L’indéfectible assistance du Christ et de l’Esprit Saint au Pontife romain (2)

Dans une optique de formation et de débat, nous poursuivons la publication des Audiences générales de saint Jean-Paul II sur le magistère pétrinien précédés d’une introduction de Bertrand Kemmerer

L’Evangile contient parfois des leçons surprenantes, particulièrement actuelles, et terrifiantes.

Il y a peu, l’Evangile racontait l’envoi des 72 disciples par le Christ (Lc 10) : le Christ finissait en leur recommandant de secouer la poussière de leurs sandales en témoignage aux villes qui ne les recevraient pas, et ajoutait : « Je vous le déclare, au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »

Nous nous y arrêterons un peu, avant de donner la deuxième catéchèse de Jean-Paul II sur le ministère de Pierre, retraduite de l’italien en essayant de restituer les racines des mots employés par Jean-Paul II, et le rythme de ses phrases – d’où certains archaïsmes ou tournures désuètes, assumés pour mieux servir la profondeur du texte.

Pie XII, rappelions-nous, enseigne que la Parole du Christ « Qui vous écoute M’écoute, qui vous rejette Me rejette » vaut à titre spécial pour le Souverain Pontife, et pour l’intégralité de son magistère (enseignements signés et donnés à l’Eglise) : par celui-ci, le Christ fait entendre Sa Voix, Sa Vérité, Son Appel.

La Parole du Christ aux 72 vaut donc tout particulièrement pour le pape : qui rejette le magistère du Souverain Pontife ou, pire, rejette le Souverain Pontife et (pire encore !) incite à le rejeter, connaîtra donc au dernier jour un traitement pire que l’impénitente Sodome. En d’autres termes, aux Yeux du Christ, rejeter Son Vicaire est pire que le péché de Sodome.

Pourquoi ?

Pie XII précise dans Mystici Corporis : « Pierre, par la vertu du primat, n’est que le Vicaire du Christ, et il n’y a par conséquent qu’une seule Tête principale de ce Corps, à savoir le Christ ; c’est lui qui sans cesser de gouverner mystérieusement l’Eglise par lui-même, la dirige pourtant visiblement par celui qui tient sa place sur terre, car depuis sa glorieuse Ascension dans le ciel, elle ne repose plus seulement sur lui, mais aussi sur Pierre comme sur un fondement visible pour tous.

Que le Christ et son Vicaire ne forment ensemble qu’une seule Tête, Notre immortel Prédécesseur, Boniface VIII, l’a officiellement enseigné dans sa Lettre apostolique Unam sanctam et ses successeurs n’ont jamais cessé de le répéter après lui, Ceux-là se trompent donc dangereusement qui croient pouvoir s’attacher au Christ Tête de l’Eglise sans adhérer fidèlement à son Vicaire sur la terre. Car en supprimant ce Chef visible et en brisant les liens lumineux de l’unité, ils obscurcissent et déforment le Corps mystique du Rédempteur au point qu’il ne puisse plus être reconnu ni trouvé par les hommes en quête du port du salut éternel. »

En d’autres termes éloigner du Pontife romain, c’est éloigner du Christ, obscurcir et déformer le Corps mystique du Christ, rendre indiscernable et inconnaissable l’unique Eglise du Christ.

De fait, le Christ dit à Pierre : Pierre, tu es Pierre, et sur cette pierre J’édifierai Mon Eglise.

Il ne dit pas : Pierre, tu es Pierre, et sur ta Foi (ou ta confession de Foi) J’édifierai Mon Eglise.

Il ne dit pas non plus : Pierre, tu es Pierre, et sur ton Siège apostolique J’édifierai Mon Eglise.

Il dit : Pierre, tu es Pierre [et le verbe ‘être’ a un sens entitatif, essentiel, ontologique], et sur cette pierre, [c’est-à-dire sur toi que J’ai solennellement interpellé par ton nom], J’édifierai Mon Eglise.

De la même façon, le Christ ne dit pas à Pierre : J’ai prié pour que ton magistère infaillible soit toujours vrai, ni même : J’ai prié pour que l’intégralité de ton magistère soit inerrant, mais : J’ai prié pour que ta Foi ne défaille pas.

