Léon XIV © Wikimedia

Léon XIV : le défi de l’unité

Pour son premier grand rendez-vous avec les foules, le pape Léon XIV a été gâté. Le jubilé des jeunes qui s’est déroulé fin juillet, début août à Rome a été un franc succès, avec un million de jeunes rassemblés à Tor Vergata pour la veillée de prière du 2 août, suivie de la messe le lendemain. La complicité entre les jeunes et le nouveau pape, doux et humble, a été immédiate et palpable. Pourtant, les propos de Léon XIV étaient exigeants, preuve s’il en était besoin, que la démagogie cédant à la facilité, en allant dans le sens du monde, n’est pas ce qu’attendent des jeunes avides d’absolu.

Ils ont aimé ce pape qui est apparu comme un père plein de sagesse qui chérit ses enfants et cherche à les faire grandir. Il les a appelés à rechercher « passionnément la vérité », en se méfiant de l’illusion des liens artificiels créés sur les réseaux sociaux. « Pour être libre, leur a-t-il dit, il faut partir d’une base stable, du roc qui soutient nos pas. Ce roc est un amour qui nous précède, nous surprend et nous dépasse infiniment : c’est l’amour de Dieu. » C’est en Jésus que réside notre espérance, qu’il « suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand, […] aspirez à de grandes choses, à la sainteté, où que vous soyez. Ne vous contentez pas de moins ». Et à cette fin, il convient de cultiver « la prière, l’adoration, la communion eucharistique, la confession fréquente, la charité généreuse ». Ainsi serez-vous les « missionnaires de l’Évangile » dont « le monde a besoin ».

Le style propre de Léon XIV

Léon XIV impose son style propre, sans bruit ni propos fracassants, revenant à l’humble respect des règles de la tradition vaticane et de son protocole. Son enseignement vise clairement l’orthodoxie de la foi catholique, sans chercher l’originalité. C’est apaisant et rassurant, cela redonne confiance en l’Église. Cet aspect est l’un des défis majeurs auquel le pape devra répondre : recréer l’unité dont il est le garant. En effet, les divisions et les fractures sont apparues plus béantes ces dernières années, l’Église tendant à se « protestantiser » : plus que jamais, chacun se fait juge du Magistère et n’en retient que ce qui lui convient, cherchant même à imposer ses vues en résistant à tel enseignement, ou en contestant les positions de l’Église via les innombrables supports que lui offrent aujourd’hui internet, les blogs et les réseaux sociaux. Cela concerne plus particulièrement les « progressistes » et certains « traditionalistes », sans que l’on puisse établir de symétrie, les premiers attaquant parfois les fondements mêmes de la foi, ce qui n’est pas le cas des seconds.

Du côté « progressiste », les oppositions sont la conséquence d’un horizontalisme réduisant la charité, vertu théologale surnaturelle, à un simple humanisme, à la seule solidarité sociale. D’où les dérives comme la « théologie de la libération » ou la relativisation des sacrements qui passent après l’urgence de l’aide au prochain. Or, sans enracinement dans la prière et les sacrements, aucune œuvre de charité ne subsiste bien longtemps, elle finit inéluctablement par sombrer dans l’activisme quand ce n’est dans la révolution. L’exemple de Mère Teresa et de ses Missionnaires de la Charité est assez éloquent à cet égard : le bien qu’elles font auprès des plus pauvres et qu’elles parviennent à maintenir à un si haut niveau ne tient qu’à leur vie intérieure, aux heures journalières consacrées à la messe, aux offices et à la prière.
L’horizontalisme progressiste a également contribué à l’esprit de la table rase qui a fait tant de mal dans les années postconciliaires avec une volonté assumée de rupture qui s’est manifestée dans la doctrine et la liturgie (1).
Enfin, aujourd’hui, l’opposition de ce côté de l’Église se concentre principalement sur la question anthropologique, par une remise en cause radicale de la morale catholique et de la loi naturelle, en épousant sans aucune distance les revendications de ce monde (divorcés remariés, union homosexuelle, avortement, genre…). Le chemin synodal allemand est l’archétype de cette triste évolution qui conduit droit à l’apostasie.

Contrer l’esprit de contestation

De l’autre côté du spectre ecclésial, au nom de ce qui « s’est toujours fait », certains s’érigent en gardiens de la Tradition et en juges de ce qui, dans le Magistère, lui est conforme ou non. Ainsi n’hésitent-ils pas à critiquer ouvertement le pape et les évêques avec une verve parfois digne de Luther et de conclure : le concile Vatican II et la réforme liturgique marquent une rupture qu’il faut refuser absolument. Cela a conduit la Fraternité Saint-Pie X de Mgr Lefebvre à rompre la communion avec Rome. Elle se retrouve aujourd’hui dans une situation dangereuse dont rien ne permet d’affirmer qu’elle ne finira pas en schisme. Cela devrait faire réfléchir ceux qui, dans l’Église, pourraient être tentés d’embrasser une telle vision de rupture sur le concile et la messe.
Pour contrer cet esprit de contestation qui mine l’Église et la divise, Léon XIV aura fort à faire. Aidons-le, par notre soutien, nos prières… et notre obéissance, à rétablir une unité bien abîmée. Soyons des artisans de paix.

Christophe Geffroy

(1) Andrea Grillo, professeur à l’institut Saint-Anselme à Rome, dont on dit qu’il a inspiré Traditionis custodes, a critiqué la canonisation de Carlo Acutis, le 7 septembre 2025, en raison de sa « théologie eucharistique si désuète, si pesante, si obsessionnelle, si centrée sur l’inessentiel et négligeant l’essentiel » (https://www.cittadellaeditrice.com, le 17 juin 2025).

© LA NEF n°383 Septembre 2025