’individu n’était pas à nu seul devant un pur État. Dieu voulait créer une humanité totalement unie mais elle a été incapable de vivre cette unité par elle-même. La division des nations est le signe de l’attente d’une nation toute particulière qui sera capable de faire l’unité, figurée par Israël et réalisée pleinement par l’Église.

Dans la Bible, les nations peuvent être jugées lorsqu’elles ne respectent plus, soit le peuple d’Israël[8], soit l’Église[9] et toutes les valeurs qu’ils représentent de justice à l’égard de toute personne humaine. Elles sont jugées pour leur arrogance, insolence dira Isaïe, lorsqu’elles cherchent à s’autofonder par elles-mêmes sans Dieu ou en cherchant un expansionnisme totalisant voulant gommer les nations pour se faire leur propre source[10]. Isaïe a une longue section de jugements contre les nations (Is 13-23), Jérémie deux sections, lui que Dieu a « établi sur les nations »[11] : le chapitre 25 et toute la finale concerne un jugement des nations ( 45 et suivants ). Le jugement sur les nations apparaît bibliquement comme intrinsèquement lié au salut du peuple de Dieu et de chaque homme en particulier.

Qu’entend-on plus précisément par jugement des nations ? Il ne s’agit pas de juger chacun des membres de la nation ce qui relève d’un jugement personnel de Dieu et qui de fait est permanent car Dieu scrute sans cesse les reins et les cœurs. Le jugement des nations correspond selon notre vision à un kairos où Dieu intervient pour corriger les structures d’une nation, d’un pays, afin qu’elles servent mieux la personne humaine dans sa réalité spirituelle. Il implique des conséquences concrètes sur la vie des personnes mais indirectement. Car les personnes ne sont pas jugées individuellement de la même manière par Dieu comme Lui-même corrige les structures. Dieu laisse libre cours aux nations mais son jugement sur une ou des nations intervient quand objectivement la structure s’oppose radicalement au primat de la liberté de la personne humaine. Si chacun des hommes est responsable de son propre péché, il est aussi solidaire en un certain sens du péché de sa nation ou du mal de ses structures, car il a une certaine responsabilité sur eux. C’est pourquoi le jugement sur une nation peut aussi atteindre les justes.

Un jugement sur les nations comprend selon nous trois grandes composantes : une évaluation d’une situation d’une nation selon un kairos donné, une intervention divine par laquelle il laisse s’amoindrir ou amoindrit ( cela peut fonctionner également dans l’autre sens ) la stabilité des formes sociales de la nation et un enseignement car Dieu ne corrige pas sans indiquer une direction. Le kairos d’un jugement d’une nation ou d’un ensemble de nations peut correspondre à l’estimation par Dieu que les structures sociales d’un pays sont trop aliénantes sur le plan du salut de l’âme, que son action apparaît nécessaire là où les structures de péché ou de contrôle de personnes sont trop contraignantes pour respecter la liberté intérieure de la personne. Il y a intervention divine selon une sagesse que nous ne pouvons pas comprendre dans sa profondeur même si l’on peut distinguer quelques grands types que nous allons expliciter plus bas dans le respect d’un Dieu qui est absolument Père. La troisième composante qui couronne le jugement est un message, un avertissement indiqué à travers le lieu qui est déstabilisé, message qui constitue de fait la finalité de ce jugement de la nation car Dieu ne veut pas corriger pour corriger mais bien pour éduquer.

La première manière de voir l’intervention divine est de penser que Dieu laisse le mal se diffuser là où le mal, ayant déjà pris des racines, entraîne un mal plus grand. Car le mal s’autopunit et s’autodétruit parce que Dieu laisse l’homme libre. Cette autodestruction peut revêtir des formes stupéfiantes en raison de l’imagination du mal. En ne mettant pas une limite à ce déploiement temporaire et parfois virulent du mal dans une nation, Dieu agit au sens d’une volonté permissive. La seconde manière de voir l’intervention divine lors d’un jugement est l’intervention des lois de la nature qu’Il a lui-même instituées. Lorsque l’homme se détourne de Dieu, parce qu’il est intimement lié à tout le cosmos comme fin de ce dernier tout en l’équilibrant, ce dernier réagit en fonction de la bonté ou de la perversité des actes moraux de l’homme[12]. Ainsi, lorsqu’une nation collectivement s’est trop détournée de Dieu, elle appelle sur elle la manifestation de ces lois de la nature par laquelle elle comprend sa contingence. Ce n’est pas Dieu qui ici punit l’homme directement, mais la nature qui met une limite naturelle au péché des hommes parce que celui-ci la heurte et la contraint également à rétablir un équilibre pour que l’homme lui-même vive dans de bonnes conditions. Dieu intervient parce qu’Il est lui-même l’auteur de ces lois mais indirectement. La troisième manière de voir l’intervention divine au cœur d’un jugement sur une ou des nations est de voir Dieu retirer son assistance au niveau de la stabilité de formes sociales et sociétales d’une manière globale ou dans un lieu particulier. Dieu retire sa main comme Il l’a fait au cœur de l’histoire d’Israël en ayant permis la division des tribus, comme Il l’a fait dans l’histoire de beaucoup de pays en privant de ses secours certains responsables pour que leurs structures sociales se voient ébranlées et que les peuples se mettent à crier vers Dieu en ayant plus d’humilité. Dieu retire sa main d’une manière indirecte mais ce n’est pas un mal envoyé mais un manque de bien. La quatrième forme est de voir l’intervention directe de Dieu pour une correction divine : si ce n’est pas la manière habituelle de Dieu car Il n’est que bonté, pour des personnes athées ou agnostiques, ce serait une manière de leur parler concrètement. Le livre de l’exode et l’apocalypse parlent ainsi mystérieusement de certains châtiments comme s’ils venaient directement de Dieu (Ap 16). À noter que ces types d’interventions apparaissent dans un ordre où Dieu semble de plus en plus engagé et pourraient être vus avec d’autres nuances ou selon une autre grille : l’action divine ne peut être réduite à des schémas.