L’Eglise y a toujours vu l’annonce certaine et définitive que la Foi de Pierre ne peut défaillir, qu’elle soutient et authentifie celle de l’Eglise, qu’elle professe et transmet à chaque instant intégralement la Révélation, le Dépôt de la Foi, les exigences de la Vie surnaturelle – la Foi et la morale.

Le Successeur de Pierre transmet la Foi par des textes nécessairement limités, largement contingents ou d’occasion, et toujours perfectibles (selon ce que Pie XII disait des formules de l’Eglise, y compris dogmatiques), textes parfois entachés d’imperfections voire de déficiences.

D’une part, en effet, nos formules n’épuisent pas les Mystères de Dieu et de notre Salut ; d’autre part, de ce fait-même, et de par les limitations de nos langages humains, elles sont susceptibles de recevoir des interprétations erronées. C’est pourquoi l’obéissance au magistère des papes, la docilité à se laisser instruire par le Vicaire du Christ, sont absolument essentielles à la vie intellectuelle, morale et spirituelle du catholique. Et c’est pourquoi le Christ a fait Don à Son Eglise de Pierre, et de son ministère perpétué au long des temps par ses Successeurs.

Car en effet, que signifie recevoir et professer la Foi de l’Eglise ? Adhérer à une formule ? Mais il est des formules de l’Eglise auxquelles on peut donner un sens hétérodoxe, voire même hérétique – dès que l’on cherche à préciser, à raffiner, à creuser, on se rend compte que rien n’est ‘évident’.

Recevoir et professer la Foi de l’Eglise, donc, c’est adhérer à une Réalité invisible car surnaturelle, au moyen des formules données par l’Eglise, et en posant toujours l’acte intérieur de docilité, de soumission, d’obéissance, qui laisse ouvert et disposé à se laisser encore enseigner par l’Eglise, et à premier lieu par l’intégralité du magistère des Pontifes romains, en particulier et à un titre spécial, ceux du Pontife régnant.

Sans cet acte, dit tout bonnement Léon XIII en citant et commentant Saint Thomas d’Aquin, on n’est plus catholique (voir le texte en fin de cet article, avant la catéchèse de Jean-Paul II).

Sans l’adhésion, même aveugle (car qui irait prétendre voir suffisamment pour tout comprendre des Mystères de la Foi ?), sans l’obéissance de la Foi dont parle Saint Paul (n’hésitant pas à faire précéder et porter l’intelligence réelle par un acte de soumission de la volonté), il n’y a que libre examen : au mieux, on sera encore orthodoxe, ou protestant

De fait, l’Eglise, dont la Foi est indéfectible, ne sait dans le temps de manière certaine qu’elle est dans le vrai, que grâce au ministère du pape : confirmer ses frères, les fidèles, les pasteurs, les Eglises locales, l’Eglise du Christ, dans la Foi que Dieu leur donne (Dieu ne donne pas qu’à Pierre ou par Pierre, mais Il fait Don à l’Eglise entière par Pierre seulement de la Grâce pétrinienne exclusive d’authentification certaine).

Recevoir et professer la Foi de l’Eglise, c’est donc à la fois adhérer dans la Foi, et réellement, et rester ouvert à un surcroît de précision, à un éclairage différent et qui parfois peut être déroutant, sur le même Mystère : accepter la « formule », la comprendre jusqu’à un certain point, mais rester mesuré sur le sens à lui donner, sans la rejeter ni la durcir, car c’est ultimement au pape (ou au Collège des évêques uni à lui, et jamais sans lui), à confirmer le sens authentique de la Doctrine catholique.

Pie XII est très clair : Le Christ et Son Vicaire ne forment qu’une seule Tête, et enseignent l’Eglise d’une seule Voix.

Dieu le Père disait la même chose à Sainte Catherine de Sienne, en appelant le pape « Mon doux Christ en terre » – à une époque où l’on était déjà largement conscient que le pape n’est pas forcément doux, ni pourvu de toutes les qualités. On peut même supposer sans trop s’avancer que Dieu le Père le savait.

Face, donc, à un enseignement que l’on a du mal à comprendre, à pénétrer, où l’on croit voir des obscurités, voire même des contradictions ou des erreurs : est-ce à mon opinion d’infléchir la certitude de la Parole du Christ à Pierre, ou est-ce à la certitude du Don fait à Pierre de contribuer à rectifier mon opinion ?

