Dublin

Irlande : le 25 mai, date cruciale pour la Vie

Un nouveau référendum sur l’avortement aura lieu en Irlande le 25 mai. Plus précisément, le gouvernement demandera aux citoyens d’abroger le huitième amendement (l’amendement « Pour la vie »), qui fut adopté par 67 % des électeurs en 1983 et qui prévoit une protection constitutionnelle pour les enfants à naître. Cet amendement a toujours permis de dispenser les soins nécessaires à la mère et l’Irlande a un très bon bilan, au regard des normes internationales, en matière de mortalité maternelle. Les femmes irlandaises ont accès à l’avortement en Grande-Bretagne, mais à un taux beaucoup plus faible que le taux britannique.

4e RÉFÉRENDUM SUR L’AVORTEMENT
Ce sera le quatrième référendum irlandais sur l’avortement. De tels débats sont extrêmement difficiles et suscitent des passions de part et d’autre. Jusqu’à présent, les Irlandais ont résisté, non sans courage, à toute libéralisation générale de l’avortement (la loi de 2013 permet l’avortement à des conditions très restrictives). Si nous votons pour l’abrogation, le gouvernement prévoit un régime d’avortement sans restriction jusqu’à la 12e semaine de grossesse et beaucoup plus tard en cas de risque pour la mère ou de grave anomalie fœtale. Il est clair que si l’Irlande restait profondément catholique, aucun gouvernement ne proposerait une telle mesure. La renaissance du catholicisme irlandais exigera un énorme effort dans des domaines fondamentaux qui vont au-delà du débat sur l’avortement, comme la transmission de la foi, la liturgie, la catéchèse et l’éducation. Néanmoins, l’abrogation du huitième amendement aurait des conséquences profondes pour la protection de la vie et pour notre système de soins médicaux.
Dans les années 80, les Irlandais ont voulu tirer les leçons de l’expérience d’autres pays, notamment de la Grande-Bretagne, où une loi très libérale sur l’avortement fut votée par le Parlement en 1967 après un débat public limité, et des États-Unis, où la Cour suprême a avalisé l’avortement en 1973, sans que les Chambres ou le peuple aient été consultés. L’Irlande avait donc modifié sa Constitution afin que l’avortement ne puisse pas être introduit sans l’aval du peuple. L’amendement a atteint cet objectif, mais sur les autres aspects éthiques, cependant, les lois et pratiques de l’Irlande sont très similaires à celles des autres pays européens.
Pour préparer le référendum, une Assemblée des Citoyens et un Comité parlementaire ont débattu, mais sans réfléchir sérieusement aux droits des enfants à naître. Très tôt, lors de ses délibérations, et avant même d’avoir entendu la plupart de ses intervenants, le Comité parlementaire a voté en faveur de l’abrogation du huitième amendement.

L’ABSENCE DE PLURALISME
En 1983, les médias faisaient presque unanimement campagne contre le huitième amendement, dont la défense était perçue comme la dernière bataille du conservatisme catholique en Irlande. Le débat a alors révélé le manque de pluralisme, le parti pris des médias, dominés par des idéologues laïcistes hostiles à toute l’anthropologie chrétienne. Malheureusement, les catholiques irlandais n’ont pas réussi depuis à développer leurs propres médias et doivent donc affronter un nouveau référendum avec tous les grands moyens de communication acquis à l’avortement. Les réseaux sociaux offrent cependant de réelles possibilités de contourner les médias traditionnels.
L’Irlande a beaucoup changé depuis les années 80. En 1983, les principaux obstétriciens étaient largement opposés à l’avortement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, même si des voix d’obstétriciens et d’autres médecins se font entendre en faveur de l’amendement. Les scandales de la pédophilie ont considérablement affaibli l’Église qui se fait plus discrète, mais, récemment, les évêques ont toutefois produit d’excellentes lettres pastorales sur le caractère sacré de la vie humaine. Et des voix protestantes s’élèvent aussi contre l’abrogation du huitième amendement soumise à référendum.
Le gouvernement, une grande partie de la classe politique, les médias ainsi que des donateurs étrangers comme George Soros soutiennent l’abrogation du huitième amendement. Les sondages récents donnent une majorité pour l’abrogation, mais cette majorité est en train de diminuer. Les organisations pro-vie mènent une campagne dynamique de porte-à-porte et ont organisé une grande manifestation à Dublin, en mars, qui a réuni près de 100 000 personnes, ce qui fut un grand succès. Les initiatives foisonnent, comme par exemple cette veillée d’adoration de quarante jours pour la vie au sommet de Croagh Patrick, la montagne de saint Patrick dans le comté de Mayo. Étant donné les énormes ressources à sa disposition, la victoire du « oui » peut paraître probable, mais celle du « non » demeure toujours possible.

Tim O’Sullivan

Tim O’Sullivan a fait des études d’histoire et de français à Dublin et à Nancy et contribue régulièrement à la presse catholique irlandaise.

© LA NEF n°303 Mai 2018