3) Quels sont les signes d’un jugement de Dieu à l’égard de la Chine ?

C’est tout d’abord le signe même de l’épidémie, qui touche aussi bien les faibles, les petits que les puissants, qui montre l’idée d’un jugement. Qui plus est, l’épidémie apparaît même comme le symbole d’un jugement car elle est totalisante. Aucune personne n’est épargnée car chacun doit pouvoir se remettre en cause. Qu’est-ce ce que signifierait le jugement d’une nation entière si seulement les plus faibles étaient concernés ?  Peu de virus ont été aussi pénétrants et ont marqué à ce point la planète : il faut peut-être remonter à la peste noire pour voir l’extension d’un virus à portée internationale comme celui que nous subissons actuellement. Sa spécificité selon plusieurs scientifiques réside dans la combinaison d’une certaine capacité de pouvoir léthal et d’une capacité forte de contagion. Le fait qu’il ne soit pas assez léthal ajoute en fait à sa diffusion car on peut le porter sans s’en apercevoir et être ainsi facteur de contagion. Le danger du virus n’est pas dans sa léthalité comme telle mais dans l’effet d’une propagation à l’échelle nationale qu’un système de santé ne pourra pas absorber. Son extension en Chine apparaît comme une immense couverture, un immense crible jeté sur l’ensemble des personnes et des institutions d’un pays. Il pénètre au plus intime des rouages, des relations, des structures d’un pays pour voir quelles places sont véritablement données à la vie et à la personne humaine : comment les traite-t-on ? Ce qui frappe les vidéos des réseaux sociaux chinois, c’est la manière brutale et déshumanisante dont on traite les personnes malades soit en scellant leur habitation, soit en les emmenant de force dans des camps en quarantaine, soit en les matraquant. L’idéologie communiste et ses effets pervers sont ainsi dévoilés à la face du monde. On peut juger de la maturité d’une société à sa capacité à prendre soin des plus faibles. Il est à regretter que les plus faibles soient ici parqués de force dans des conditions inhumaines, ayant fait ressembler certains camps de quarantaine à des mouroirs. De plus, le virus libère la parole car les personnes qui le subissent ont moins peur de dire la vérité puisque la vie même est déjà en jeu. Par sa puissance invisible, il exprime quelque chose de mystérieux, une force beaucoup plus forte face à laquelle la Chine doit se plier : pendant plus d’un mois, elle a paru si démunie et si faible face à l’invisible puissance de ce virus.

L’idée d’un jugement divin apparaît car un kairos sociétal à portée mondiale semble se produire là même où l’iniquité est la plus forte dans le monde. À elle seule, la Chine rassemble de multiples vices structurels de l’humanité : idéologie mortifère, corruption, distinction de classes, mais surtout mensonge, abus de la force, traitement inique de ceux qui ont voulu prendre la parole, infanticides… Pourquoi finalement le virus commence-t-il à se propager dans un pays où l’iniquité des structures semble l’une des plus fortes ? S’il y a bien dans l’avenir un jugement mondial divin sur l’iniquité planétaire tel que le prévoit l’Apocalypse, le fait qu’il commencerait en Chine dans un pays qui accumule à tel point les structures de péché aurait une cohérence, comme signe donné aux nations sur ce qui est en cours. La corruption sociétale de la Chine s’exprime essentiellement par une répartition injuste et hypocrite des capitaux au profit de personnes appartenant au Club du parti unique parce qu’elles se prétendent garantes des valeurs communistes.