La Parole du Christ est-elle première ? Pierre est-il réellement pour moi – comme le Christ l’a voulu, institué, et me le commande – la pierre de fondation de ma Foi, de mon Evangile, de ma vie dans l’Eglise ?

Il s’agit en effet – aussi bien pour les fidèles que pour leurs pasteurs – d’être à chaque instant disposé à accueillir la Foi telle que l’Eglise la transmet. Or l’Eglise ne la transmet avec certitude et infaillibilité visibles qu’unie au visible Vicaire du Christ, dont l’office propre, donné par le Christ Lui-même (et garanti par Sa Parole, Sa Prière, et Sa Grâce indéfectiblement donnée à Son Vicaire), est précisément d’authentifier sans erreur ce qui est conforme au Dépôt de la Foi et aux exigences de la Vie surnaturelle (Foi et morale).

Le Christ et Son Vicaire ne forment qu’une seule Tête, et enseignent l’Eglise d’une seule Voix…

Cela signifie – étant donné que Dieu ne saurait Se contredire – que le magistère des papes est toujours vrai : chaque phrase du magistère pointe toujours vers une vérité particulière du Dépôt de la Foi, et derrière elle vers l’intégralité du Dépôt de la Foi ; chaque phrase du magistère des papes peut toujours recevoir (au moins) un sens pleinement, purement, et intégralement catholique.

Par contre, chaque phrase du magistère des papes, est, comme toute phrase humaine, frappée des limitations propres à notre condition : imprécision, ambiguïté, étroitesse de vue, inachèvement, contingence.

[Voir notamment à ce propos, du cardinal Ratzinger pour Jean-Paul II : Donum Veritatis (1990), Communionis notio (1992), Note doctrinale illustrant la formule conclusive de la Professio Fidei (1998)]

Les phrases du Christ Lui-même dans l’Evangile n’y font d’ailleurs pas exception : en matière dogmatique, « Le Père est plus grand que Moi » (Jn 14,28) ; « Père, Tu es le seul Dieu, le vrai Dieu » (Jn 17,3) ; en matière morale également, il ne faut pas les durcir : « quand on vous gifle sur la joue droite, tendez l’autre » – mais pour autant quand Lui-même est frappé, le Christ n’hésite pas à répondre… « Si J’ai mal parlé, montre ce que J’ai dit de mal, mais si J’ai bien parlé, pourquoi Me frappes-tu ? »

Le magistère pétrinien, disent aussi bien Léon XIII que le cardinal Ratzinger pour Jean-Paul II, est toujours vrai et prudent. Ils le disent dans les mêmes termes : certus – certain, en matière doctrinale – et tutus – conforme à la vertu de prudence, en matière morale.

Ces termes s’opposent assez radicalement à la voie qu’a voulu explorer l’école de la revue Sedes Sapientiae (abbé Lucien ; R.P. Aubry, Fraternité Saint-Vincent-Ferrier) qui exploitent des ambiguïtés de traduction en français des textes du cardinal Ratzinger, pour distinguer enseignement magistériel « vrai » et enseignement magistériel « probable », sans avoir pris la peine de vérifier les textes latins, qui ne parlent – comme Léon XIII – que de magistère certus et tutus. Certus, dans le texte de Léon XIII que nous donnons ci-dessous, est d’ailleurs appliqué au magistère non-infaillible, et rendu par Rome par « infaillible » !

Que le magistère pétrinien soit toujours vrai et prudent concerne, de l’aveu même de tous les papes (voir ci-dessous Léon XIII), aussi bien le magistère ‘infaillible’ (extraordinaire et ordinaire et universel) que le magistère ‘ordinaire’ (selon la terminologie de Léon XIII et Pie XII) ou comme on dit aujourd’hui ‘authentique’ (terminologie de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI).

Ce qui est vrai et conduit authentiquement à Dieu peut toutefois être
– partiel (Jésus est vrai Dieu ; Jésus est vrai homme ; le Père est plus grand que Moi ; Tu es, Père, le seul Dieu, le vrai Dieu) ;
– imprécis (le Fils est de même nature que le Père ; le Père est plus grand que Moi ; Tu es, Père, le seul Dieu, le vrai Dieu) ;
– ambigu (Dieu a créé l’Univers en six jours ; le Père est plus grand que Moi ; Tu es, Père, le seul Dieu, le vrai Dieu) ;
– inachevé (il existe des cas où un civilement divorcé-remarié civilement peut recevoir l’absolution et la Communion)
– reposer sur des cadres conceptuels révisables (la matérialité de l’ange chez le Docteur de l’Eglise Saint Bonaventure, par exemple, qui est parfaitement vraie dans son ontologie propre, différente de celle de Saint Thomas d’Aquin).

