Tout au long de l’histoire de l’Église, les saints du Carmel ont entretenu une relation particulière avec les anges. Du prophète Élie, figure fondatrice de l’ordre, à sainte Thérèse d’Avila ou à la petite Thérèse, nombreux sont ceux qui ont fait l’expérience de la proximité des anges dans leur vie de prière, leurs combats spirituels et leur chemin vers l’union à Dieu. Saint Michel et ses anges sont-ils ceux que nous imaginons ? Se manifestent-ils davantage dans le tonnerre ou dans la voix de fin silence ? Quelle est la véritable nature de la guerre qu’ils mènent ?
Entre le prophète Élie, père de l’Ordre du Carmel, et saint Michel, une certaine affinité existe. Les deux sont brûlés du zèle de la gloire de Dieu : « Il est vivant le Seigneur, Dieu d’Israël, en présence duquel je me tiens » (1R 17,1), dit le premier alors que son peuple vient de renier l’alliance. « Qui est comme Dieu ! », s’écrit le second selon le sens de son propre nom (Mi-Ca-El) devant la révolte de celui dont la devise est « non serviam ». En scrutant la vie d’Élie, il semble que l’épisode du Carmel (1R 18) soit celui en qui ses traits de parenté avec Michel sont les plus forts. De même que Michel remporte la victoire contre Satan et ses anges avec la force que Dieu lui communique, ainsi Élie organise-t-il un grand sacrifice sur la montagne du Carmel dans lequel les prêtres de Baal, impuissants à obtenir une manifestation de leur dieu, sont confondus par la descente du feu du ciel à l’invocation du nom du vrai Dieu, celui d’Israël ! Pourtant, ce n’est pas dans cet épisode glorieux qu’un ange se manifeste à lui. Il lui apparaît plutôt un peu après, alors qu’Élie s’est enfui dans le désert, loin de la colère de Jézabel (1R 19). C’est dans la détresse que l’ange du Seigneur apparaît à Élie, alors qu’il se sent pauvre et craintif et qu’il souhaite mourir : « Prends ma vie Seigneur, dit Élie, je ne suis pas meilleur que mes pères ». Élie est ensuite conduit vers la montagne de Dieu, l’Horeb, où il entendra le passage de Dieu non pas dans l’ouragan, le tremblement de terre et le feu, mais dans la voix de fin silence, expérience spirituelle qui, dans le judaïsme ancien, était assimilée à celle des anges les plus élevés.
Saint Michel et ses anges sont-ils ceux que nous imaginons ? Se manifestent-ils davantage dans le tonnerre ou dans la voix de fin silence ? Quelle est la véritable nature de la guerre qu’ils mènent ?
Le souvenir d’un rêve de la vie de la petite Thérèse, qu’elle rapporte dans le Manuscrit A, pourrait nous aider à le comprendre : « Une nuit, j’ai rêvé que je sortais pour aller me promener seule au jardin, arrivée au bas des marches qu’il fallait monter pour y arriver, je m’arrêtai saisie d’effroi. Devant moi, auprès de la tonnelle, se trouvait un baril de chaux et sur ce baril deux affreux petits diablotins dansaient avec une agilité surprenante malgré des fers à repasser qu’ils avaient aux pieds; tout à coup ils jetèrent sur moi leurs yeux flamboyants, puis au même moment, paraissant bien plus effrayés que moi, ils se précipitèrent au bas du baril et allèrent se cacher dans la lingerie qui se trouvait en face. Les voyant si peu braves je voulus savoir ce qu’ils allaient faire et je m’approchai de la fenêtre. Les pauvres diablotins étaient là, courant sur les tables et ne sachant comment faire pour fuir mon regard, quelquefois ils s’approchaient de la fenêtre, regardant d’un air inquiet si j’étais encore là et me voyant toujours, ils recommençaient à courir comme des désespérés. – Sans doute ce rêve n’a rien d’extraordinaire, cependant je crois que le Bon Dieu a permis que je m’en rappelle, afin de me prouver qu’une âme en état de grâce n’a rien à craindre des démons qui sont des lâches, capables de fuir devant le regard d’un enfant… » (Ms A, 10v).
La grande guerre dans laquelle saint Michel nous conduit consiste à redevenir petits. Les anges se manifestent à Élie lorsqu’il est faible. C’est dans la voix de fin silence, à l’instar des anges, qu’Élie rencontre vraiment Dieu. La grande peur des démons, contre lesquels lutte Michel, est celle de croiser le regard innocent d’un enfant, nous explique Thérèse. À l’école d’Élie et de Thérèse, et des saints du Carmel, Michel nous entraîne dans un combat où la véritable force consiste non pas tant à démontrer sa puissance, qu’à consentir à rester faible pour que la puissance de Dieu se manifeste à en nous. Les anges, et Michel qui en est le chef, attendent certes notre prière pour agir avec force sur la terre contre le péché et les structures de péché qui détruisent les sociétés, mais cette prière doit être celle qui émane d’un cœur d’enfant. N’est-ce pas dans la simplicité enfantine de Michel, écho angélique de celle du Verbe de Dieu, que réside sa puissance contre le démon ? Satan est un être supérieurement intelligent, mais son intelligence est tordue par son orgueil. Il comprend beaucoup de choses, et beaucoup plus que nous, mais il est une chose qu’il n’arrive pas à saisir et qu’il craint plus que tout : la faiblesse, le silence, le regard confiant d’un enfant. Que Michel nous l’apprenne avec tous les saints du Carmel parmi lesquels Marie tient lieu de Reine !
Fr. Baptiste de l’Assomption, ocd
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© La Nef, exclusivité internet, mis en ligne le 11 septembre 2025
Illustration de Petit Page.
La Nef Journal catholique indépendant