De plus, c’est aussi la rapidité avec laquelle les institutions fondamentales d’un pays sont touchées qui évoque l’idée d’un jugement. Le président qui symbolise toutes les institutions est mis dans une situation de devoir se justifier assez souvent depuis le début de la crise alors que jusque-là, le président Xi prenait peu la parole en restant prudent, silencieux et réservé comme symbole de son autorité. L’assemblée générale annuelle du parti a été annulée, un évènement dans l’histoire de la Chine. Des gouverneurs ont été déplacés. L’armée non plus n’est pas épargnée par le virus.

Du côté des causes, au-delà des structures d’iniquité du pays, une raison qui pourrait expliquer le jugement divin serait le changement de posture pris depuis quelques années par le dirigeant Xi. Il s’est en effet recentré sur l’idéologie de Mao qui voit dans la sinisation l’outil essentiel de préservation du parti. Toutes les expressions religieuses, culturelles, littéraires doivent être sinisées et correspondre à la Vulgate du parti. L’idée d’un expansionnisme culturel des valeurs communistes chinoises a repris de la vigueur sur le terrain allant à l’encontre de la manière dont Dieu a pensé les nations et les espaces culturels tel que nous l’avons mentionné au début de cette partie. Toutes les minorités ethniques, les espaces culturels de la Chine, les religions doivent se soumettre comme l’illustre l’établissement de camps pour les Ouighours. C’est ainsi que sur le plan religieux, l’un des derniers congrès du parti a demandé une nouvelle traduction des textes des grandes religions pour les faire correspondre à la Vulgate du parti. La persécution contre l’Église catholique souterraine ou officielle s’est renforcée récemment avec la fermeture de nombreuses églises, l’interdiction pour les enfants d’être catéchisés en public, …  Sur le plan international, ce désir d’expansionnisme culturel à l’encontre de la théologie des nations et des cultures se voit à travers la main mise exercée par la Chine sur le Vietnam, le désir d’annexer Taïwan et de soumettre pleinement Hong Kong. L’épidémie vient symboliquement fermer les frontières des provinces et du pays, comme pour signifier qu’elles existent pour elles-mêmes.

Mais si l’on veut bien regarder de plus près, un changement de paradigme a eu lieu récemment en Chine qui pourrait expliquer la venue de ce jugement sur cette nation et plus largement sur d’autres nations qui exercent publiquement ou de manière cachée la pratique suivante. Depuis bientôt un an se sont développées en Chine des pratiques qui permettent à l’État de pouvoir filmer et d’enregistrer les comportements de tous les citoyens grâce à la technologie du contrôle facial. Il est stupéfiant de voir un écran de contrôle surveillant les rues de Pékin où chaque voiture et chaque personne sont reconnues en temps réel avec leur identité précise. Ce réseau de caméras semble symboliser le pouvoir de jugement divin qu’un État s’est acquis grâce à la technologie alors que « le jugement – la capacité à juger à partir de la synthèse des faits et des gestes d’une personne humaine appartient à Dieu »[13]. Sur le plan des relations numériques, il est indéniable que tout soit également contrôlé et rapporté à chaque personne. Au-delà des iniquités véhiculées par ce pays, jamais un pays n’a été aussi proche du rêve prométhéen de pouvoir tout contrôler. Selon Pieper, dans son livre La fin des temps, cet impérialisme cherchant à contrôler les libertés individuelles est le signe même de l’AntéChrist[14]. C’est le propre d’une société totalitaire que de chercher à connaître les habitudes, les convictions de ses citoyens et si possible de contrôler les pensées exprimées et les consciences. En étant sur le point de créer une structure technologique totalisante à même de pouvoir induire un nouveau rapport de l’individu à lui-même, comme individu « contrôlé », la Chine vit en même temps l’expérience d’une force qui semble contenir sa vision d’un contrôle presque total des libertés. Que les masques de protection empêchent précisément le contrôle facial si nécessaire à ce nouveau système et puissent libérer la parole, ne serait-ce pas le signe d’une certaine ironie divine[15] ?

Par ailleurs, si ce virus a été délibérément produit par une équipe de chinois dans le fameux laboratoire P4 situé à Wuhan grâce à des recherches en guerre biologique, cela renforce l’idée d’un jugement divin qui dans la parole de Dieu confond les puissants en les faisant tomber dans le trou qu’ils ont eux-mêmes creusé. En voulant potentiellement dominer un conflit mondial et contrôler la nature, les chinois se seraient punis eux-mêmes et se seraient mis sous la coupe d’un jugement divin.