Rejeter un enseignement magistériel (enseignement signé du pape pour l’Eglise), entraîne nécessairement un repli sur ses propres lumières, et procède d’un défaut d’obéissance et de docilité, d’un amour-propre – enfermement sur ce que l’on croyait voir ou que l’on voudrait voir par soi-même ou directement, ‘avec l’aide de Dieu’, mais sans la médiation visible parfois, la confirmation visible toujours, que Dieu a voulues, données et commandées, de Son Vicaire régnant – et du coup, ce parti pris entraîne un biais.

L’opposition à un enseignement magistériel fait nécessairement rejeter une partie de la vérité, et est donc toujours mauvaise.

Il ne s’agit toutefois pas de considérer que sa propre opinion est foncièrement fausse, et ne procède de rien de vrai. Il s’agit simplement de reconnaître avec le Christ, avec l’Eglise, que le magistère pétrinien est toujours vrai et prudent, toujours conforme à la Révélation, au Dépôt de la Foi et aux exigences de la Vie surnaturelle : qu’il n’a pas tort, même s’il ne dit pas tout expressément, et que nous ne sommes pas en mesure de juger avec autorité en ses lieu et place.

Au fond, dit Chesterton, le miracle n’est pas que le pape a raison quand nous avons raison, mais qu’il a raison quand nous avons tort, quand il voit une distinction que nous ne voyons pas encore.

Léon XIII, Sapientiae christianae :

« 32 – L’obéissance doit être parfaite, parce qu’elle appartient à l’essence de la foi, et elle a cela de commun avec la foi qu’elle ne peut pas être partagée. Bien plus, si elle n’est pas absolue et parfaite de tout point, elle peut porter encore le nom d’obéissance, mais elle n’a plus rien de commun avec elle. La tradition chrétienne attache un tel prix à cette perfection de l’obéissance, qu’elle en a toujours fait et en fait toujours le signe caractéristique auquel on peut reconnaître les catholiques. C’est ce que saint Thomas d’Aquin explique d’une manière admirable dans le passage suivant :

« 33 – L’objet formel de la foi est la vérité première, en tant qu’elle est manifestée dans les Saintes Écritures et dans la doctrine de l’Église, qui procèdent de la vérité première. Il suit de là que quiconque n’adhère pas, comme à une règle infaillible et divine, à la doctrine de l’Église, qui procède de la vérité première manifestée dans les Saintes Écritures, n’a pas la foi habituelle, mais possède autrement que par la foi les choses qui sont de son domaine… Or, il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Église comme à une règle infaillible donne son assentiment à tout ce que l’Église enseigne ; autrement, si, parmi les choses que l’Église enseigne, il retient ce qui lui plaît et exclut ce qui ne lui plaît pas, il adhère à sa propre volonté et non à la doctrine de l’Église, en tant qu’elle est une règle infaillible. La foi de toute l’Église doit être Une, selon cette parole de saint Paul aux Corinthiens (I Cor., 1) : « Ayez tous un même langage et qu’il n’y ait pas de division parmi vous ». Or, cette unité ne saurait être sauvegardée qu’à la condition que les questions qui surgissent sur la foi soient résolues par celui qui préside à l’Église tout entière, et que sa sentence soit acceptée par elle avec fermeté. C’est pourquoi à l’autorité du Souverain Pontife seul il appartient de publier un nouveau symbole, comme de décerner toutes les autres choses qui regardent l’Église universelle « .

« 34 – Lorsqu’on trace les limites de l’obéissance due aux pasteurs des âmes et surtout au Pontife Romain, il ne faut pas penser qu’elles renferment seulement les dogmes auxquels l’intelligence doit adhérer et dont le rejet opiniâtre constitue le crime d’hérésie. Il ne suffirait même pas de donner un sincère et ferme assentiment aux doctrines qui, sans avoir été jamais définies par aucun jugement solennel de l’Église, sont cependant proposées à notre foi, par son magistère ordinaire et universel, comme étant divinement révélées, et qui, d’après le Concile du Vatican, doivent être crues de foi catholique et divine.

