Georges Bernanos (©Wikimedia).

Bernanos encore et toujours

Georges Bernanos encore une fois. On se souvient du magistral essai de Sébastien Lapaque, qui fit résonner la sainte fureur bernanosienne presque comme si on l’entendait pour la première fois. C’était en 1998 et Lapaque, par son titre, suggérait la méfiance possible du lecteur à l’annonce d’un nouveau livre sur l’écrivain.

Sans doute faut-il donc préciser ce qu’on attend. Si c’est une approche originale ou inattendue, le Bernanos sans concessions de Mgr Patrick Chauvet décevra, tant il se tient à ras de textes et s’adresse à un lecteur qui ne connaît rien de l’œuvre. Cette limite peut toutefois s’avérer une qualité. Très pédagogiquement, l’auteur situe les passages et donne les grandes lignes des intrigues. Le ton choisi est d’ailleurs celui de l’enseignement, élégante conversation ou homélie qui vise à intégrer l’auditeur dans la réflexion : un « nous » de complicité, un usage fréquent (exagéré ?) des points d’exclamation, des allusions à l’actualité de l’Église.

L’exercice comporte un risque : la lamentation entre catholiques sur notre époque sans foi. « J’arrête ma litanie », écrit pourtant Mgr Chauvet, lorsqu’il pressent qu’il confond lucidité et liste désabusée des maux du temps, à usage exclusif de paroissiens conservateurs. En cela, son livre est loin d’être vain, car sa fine connaissance de l’univers de Bernanos lui permet de rendre compte, notamment avec Le Journal d’un curé de campagne, d’une espérance jamais réduite à ses ersatz profanes. Il est nécessaire de rappeler, encore une fois, que « qui prétend réformer l’Église par […] les mêmes moyens qu’on réforme une société temporelle […] finit infailliblement par se trouver hors de l’Église ». Il est également salutaire de redire que l’agonie est une épreuve de vérité et non un désagrément à éviter par tous les moyens.

Par la finesse du choix des textes et par sa manière de les rendre accessibles, Bernanos sans concessions invite donc à l’indulgence quand la promesse du titre n’est pas tenue et que l’auteur arrondit les angles. Ceci dit, les « concessions » évoquées sont peut-être celles des cimetières. Dans ce cas, le titre est irréprochable : le Bernanos de Mgr Chauvet est toujours vivant.

Henri Quantin

  • Mgr Patrick Chauvet, Bernanos sans concessions, Fayard, 2024, 198 pages, 20 €.

© LA NEF n° 371 Juillet-Août 2024