Enfin, il faut rappeler que ce jugement divin ne va pas à l’encontre de la bonté divine qui veut absolument le bien de chaque âme. Il est absolument dommageable que tant et tant de personnes souffrent de ce virus et l’on peut se demander s’il n’y a pas une intention diabolique d’éradication d’une race voire de l’humanité. Mais même dans ce cas-là, on est encore dans une situation où le jugement divin domine car Dieu mettra une limite au mal par sa bonté. Il se servira de ce mal pour dénoncer d’autres maux et pour que ses responsables soient eux-mêmes tôt ou tard punis. Il assistera de sa grâce les petites gens qui crient vers lui au sein de ce désastre. Et au cœur même d’une volonté perverse de destruction, on pourrait voir un peuple se tourner vers Dieu pour implorer sa miséricorde. Pour ce rapport entre démon et permission divine, le début du livre de Job éclaire. En ayant permis que le malin se déchaîne sur le juste Job, le livre rappelle que Dieu ne veut pas faire souffrir mais bien éduquer une âme à l’absolue grandeur de Dieu. Purifié de son orgueil, il reconnaît d’autant plus la seigneurie de Dieu sur toute chose. Dieu ne veut pas la souffrance des chinois ni des autres peuples mais Il appelle à la découverte d’un bien plus profond si nécessaire pour l’âme : Dieu lui-même.

4) Type d’intervention divine

Il nous reste à essayer de caractériser quel type d’intervention divine se passe-t-il en Chine. Nous savons par ailleurs que les chemins de Dieu sont impénétrables et que ses pensées bien au-dessus de nos pensées. Mais nous pouvons essayer de voir quelques lumières. La dimension de kairos a déjà été établie.

Il est envisageable que sur le plan spirituel, le mal entraînant le mal, cette épidémie ait été favorisée par des forces du mal ayant peut-être produit le coronavirus. Par ailleurs, la Chine a atteint un tel niveau d’injustice sur les plans politiques, militaires, économiques et judiciaires qu’il est pensable qu’il se traduise sur le plan écologique : la Chine se punit elle-même à travers une catastrophe écologique et humaine qui le reflète. Par ailleurs, Dieu n’a pas eu « besoin » de retirer sa main au cœur des formes sociales d’un système politique intrinsèquement pervers fondé sur la non-liberté politique et de conscience des personnes. Ainsi, jusque-là, l’effet du coronavirus apparaît matériellement comme un auto-jugement ou une auto-punition. Quant à savoir si Dieu a déclenché un fléau lui-même sur la Chine, je ne le pense pas car le statut même de ce virus, en lui-même déficient et mortifère ne peut être une création divine. Ainsi, Dieu n’est pas l’auteur direct de l’effet du virus, mais en laissant ses lois s’exprimer, permettant au mal de s’autodétruire et à la nature d’autoréguler le comportement humain, sa volonté permissive s’exprime. Dès lors, la notion de jugement apparaît. Elle apparaît d’autant plus que cette volonté permissive a une finalité : celle d’avertir les consciences de la fragilité et de l’iniquité d’un système politique et économique en laissant s’ébranler très significativement les formes sociales qui le déterminent. Ainsi, la notion de jugement apparaît ici à travers trois éléments : un kairos de jugement, une volonté permissive permettant un ébranlement des formes sociales, une intention « finalisante » éducative. Pour préciser, on pourrait dire que « matériellement », ce kairos que vit la Chine est un auto-jugement, mais « formellement », il s’agit bien d’un jugement au sens décrit.

En somme, Dieu agit bien au cœur de ces auto-jugements en laissant un certain mal apparent important se déployer pour que les responsables chinois comprennent la perversité du système économique et politique du pays. C’est le système chinois qui apparaît jugé par Dieu non les chinois eux-mêmes, système qui repose sur un impérialisme économique lui-même fondé sur un parti unique qui le rend encore plus destructeur du respect dû à tout homme. 

Mais ce désir d’impérialisme économique qui est devenu la finalité du système chinois, la Chine le tire et l’a reçu de valeurs d’un système mondial qui prône le libéralisme économique comme paradigme sociétal et entre nations. Aussi, ce jugement de la Chine est-il à insérer dans un jugement plus large qui est celui d’un jugement des nations qui représentent ce libéralisme.  Que la Chine soit le premier pays où s’est développée la pandémie pourrait être le signe d’un jugement des nations en cours car elle est elle-même l’un des deux poumons économiques mondiaux. 

III) Le jugement des nations

1) Le jugement d’un système économique

Depuis plus d’une semaine, l’épidémie s’est étendue de la Chine continentale vers la Corée du Sud, l’Iran, l’Italie, trois pays représentant le fait que le phénomène devient mondial et n’est pas seulement lié à la Chine. Depuis le début de celle-ci 10 000 milliards d’euros de capitalisation sont partis en fumée, les bourses européennes ont dévissé de près de 20 %, : c’est toute l’économie mondiale qui est remise en question et fragilisée par ce virus.