« Il faut, en outre, que les chrétiens considèrent comme un devoir de se laisser régir, gouverner et guider par l’autorité des évêques, et surtout par celle du Siège Apostolique. Combien cela est raisonnable, il est facile de le démontrer. En effet, parmi les choses contenues dans les divins oracles, les unes se rapportent à Dieu, principe de la béatitude que nous espérons, et les autres à l’homme lui-même et aux moyens d’arriver à cette béatitude.

« Il appartient de droit divin à l’Église et, dans l’Église, au Pontife Romain, de déterminer dans ces deux ordres ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire.

« Voilà pourquoi le Pontife doit pouvoir juger avec autorité de ce que renferme la parole de Dieu, décider quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines y contredisent. De même, dans la sphère de la morale, c’est à lui de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui est nécessaire d’accomplir et d’éviter si l’on veut parvenir au salut éternel ; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible [certus interpres] de la parole de Dieu, ni le guide sûr [dux tutus] de la vie humaine.

« Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 10 janvier de l’année 1890, de notre Pontificat la douzième. »

 « Quant à moi, ce n’est pas à cause d’une sagesse qui, en moi, serait supérieure à celle de tout être vivant, que le mystère m’a été révélé ; mais c’est afin que l’on fasse connaître au roi l’interprétation, et que tu connaisses les pensées de ton cœur » (Dn 2,30).

Bertrand Kammerer
laïc de Saint Dominique, doctorant en théologie (université de Lorraine)

Le Successeur de Pierre enseigne infailliblement

Catéchèse de Jean-Paul II sur l’Église


Audience générale du 17 mars 1993

1. Le Magistère du Pontife Romain, que nous avons illustré dans la précédente catéchèse, rentre dans l’ambitus et signe le [point] culminant de la mission de prêcher l’Évangile confiée par Jésus aux Apôtres et à leurs Successeurs. 

Nous lisons dans la Constitution Lumen Gentium du Concile Vatican II : « Entre les principaux devoirs des Évêques, excelle la Prédication de l’Évangile. Les Évêques en fait sont les hérauts de la Foi qui portent au Christ de nouveaux disciples, ils sont docteurs authentiques, c’est-à-dire revêtus de l’autorité du Christ, qui prêchent au Peuple à eux confié la Foi à croire et à appliquer dans la pratique de la vie… Quand ils enseignent en communion avec le Pontife romain, ils doivent être de tous écoutés avec vénération comme témoins de la Vérité divine et catholique ; et les fidèles doivent accepter le jugement donné par leur Évêque au Nom du Christ en choses de Foi et morale, et y adhérer avec religieux respect » (Lumen Gentium 25). La tâche magistérielle des Évêques est donc strictement liée avec celle du Pontife romain. C’est pourquoi le texte conciliaire poursuit opportunément en affirmant : « Ce respect religieux de volonté et d’intelligence ils se doivent en mode particulier accorder au Magistère authentique du Pontife romain, même s’il ne parle pas « ex cathedra« , de sorte que son Magistère suprême soit accepté avec révérence, et qu’il soit adhéré avec sincérité aux sentences données de lui, selon l’esprit et la volonté manifestés de lui, lesquelles se lisent spécialement soit dans la nature des documents, soit dans le fréquent reproposer la même doctrine, soit dans la teneur de l’expression verbale »(Ibid.).

2. Cette autorité suprême du Magistère papal, auquel traditionnellement vient [à être] réservé le titre d’apostolique, dérive, dans son exercice ordinaire aussi, du fait institutionnel que lequel le Pontife romain est le Successeur de Pierre dans la mission d’enseigner, de confirmer les frères, de garantir la conformité de la Prédication de l’Église au « Dépôt de la Foi » des Apôtres et à la Doctrine du Christ. Mais il dérive aussi de la conviction, mûrie dans la tradition chrétienne, que l’Évêque de Rome est aussi l’héritier de Pierre dans les charismes d’assistance spéciale que Jésus lui a assurés quand Il lui a dit : « J’ai prié pour toi » (Lc 22,32). Cela signifie une aide continuative de l’Esprit Saint dans tout l’exercice de la mission doctrinale, vouée à faire comprendre la Vérité révélée et ses conséquences dans la vie humaine. Pour ceci, le Concile Vatican II affirme que tout l’enseignement du pape mérite d’être écouté et accueilli, même s’il n’est pas accompli [svolgere] « ex cathedra« , mais est proposé dans l’exercice ordinaire du Magistère avec l’intention manifeste d’énoncer, rappeler, refonder [ribadire] la Doctrine de la Foi. C’est une conséquence du fait institutionnel et de l’héritage spirituel qui donnent les dimensions complètes de la Succession de Pierre.

