Guillaume de Prémare © Quentin_Pouteau_Agence_Obala

Guillaume de Prémare : « Dieu est de retour dans l’Histoire »

À l’occasion du centenaire de la publication par le pape Pie XI de l’encyclique Quas Primas sur le Christ-Roi, Ichtus, en partenariat notamment avec La Nef, organise un colloque consacré à l’actualité de la royauté sociale du Christ, le samedi 22 novembre 2025 à Paris.

Entretien avec Guillaume de Prémare, délégué général d’Ichtus et rédacteur en chef de la revue Permanences.

Pourquoi l’association Ichtus propose-t-elle un colloque sur le Christ-Roi à l’occasion de centenaire de Quas Primas ?

Marquer le centenaire de Quas Primas est naturel pour Ichtus puisque nous sommes les héritiers de la Cité catholique de Jean Ousset, lequel a publié en 1959 un ouvrage – intitulé Pour qu’il règne – qui a nourri l’engagement civique de nombreux catholiques. Pour Ousset, dans la lignée de Quas Primas, il a toujours été clair que la finalité la plus élevée de l’action temporelle était de nature spirituelle : il s’agit, in fine, que le Christ règne dans les cœurs, les familles, les peuples et les nations. « De la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes. », dira ensuite le pape Pie XII en 1941.

Quel est l’objectif de ce colloque ?

Nous souhaitons certes manifester une fidélité à notre histoire, mais il ne s’agit pas d’exprimer une forme de nostalgie d’un monde ancien. L’objectif de ce colloque est très actuel : il vise à éclairer l’action et les buts des catholiques engagés dans les grandes affaires de notre temps. À cet égard, la notion de royauté sociale du Christ peut et doit être actualisée parce que le constat des impasses de la sécularisation donne, d’une certaine manière, raison à Pie XI. Celui-ci a voulu nous avertir que c’était une illusion de prétendre construire une société sans Dieu.

Cet avertissement n’a pas été entendu et la Modernité a triomphé. Ce triomphe serait-il illusoire ?

Les peuples d’Europe de l’Ouest – après avoir ignoré la visée ultime de la chose politique et oublié ce qui construit et conserve les sociétés – paraissent livrés à l’angoisse et à l’incertitude, sans Dieu, sans racines, sans véritables perspectives terrestres et sans espérance surnaturelle. Nous avons basculé dans une forme de dissociété qui ne sait plus s’appuyer sur ce que l’on nomme désormais « les communs ». Le moment est venu de penser de nouveau ce que pourrait signifier aujourd’hui le règne social du Christ, ce que pourrait être une société chrétienne, une société imprégnée par l’Évangile. Nous le devons à nous-mêmes, en tant que catholiques engagés dans la vie civique ; et nous le devons à nos contemporains qui, sans forcément s’en rendre compte, sont en quelque sorte orphelins de leur religion.

Précisément, l’idée d’une société chrétienne paraît aujourd’hui inaccessible. Ne craignez-vous pas de formuler une question qui ne se pose pas pour l’immense majorité de nos contemporains ?

Certainement, la manière d’aborder Quas Primas ne peut se résumer à affirmer des principes irréalistes et inaudibles pour nos contemporains. Qui pourrait aujourd’hui surgir de manière crédible dans l’agora et affirmer tout de go que le remède à nos maux est la constitution d’un État catholique et la restauration d’une chrétienté ? L’actualisation de la notion de Christ-Roi ne saurait ignorer le contexte historique que nous vivons, les contraintes prudentielles et une certaine gradualité. Le pape Pie XI lui-même a montré que la politique était un espace de négociation en affirmant, d’un côté, des grands principes, et en pratiquant, de l’autre côté, une politique des concordats très pragmatique. Cependant, je pense qu’il est nécessaire que les catholiques sortent d’une certaine pusillanimité sur la question religieuse en tant qu’enjeu de nature publique.

Pour quelles raisons ?

D’une part parce que, en tant que chrétien, c’est le Christ qui nous anime et c’est bien lui qui est le commencement et la finalité de toute chose ; d’autre part parce que notre pays est à bout de souffle et a besoin d’un sursaut religieux. À rebours de la prophétie nietzschéenne de la « mort de Dieu », nous vivons un temps où des revivalismes religieux s’expriment et ont des conséquences politiques, dans le monde et sur notre propre territoire. Dans ce contexte, notre pays pourra-t-il tenir durablement son impératif catégorique de neutralité religieuse absolue ? Je pense que non. La question de Dieu et de la religion se pose de nouveau dans nos sociétés sécularisées, non seulement en raison de leur propre effondrement, mais encore parce que Dieu est en quelque sorte de retour dans l’Histoire. Et nous savons que pour le catholicisme, religion de l’Incarnation, Dieu est le maître de l’Histoire et ne l’a, en réalité, jamais désertée…

Propos recueillis par Christophe et Élisabeth Geffroy

© LA NEF exclusivité internet, mis en ligne le 9 octobre 2025

Colloque du samedi 22 novembre de 14h à 18h30, suivi d’un cocktail amical, dans les locaux d’Ichtus au 49 rue des Renaudes, 75017 Paris. Au programme :

1. Quas Primas, une encyclique moderne 
Par Nicolas Warembourg, professeur agrégé des facultés de droit 

2. Le contexte de Quas Primas : entre principes et contraintes prudentielles 
Par Frédéric Le Moal, docteur en histoire, enseignant 

3. Du rejet du culte divin à l’effacement de l’homme 
Par Joël Hautebert, professeur agrégé des facultés de droit 

4. Que signifie le règne social du Christ au regard de son royaume spirituel ? 
Par Bernard Bourdin, professeur à l’ICP, philosophe du politique et théologien, spécialiste du théologico-politique 

5. Le Christ-Roi aujourd’hui : un principe pour l’action 
Par Thibaud Collin, enseignant, philosophe et essayiste

Renseignements et inscriptions sur : https://ichtus.fr