À travers la chute vertigineuse des valorisations de capital de nombreuses entreprises en quelques jours, apparaît ainsi, au cœur de ce kairos planétaire de l’épidémie, la faiblesse de tout un système de vie économique mondial basé sur un monde de la finance spéculative déconnecté de la vraie valeur des personnes, des entreprises et de la productivité. La vitesse avec laquelle les bourses mondiales ont basculé montre à quel point le système de capitalisation est virtuel et basé non pas sur la vraie valeur des hommes et du travail mais sur une pure spéculation de rentabilité des placements. Il y a une certaine folie à présenter tout ou une partie de ses capitaux au gré de l’offre et de la demande d’investisseurs qui jouent sur des placements qui rapportent à court terme mais qui n’investissent pas dans la durée pour soutenir une croissance de fond des entreprises. C’est ce libéralisme dans la gestion des capitaux qui semble être pointé par les effets du virus.

En corollaire de ce libéralisme dans la gestion des capitaux est la manière dont on se représente l’homme au cœur de cette vision économique : l’homme est fait pour le travail, il se définit par son travail. Le monde est en effet fondé sur le concept de travail total où tout est vu à partir de l’efficacité que peut apporter chaque homme dans l’ensemble de la machinerie monde. Tout est organisé comme l’a bien vu Pieper[16] sur une vision de l’homme qui l’enchaîne à des processus de travail annihilant sa personnalité, sa capacité à se sentir comme une personne libre et autonome puisqu’il n’existe dans la société qu’en fonction de la valeur de son travail. Or cette épidémie bloquant tant et tant de chaînes de production vient comme casser symboliquement cette réduction moderne de l’homme à l’hommo faber. L’homme mis en quarantaine se souvient ou est appelé à se souvenir qu’il n’est pas un simple pion dans les rouages de l’économie mondiale.

Enfin, l’épidémie révèle la trop grande dépendance de pays occidentaux à la Chine. Elle met en évidence la perversité d’entreprises mondiales qui collaborent avec ce pays injuste pour de purs motifs économiques et qui en retour sont devenues trop dépendantes de lui. En investissant en Chine massivement, elles ont soutenu l’image d’un pays étranger dans lequel il est digne d’investir alors que ce faisant, elles bafouent l’expression des droits de ceux qui sont emprisonnés injustement[17]. Elle révèle ainsi que l’économique s’est mis au-dessus du politique et de la justice.

Capitalisation non contrôlée, travail total, une supériorité du monde économique sur le politique et la justice : trois maux de l’économie mondiale que l’effet néfaste du virus vient repointer du doigt ! Un jugement sur l’économie des nations semble bien en cours. Si l’économique absorbe le politique, il absorbera également les nations dans leur souveraineté propre. Il semble bien que le libéralisme économique de la finance internationale et ce qu’il implique – travail pour le travail, fusion du politique dans l’économique – constitue la nouvelle tour de Babel des temps modernes que Dieu est en train de briser pour faire revenir les États nations à une économie plus humaine.

2) Un auto-jugement personnel

Puisque l’argent est devenu ce lieu de pouvoir de l’homme moderne, son Dieu à lui et que d’autre part ses sources semblent se tarir, l’homme de la société occidentale confronté au coronavirus semble devoir se juger lui-même sur ce qui au fond est le plus important pour lui. Cet argent comme absolu, et tout ce qu’il représente – l’exaltation du travail pour le travail, le primat du travail sur l’homme – semble en s’évanouissant le juger pour lui rappeler qu’il est un être fini. Son meilleur ami semble disparaître pour laisser l’homme face à lui-même et à l’évaluation du sens de sa vie : est-ce déjà une préparation à l’illumination des consciences dont parlent certains mystiques ?  Les faillites d’entreprise, les immenses pertes personnelles de capitaux vont faire trembler l’homme pour l’aider à se réinterroger sur le sens de la vie et des priorités qu’il lui accorde. Il est envisageable que prochainement notre mode de vie doive changer en raison de cette crise.

C’est donc par un jugement sur le système économique mondial que chacun va vivre en quelque sorte un auto-jugement particulier en étant invité à se positionner lui-même sur son rapport à l’argent. « Nul ne peut servir deux maîtres » dit Jésus : en servant comme une idole l’argent, l’homme se ferme de par lui-même à toute expérience spirituelle. En déstabilisant les fondements de l’idole l’argent, Dieu va ouvrir les cœurs pour leur permettre de s’ouvrir et de mieux juger ce qui est essentiel. Cet auto-jugement personnel que chacun est appelé à vivre est une forme d’avertissement sur notre représentation erronée de l’argent pour mettre en lumière ce qui fonde le bien véritable de l’homme.