3. Comme il est noté, il existe des cas dans lesquels le Magistère pontifical s’exerce solennellement sur des points particuliers de la doctrine, appartenant au Dépôt de la Révélation ou strictement connexe à celui-ci. C’est le cas des définitions « ex cathedra« , comme celles de l’Immaculée Conception de Marie, faite par Pie IX en 1854, et de son Assomption au ciel, faite par Pie XII en 1950. Comme nous le savons, ces définitions ont procuré en mérite à tous les catholiques la certitude dans l’affirmation de ces vérités et l’exclusion de tout doute. Presque toujours, la raison des définitions « ex cathedra » est cette certification des vérités à croire en tant qu’elles appartiennent au « Dépôt de la Foi » et l’exclusion de tout doute, ou même la condamnation de l’erreur sur leur authenticité et leur signification. C’est ainsi un moment de concentration maximale, y compris formelle, de la mission doctrinale conférée par Jésus aux Apôtres et, en eux, à leurs Successeurs.

4. Étant donnée l’extraordinaire grandeur et importance d’un tel Magistère pour la Foi, la Tradition chrétienne a reconnu au Successeur de Pierre, qu’il l’exerce seul ou en communion avec les Évêques réunis en Concile, un charisme d’assistance de l’Esprit Saint qu’on appelle « infaillibilité ». Voici ce que dit de propos [délibéré] le Concile Vatican I : « Le Pontife Romain, quand il parle de la cathèdre, c’est-à-dire quand, parachevant [adempiere] l’office de Pasteur et Maître de tous les chrétiens, il définit par sa suprême Autorité apostolique qu’une doctrine regardant la Foi et les coutumes doit être tenue par toute l’Église, [de] par l’assistance divine promise à lui dans le Bienheureux Pierre jouit de cette infaillibilité de laquelle le Divin Rédempteur voulut doter Son Église dans le définir une doctrine regardant à la Foi et aux coutumes : c’est pourquoi [de] telles définitions du Pontife romain sont irréformables de par soi, non par le consensus de l’Église »(Denz. 3074). Cette doctrine a été réassumée, confirmée et ultérieurement explicitée par le Concile Vatican II, qui affirme : « De cette infaillibilité, le Pontife romain, Chef du collège des Évêques, fruit en vertu de son office quand, comme suprême Pasteur et Docteur de tous les fidèles, qui confirme ses frères dans la Foi (cf. Lc 22,32), il sanctionne avec un acte définitif une doctrine regardant la Foi et la morale. C’est pourquoi ses définitions sont justement dites irréformables par elles-mêmes et non par le consensus de l’Église, étant elles-mêmes prononcées avec l’assistance de l’Esprit Saint […], [et] par [là] n’ont besoin d’aucune approbation d’autres, ni n’admettent appel aucun à autre jugement. En fait alors, le Pontife romain prononce sentence non comme personne privée, mais, comme Maître suprême de l’Église universelle, singulièrement [rendu] insigne du charisme de l’infaillibilité de l’Église-même, il expose ou défend la Doctrine de la Foi catholique » (Lumen Gentium 25).

