La foi chrétienne est parfaitement crédible !

ÉDITORIAL

Dans le monde actuel, l’apologétique (1) n’a pas bonne presse. Même dans l’Église, elle a été délaissée et ceux qui persistent à la défendre sont des francs-tireurs sans guère de soutien officiel. Les valeurs aujourd’hui dominantes placent la « tolérance » au sommet, tolérance qui véhicule une conception très relativiste, refusant toute vérité objective – « à chacun sa vérité », comme le dit l’adage. Dans ce contexte, on est vite accusé de « prosélytisme », sous-entendu d’user de moyens de pression illégitimes pour convertir plus ou moins de force. En réalité, l’apologétique s’adresse à la raison, à un être libre capable de recevoir une argumentation et à en juger la valeur probante ou non.
Le champ de la moisson est immense en France comme en Europe, tant les Occidentaux semblent éloignés de la question de Dieu et détachés du christianisme qui a pourtant largement façonné leur civilisation. Nos contemporains sont-ils de ce fait devenus « athées » ? Je ne le pense pas, il n’est que de voir le succès de l’ésotérisme, de l’astrologie, des nouvelles « religiosités » censées apporter le « bien-être »… La plupart d’entre eux, néanmoins, ne sont-ils pas surtout indifférents à la question de Dieu ? Indifférence qui nous interroge tant cette question nous semble au centre même de toute vie, tant elle oriente notre approche du bonheur, ici-bas et dans l’au-delà. Indifférence qui n’est toutefois pas si surprenante si l’on considère l’environnement des sociétés occidentales totalement tourné vers le matérialisme, le consumérisme, l’exacerbation du désir sans limite, bref une horizontalité qui exclut toute verticalité et tue toute velléité spirituelle. Ajoutons en France une conception répandue de la laïcité qui, méfiante envers la religion, la relègue à la seule sphère privée.
Je suis persuadé qu’il existe cependant une attente spirituelle considérable dans ce monde sans Dieu.

Où est l’irrationalité ?

On reproche souvent à la foi catholique d’être irrationnelle. Mais il est bien plus irrationnel de croire en n’importe quoi ou de juger que Dieu n’existe pas. Il faut être bien naïf aujourd’hui pour penser que la science « démontre » l’inexistence de Dieu, a réponse à tout et peut expliquer l’origine de la vie et lui fournir un sens. Au contraire, l’état présent des connaissances incite à postuler une intelligence directrice, même s’il ne s’agit pas de « preuves » puisque la science et la question de Dieu ne se situent pas au même niveau épistémologique.
Il existe cependant plus que jamais de bonnes raisons de croire, non seulement en un Dieu créateur, mais plus encore que ce Dieu est celui des chrétiens : Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, qui n’a aucun équivalent dans l’histoire parmi tous les fondateurs de religion, en termes de crédibilité et de sainteté. En effet, pour qui réfléchit posément, il n’y a que le christianisme qui atteste de façon aussi convergente la véracité de la foi, malgré toutes les objections que l’on peut faire sur les défaillances historiques des hommes d’Église – la pérennité de celle-ci malgré les péchés de ses membres militerait d’ailleurs en sa faveur.

Il n’est pas « léger » de croire

Saint Thomas d’Aquin l’a admirablement résumé dans sa Somme contre les gentils quand il explique que « ce n’est pas légèreté que de donner son assentiment aux choses de la foi, bien qu’elles dépassent la raison » : « la Sagesse divine […] a manifesté sa présence, la vérité de son enseignement et de son inspiration par les preuves qui convenaient, en accomplissant de manière très visible, pour confirmer ce qui dépasse la connaissance naturelle, des œuvres très au-dessus des possibilités de la nature tout entière : guérison merveilleuse des malades, résurrection des morts, […] et, ce qui est plus admirable, inspiration de l’esprit des hommes, telle que des ignorants et des simples, remplis du don du Saint-Esprit, ont acquis en un instant la plus haute sagesse et la plus haute éloquence. Devant de telles choses, mue par l’efficace d’une telle preuve, non point par la violence des armes ni par la promesse de plaisirs grossiers, et, ce qui est plus étonnant encore, sous la tyrannie des persécuteurs, une foule innombrable, non seulement de simples mais d’hommes très savants, est venue s’enrôler dans la foi chrétienne, cette foi qui prêche des vérités inaccessibles à l’intelligence humaine, réprime les voluptés de la chair, et enseigne à mépriser tous les biens de ce monde. Que les esprits des mortels donnent leur assentiment à tout cela, et qu’au mépris des réalités visibles seuls soient désirés les biens invisibles, voilà certes le plus grand des miracles et l’œuvre manifeste de l’inspiration de Dieu » (2).
C’est dans cet esprit que nous démarrons en octobre prochain une nouvelle rubrique sur les raisons de croire, en partenariat avec l’association « 1000 raisons de croire ». Et avant cette série qui s’étendra sur plusieurs années, il nous a paru opportun de l’introduire par un dossier centré sur l’apologétique, pour mieux en comprendre le sens, la portée et les enjeux.

Christophe Geffroy

(1) Partie de la théologie ayant pour objet d’établir, par des arguments historiques et rationnels, le fait de la révélation chrétienne.
(2) Cerf, 1993, livre premier, chap. 6, p. 26-27.

© LA NEF n° 361 Septembre 2023