Puisque l’attrait pour l’argent est quelque chose de paradigmatique dans la vie des personnes et que ce dernier va tarir dans ses sources, il faut voir la crise économique comme quelque chose de positif sur le plan spirituel. Ce jugement des nations à travers un système économique mondial ébranlé devient un test pour chaque personne appelée à définir son bien le plus précieux.

Il faut bien distinguer le jugement des nations, ces auto-jugements, du jugement personnel et très intime que Dieu peut opérer dans les âmes. Les limites à nos actions entraînées par ces deux premières formes de jugement n’empêchent pas mais au contraire pourraient faciliter le déploiement d’un jugement de grâce pour l’âme qui se tourne vers Dieu au cœur de la reconnaissance de ses limites.

3) La place de l’Église

Au cœur de ce jugement des nations, l’Église prend sa place en s’identifiant à la croix que va vivre chacune. Elle ne sera pas mise à part comme les juifs du temps de l’Exode mais elle sera éprouvée dans ses membres dans sa capacité à offrir les souffrances liées à cette épidémie pour la gloire de Dieu ! Les siens iront apporter espérance aux malades : ce que j’espère de tout cœur. Elle s’offre comme un signe d’espérance pour tous ceux qui perdront l’espoir en ces temps difficiles. En étant libre de tout asservissement économique, elle rappellera qu’il est possible de former une communauté humaine solidaire de tous lorsque chacun est vu comme un fils d’un même Père. Face au diktat d’une machinerie économique mondiale, l’Église propose et rappelle que Dieu est le seul être qui puisse combler le cœur humain.

Conclusion

Peuple de Chine, Église de Chine, vous n’êtes pas délaissés par Dieu ! Courage ! Le Seigneur vous fait vivre un kairos car tant de milliers de personnes souffrent de l’iniquité de ce système communiste sans que rien ne semble pouvoir le bouleverser si ce n’est le kairos dans lequel vous êtes. Tant de milliers de chinois emprisonnés dans le monde de manière injuste dont le système profite ! Je ne crois pas que le Seigneur mettra à part dans cette épreuve les chrétiens comme Il a mis à part les Hébreux lors des dix plaies d’Égypte, car au cœur des lieux de quarantaine, des hôpitaux, des prisons, ils sont appelés à témoigner du Christ vivant et ressuscité ! Le Corps du Christ formé dans tes entrailles porte lui-même cette épidémie par laquelle Dieu veut rendre plus humble les dirigeants de la Chine ! Courage, si vous êtes stigmatisés dans les médias, si le feu de l’épidémie vous brûle, l’Église du Ciel, des martyrs de Chine, vous accompagne jusqu’à la victoire finale ! Offrez vos souffrances, les impossibilités de se retrouver autour de la parole de Dieu et de l’eucharistie pour que la Chine se convertisse ! Cette offrande continue le combat d’un enfantement pour que la Chine renaisse sur les fondements de la justice et du droit, du respect de la liberté politique, religieuse, culturelle. Nous le savons « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu »[18] affirme Paul alors que Jacques rappelle dans sa lettre que Dieu « veille sur l’Esprit qu’il a fait habiter dans le cœur des croyants »[19]. Soyez sûrs que l’Esprit Saint souffle en abondance sur vous pour vous soutenir dans cette épreuve et faire connaître la grandeur du nom de Dieu et sa seigneurie sur toute civilisation ! Vous les dirigeants de la Chine, l’heure du jugement est proche ! Revenez à la lumière. Le jugement ne sera peut-être pas pour vous lié à l’effet néfaste du virus mais il consistera certainement en une mise en lumière des structures de ténèbres que vous entretenez. Comme chrétiens appartenant au corps mystique, nous sommes invités à prier urgemment et incessamment pour nos frères de Chine chrétiens ou pas ! Il nous faut prier le Seigneur que de cette épidémie, laissée à sa juste mesure, Dieu puisse tirer du mal un bien et que les plus faibles et les plus petits soient protégés !

Peuple iranien, sois fort également, tu n’es pas abandonné de Dieu. Dieu connaît tes souffrances dues aux sanctions économiques internationales certainement injustes mais à quel point aussi beaucoup des tiens vivent sous l’oppression d’un manque de liberté religieuse. Certainement, Dieu t’accompagne au cœur d’un système qui a mis l’idéologie de la religion avant le primat de la personne humaine. En permettant la diffusion de ce virus au cœur même des élites et des gardiens de la révolution, Dieu prépare l’affaiblissement d’un régime. Si tu te tournes vers Jésus Christ, si tu laisses l’Esprit Saint te conduire, si tes responsables font pénitence ou certains de tes membres pour eux, une ère nouvelle prochaine s’ouvre pour toi fondée sur la justice.