5. Il est à noter que le Concile Vatican II met également en lumière le Magistère des Évêques unis au Pontife romain, soulignant qu’ils jouissent eux aussi de l’assistance de l’Esprit Saint quand ils définissent ensemble avec le Successeur de Pierre un point de Foi : « L’infaillibilité promise à l’Église réside aussi dans le Corps épiscopal quand il exerce le Magistère suprême avec le Successeur de Pierre […]. Quand alors, soit le Pontife romain soit le Corps des Évêques avec lui, définissent une sentence, ils l’émettent selon la même Révélation […] qui est intégralement transmise par écrit ou par tradition par la Succession des Évêques… et [qui] vient [à être] dans l’Église jalousement conservée et exposée fidèlement sous la Lumière de l’Esprit de Vérité » (Lumen Gentium 25). Et encore : « Quoique que les Évêques [pris] singulièrement ne jouissent pas de la prérogative de l’infaillibilité, quand toutefois, même dispersés [de] par le monde, mais conservant le lien de la Communion entre eux et avec le Successeur de Pierre, dans leur enseignement authentique sur les matières de Foi et de morale ils conviennent d’une sentence à retenir comme définitive, ils énoncent infailliblement la Doctrine du Christ. Ceci est encore plus manifeste quand, réunis en Concile œcuménique, ils sont pour toute l’Église Docteurs et Juges de la Foi et de la morale, et à leurs définitions on se doit d’adhérer avec l’hommage [ossequio] de la Foi ». « Cette infaillibilité de laquelle le divin Rédempteur voulut pourvoir Son Église dans le définir la doctrine de la Foi et de la morale s’étend autant [NdT : aussi loin] que le Dépôt de la divine Révélation » (Lumen Gentium 25).

6. Dans ces textes conciliaires, il est comme une codification de la conscience déjà existante chez les Apôtres réunis dans l’Assemblée de Jérusalem : « Nous avons décidé, le Saint-Esprit et nous… » (Ac 15,28). Cette conscience confirma la Promesse de Jésus de mander l’Esprit de Vérité aux Apôtres et à l’Église, une fois allé [NdT : réuni] au Père après avoir parfait le Sacrifice de la Croix : « Lui vous enseignera toute chose et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit » (Jn 14,26). Cette Promesse s’est vérifiée dans la Pentecôte, à partir de laquelle les Apôtres se sont sentis encore [NdT : davantage] vivifiés.

L’Eglise a hérité d’eux cette conscience et cette mémoire.


Aux enfants et jeunes étudiants

Chers garçons et jeunes ! Je vous accueille avec joie et souhaiterais saluer chacun de vous personnellement. Ne pouvant le faire, je dis à tout le monde : bienvenue dans cette Basilique, centre du christianisme ! Merci pour votre enthousiasme et votre Amour pour le Christ ; merci également pour l’affection que vous témoignez à Son Vicaire sur terre, le Successeur de l’Apôtre Pierre. Jésus aimait être avec des enfants et des jeunes et Il a appris aux Apôtres à faire de même. Il vous aime et vous fait confiance. Le pape vous aime aussi et compte sur votre aide : vous êtes l’espoir de l’Église, l’avenir de notre société. Soyez toujours très convaincus de cela, préparez-vous à assumer vos grandes responsabilités et essayez d’offrir à vos pairs un témoignage chrétien cohérent et joyeux.

[…]

Aux jeunes

Nous sommes très reconnaissants envers le Seigneur qui nous a fait venir ces hôtes de pays lointains, de villes lointaines, et nous espérons que [NdT : tous] se rapprochent maintenant. Nous prions dans l’esprit du Carême, alors que nous nous préparons aux vacances de Pâques. Nous prions unis au Christ : c’est la période où l’Église veut être plus que jamais unie à Jésus, unie à Sa Parole, à l’Évangile, unie à Sa Passion pour être unie à Sa Résurrection le Jour de Pâques. C’est la Vérité et la Vie que notre Seigneur Christ Jésus nous a laissées.

En particulier, je salue les enfants et les enfants malades parmi nous. Ils méritent un amour particulier de tous et une prière continue.

Aux fidèles francophones

Chers Frères et Sœurs,

J’accueille avec plaisir les pèlerins de langue française, notamment les jeunes.

J’adresse un salut particulier aux membres du Comité des Organisations internationales catholiques, que j’encourage dans leur témoignage et leur apostolat en Eglise. Je salue aussi cordialement les Pères Blancs, dans le souvenir de mes récentes rencontres avec eux en Afrique. Et je souhaite au groupe de prêtres de Montréal un séjour à Rome aussi agréable qu’utile à leur ministère.

Sur vous tous, j’invoque la Bénédiction du Seigneur en ce temps de montée vers Pâques.

© LA NEF le 15 juillet 2019, exclusivité internet

© Texte : Librairie éditrice vaticane
© Traduction : Bertrand Kammerer, laïc de Saint Dominique