Italie, berceau de la diffusion du Christianisme en Europe, Dieu montre par l’étendue de l’épidémie en ton sein, la solidarité des nations dans le combat contre le coronavirus. Tu as fermé ton poumon économique autour de Milan pour que l’Europe soit préservée un maximum. L’Église qui vit en toi, dans sa confiance totale au Seigneur te montre la route. L’eucharistie dominicale est supprimée : c’est l’occasion pour toi de comprendre à nouveau le grand don du sacerdoce et de la sainte messe. Dieu est à tes côtés. Convertis-toi aussi de toutes tes idoles par lesquelles tu as laissé l’esprit du mal, les faux Dieux pendre la place de Dieu.

Corée du Sud, terre de martyrs, l’Évangile a pénétré en toi de manière extraordinaire. Tes églises se sont multipliées. Tes richesses également. Choisis le bon camp pour ne pas laisser l’argent te séduire plus que l’Esprit. Église de Corée, sois un modèle de don de soi et de confiance en Dieu dans ces temps difficiles pour tous ceux qui sont dans la peur face à l’extension de ce virus.

France et pays d’Europe, nous n’échapperons pas à ce virus qui doit nous pousser à l’humilité et à nous tourner vers le salut que Dieu apporte. Il est probable que l’iniquité des lois récentes votées sur la bioéthique soit montée jusqu’à Dieu qui souhaite y mettre une limite. France, fille aînée de l’Église, le Seigneur t’appelle sur le chemin de la passion et du témoignage de la compassion. Prends ta part dans ce combat qui advient et montre-toi forte pour aller vers les plus pauvres, les plus atteints par cette maladie. Montre encore une fois, par ton Église sainte que la confiance en Dieu est le fondement de l’histoire d’une nation. D’une source qui reste à vérifier, Sœur Agnès Sasagawa, « la religieuse qui en 1973 reçut à trois reprises des messages de Notre-Dame lors d’apparitions confirmées par l’Église au Japon, aurait reçu un autre message ces dernières semaines, transmis par un ange »[20] juste avant la diffusion publique du coronavirus au mois de novembre 2019. L’ange lui aurait dit : « Couvrez-vous de cendres », et « s’il vous plaît priez le Rosaire pénitentiel tous les jours. Vous, sœur Sasagawa, devenez comme une enfant et chaque jour, veuillez offrir des sacrifices »[21]. Lorsqu’on connaît la profondeur du message d’Akita reconnu par l’Église, cette visite de l’ange sonne comme un avertissement mais aussi une bonne nouvelle. Il est encore temps de faire pénitence pour les péchés du monde car par la prière, les pénitences, les sacrifices, l’humilité qui touche le cœur de Dieu, il est possible d’arrêter les guerres et les épidémies. Il est assez significatif que nous traversions cette crise mondiale du coronavirus au moment même où l’Église vit le Saint Carême. Il y a certainement un appel divin à le vivre dans un esprit de pénitence renouvelée car la « coupe de vin de colère »[22] de Dieu est à nos portes, de la sainte colère de la justice divine contre tout ce qui pervertit le projet de Dieu sur l’homme conduisant à la mort de son âme. Courage Église de France, courage vous jeunes de France, ce saint carême prend une signification particulière ! Rejetons nos idoles d’une carrière sociale fondée sur la réussite économique, de loisirs vécus qui ne rassasient pas l’âme à travers toutes les consommations de séries sur Internet et de films, de nos smartphones mal utilisés qui nous font perdre tant de temps et nous empêchent de vivre libres, à partir du cœur que Dieu nous a donné ! Rejetons l’idolâtrie de nos corps en pensant qu’ils viennent du hasard ou que nous en serions les propriétaires car ils sont le temple de Dieu. Le plus beau cadeau que l’on puisse offrir au monde pour la conversion de la Chine et de celle du monde, c’est la sainteté de nos vies et de nos corps ! Avec vous, je m’engage à jeûner de ces fausses idoles ! Allons de grand cœur à l’adoration eucharistique pour supplier le Cœur de Jésus de répandre des grâces pour ce peuple de la Chine emmuré et faisons monter une couronne d’intercession pour notre monde !

Permettez-moi de conclure avec un texte biblique reçu avec un frère chrétien alors que nous étions dans la louange devant le Saint Sacrement, demandant au Seigneur Jésus de nous éclairer sur le sens de cette épidémie. Nous tombions sur le début du Psaume 43,2-4 : « O Dieu, nous avons ouï de nos oreilles, nos pères nous ont raconté l’œuvre que tu fis de leurs jours aux jours d’autrefois et par ta main. Pour les planter, tu expulsas des nations, pour les étendre, tu malmenas des peuples ; ni leur épée ne conquit le pays, ni leur bras n’en fit des vainqueurs, mais ce furent ta droite et ton bras, et la lumière de ta face, car tu les aimais ». Ce texte, s’appliquant au peuple d’Israël naissant lors de sa sortie d’Égypte, nous rappelle que l’histoire des hommes et des nations appartient essentiellement à Dieu car Jésus, Créateur et Sauveur, est le centre de l’histoire. À certaines époques, Dieu peut agir avec la puissance de son bras d’une manière explicite pour que les nations soient corrigées mais surtout afin qu’en leur sein la grandeur de Dieu soit découverte, reconnue et invoquée ! N’ayons pas peur ! Car le « Dieu qui a fait le Ciel et la terre » connaît toute sa création et ce que l’homme a pu en faire. Que le virus soit naturel ou fabriqué, Dieu peut le détruire et mettre une limite à sa diffusion !

Si cette épidémie venait de forces du mal, n’ayons pas peur également ! Parce que l’étendue du pouvoir du malin se manifeste bien au-delà de cette épidémie et que celle-ci n’est pas comparable aux millions d’infanticides annuels que le sacrifice du Christ vient pourtant racheter. Mais aussi parce que nous savons que la Sainte Croix est glorieuse et que Dieu tirera de ce mal apparent un bien très précieux pour l’humanité et son Église !

Père Olivier Nguyen*
www.plantatio.org

*Prêtre du diocèse de Fréjus-Toulon.


[1]  Ap 18,10.
[2] Daniel 2,24-45.
[3] 1 Co 15,57. L’idée du déjà y est fortement suggérée.
[4] Pour une analyse plus approfondie de ce choc économique par rapport à la crise financière de 2007-2008, je vous invite à consulter l’article de Jean Peyrelevade sur le site des Echos. Celle-ci était une crise financière qui peut être « gérée » par la création de monnaie, celle traversée actuellement concerne l’économie réelle doublée d’une crise financière. Cf : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/coronavirus-un-choc-economique-sous-estime-1183752 ( article payant ).
[5] https://www.scmp.com/business/banking-finance/article/3052250/asian-banks-dbs-hsbc-are-bracing-bad-loans-spike.
[6] ROSA, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, coll. « Sciences humaines et sociales », 2013, 486 p., 1re éd. 2010, traduit de l’allemand par Didier Renault.
[7] Il semble qu’à ce jour le 10 mars, l’épidémie soit contenue à Hubei et dans le pays mais on ne peut la dire maitrisée tant qu’on n’aura pas stabilisé les échanges économiques dans un cadre de libre circulation des personnes et des flux économiques.
[8] Cf Récit de l’exode : Exode 3-15.
[9] Ap 11,17-18 : « Nous te rendons grâce, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, Il est et Il était, parce que tu as pris en main ton immense puissance pour établir ton règne. 18 Les nations s’étaient mises en fureur ; mais voici ta fureur à toi, et le temps pour les morts d’être jugés; le temps de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints, et ceux qui craignent ton nom, petits et grands, et de perdre ceux qui perdent la terre ».
[10] Is 37,29 ou Jérémie 49,29.
[11] Jér 1,10.
[12] Nous n’avons pas inclus ici la notion de mal métaphysique, qui exprime le fait que la nature, sur le plan ontologique a une certaine limite intrinsèque qui ne peut pas directement être rapporté à un mal moral. S’il y a un lien entre mal moral et lois de la nature, un désordre dans la nature, comme un tremblement de terre n’est pas directement et nécessairement imputable à la moralité des hommes. Cette notion de mal métaphysique pourrait traduire le fait que la structure ontologique des créatures est une structure de nature à laquelle s’ajoutait un don de grâce actuel pour les maintenir en acte dans un état de perfection. La perfection ne peut en effet reposer sur la simple nature dans ses propres déterminations mais sur un don permanent de Dieu, à l’image de notre corps glorieux qui sera tel quel grâce à une grâce sans cesse donnée dans le corps.
[13] Dt 1,17.
[14] PIEPER, La fin des temps, Editions universtaires Fribourg, p 163-167.
[16] PIEPER, Le loisir fondement de la culture, Ed Ad Solem.
[17] La fragilité économique de la Chine est reflétée par ce virus, fragilité qui est aussi le signe d’une fragilité politique intrinsèque. Chaque pays doit se repositionner par rapport à ses investissements en Chine qui s’ils peuvent apporter un certain emploi pour des personnes entrainent en même temps la suppression d’emplois en France tout en soutenant un régime pervers. Les entreprises multinationales doivent se réinterroger sur leur finalité : visent-elles leur propre croissance ou celle des pays que représentent leurs travailleurs ?
[18] Rom 8,28.
[19] Jacques 4,5.
[20] http://christroi.over-blog.com/2019/11/la-nonne-visionnaire-d-akita-aurait-recu-un-nouveau-message.html
[21] Ibid.
[22] Jér 25,15.

© LA NEF le 11 mars 2020, exclusivité internet