Cardinal Robert Sarah © François-Régis Salefran Wikimedia

Cardinal Sarah : quelle est la vocation d’une université catholique ?

Discours prononcé en avril 2024 aux étudiants prêtres, religieux, religieuses et laïcs de l’École Théologique Saint-Cyprien du diocèse d’Obala (Cameroun), sur le thème suivant : « La vocation d’une université catholique à la lumière de l’enseignement de Benoît XVI »

Chers étudiants de l’École Théologique Saint Cyprien du diocèse d’Obala,

Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur la vocation d’une université et en particulier d’une université catholique à la lumière de l’enseignement de Benoît X  VI.

Benoît XVI l’a plusieurs fois souligné : « La vocation originelle de l’université est la recherche de la vérité, de toute la vérité de notre être. Et avec son obéissance à la vérité et aux exigences de sa connaissance, l’université devient une école d’humanitédans laquelle se cultive un savoir vital, se forgent de hautes personnalités et se transmettent des connaissances et des compétences de valeur »[1].

La recherche de la vérité est donc votre programme, comme le proclame votre devise : « Au service de la Vérité et de la Justice ».

Benoît XVI ajoutait : « Sans être orientée vers la vérité, sans une attitude d’humble et courageuse recherche de la vérité, toute culture se désagrège, tombe dans le relativisme et se perd dans l’éphémère ».

Le sens de la Vérité est la pierre qui doit fonder toute culture solide. Sans recherche de la vérité, on ne peut s’appuyer sur rien. Tout devient liquide.

Sans l’objectivité de la vérité, nous sommes livrés aux appétits et aux passions subjectives. Sans vérité, il n’y a plus d’ordre juste objectif et intangible, personne ne peut être protégé contre l’égoïsme capricieux et la violence.

La vérité est le seul rempart solide qui s’oppose à la tentation de la toute-puissance et de l’arbitraire. La vérité fonde l’ordre et la justice. Son absence nous livre au chaos. Sans vérité, les opinions s’entrechoquent et nul ne peut les départager.

Sans vérité, il n’y a plus d’unité possible entre les hommes. Ils sont condamnés à s’entre-déchirer sans cesse. Car la vérité est le seul bien qu’ils possèdent en commun et à partir duquel ils peuvent s’entendre.

Benoît XVI le savait bien, lui qui avait vu dans sa jeunesse son pays sombrer dans l’idéologie nazie. Il avait vu de ses yeux un pays, héritier d’une civilisation raffinée, sombrer dans la barbarie. Pourquoi ? Parce qu’à l’amour de la vérité on avait substitué le doute. Et après le doute est venu le règne de la violence et de la volonté de puissance.

Il y a là un enjeu capital pour l’Afrique de demain. Je voudrais vous inviter non seulement à chercher la vérité mais à l’aimer passionnément !

Le monde universitaire africain doit prendre garde à ne pas se laisser contaminer par les maladies de l’esprit que l’Occident voudrait lui imposer. L’Occident a peur de la recherche de la vérité. Pour nombre d’Occidentaux la vérité est devenue un terme imprononçable. Si vous parlez de vérité, on vous accuse de dogmatisme, d’oppression. Mais en fait derrière ces discours trompeurs se cache la violence de la dictature du relativisme qui elle-même est souvent le masque des intérêts financiers et matériels inavoués.

Le 13 décembre 2012, Benoît XVI rappelait à un groupe d’ambassadeurs africains : « De nos jours, dire le vrai est devenu suspect, vouloir vivre dans la vérité semble suranné, et la promouvoir semble être un effort vain. Et pourtant, l’avenir de l’humanité se trouve également dans la relation des enfants et des jeunes avec la vérité : la vérité sur l’homme, la vérité sur la création, la vérité sur les institutions, etc. C’est pourquoi, il est nécessaire d’éduquer dans la vérité et à la vérité ».

N’ayons donc pas peur d’aimer et de chercher la vérité ! L’Occident est devenu sceptique à l’image de Ponce Pilate. Il répète sans cesse sur un ton désabusé : « Mais qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18, 38). Et comme Pilate, il met sa confiance dans la force politique pragmatique et souvent injuste parce qu’il ne peut plus s’appuyer sur la force de la vérité.

Pourtant, « que se passe-t-il si la vérité ne compte pour rien ? Quelle justice sera alors possible ? Est-ce qu’il ne doit pas y avoir des critères communs qui garantissent véritablement la justice pour tous -critères soustraits à l’arbitraire des opinions changeantes et aux concentrations du pouvoir ? N’est-il pas vrai que les grandes dictatures se sont maintenues par la force du mensonge idéologique et que c’est la vérité seule qui a apporté la libération ? »[2]

Dans un monde qui a horreur de la vérité et qui se complaît dans le mensonge et l’hypocrisie, le Pape Benoît XVI s’est constamment présenté comme l’humble serviteur de la vérité. C’est pour cela, comme je l’écrivais dans La Nef du mois de février 2023, qu’il s’est souvent retrouvé seul face à un monde hostile à « tout ce qui est vrai, noble, juste et pur » (Ph 4,8). Prophète de la vérité qui est le Christ face à l’empire du mensonge, messager fragile face aux pouvoirs calculateurs et intéressés. Face au géant Goliath du dogmatisme relativiste et du consumérisme tout puissant, Benoît XVI n’avait d’autres armes que la parole. Ce David des temps modernes osait interpeller ses contemporains en leur disant :

« Le désir de la vérité appartient à la nature même de l’homme et toute la création est une immense invitation à rechercher les réponses qui ouvrent la raison humaine à la grande réponse qu’elle cherche et attend depuis toujours : la vérité de la révélation chrétienne que l’on trouve en Jésus de Nazareth permet à chacun de recevoir le mystère de la vie. Comme Vérité Suprême, tout en respectant l’autonomie de la créature et de sa liberté, elle engage à s’ouvrir à la Transcendance. On comprend pleinement la Parole du Seigneur : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,32). Mais le mensonge et la compromission ne l’ont pas toléré. Hors de l’Église, mais aussi en son sein, on s’est déchaîné contre Benoît XVI. On a caricaturé ses propos. On les a déformés et ridiculisés. Le monde a voulu le faire taire parce que son message lui était insupportable. On a voulu le bâillonner. Benoît XVI a ranimé alors en notre temps la figure des Papes de l’Antiquité, martyrs écrasés par l’empire romain agonisant. Le monde, comme Rome autrefois, tremblait devant ce vieil homme au cœur d’enfant. Le monde est trop compromis avec le mensonge pour oser entendre la voix de sa conscience. Benoît XVI a été un martyr pour la vérité, pour le Christ. La trahison, la malhonnêteté, le sarcasme, rien ne lui aura été épargné. Il aura vécu le mystère de l’iniquité jusqu’au bout »[3].

Avec le Pape Benoît XVI, tout chrétien doit, avec fermeté et constance, affirmer que non seulement la vérité existe, mais qu’elle est reconnaissable. La vérité c’est Dieu. Et il s’est fait reconnaître en Jésus-Christ, car « en Lui, Dieu est entré dans le monde, et a ainsi dressé le critère de la vérité au cœur de l’histoire », selon les paroles magnifiques et définitives de Benoît XVI[4]. La nouveauté fondamentale de la venue de Dieu au milieu du monde nous fait affirmer que la vérité a un nom et un visage, celui de Jésus-Christ qui seul peut dire : « Je suis la Vérité » (Jn 14, 6).

Il est donc capital que votre université qui est tout entière au service de la vérité soit une université ouvertement et fièrement « catholique ».

Car « la perspective chrétienne, comme cadre du travail intellectuel de l’université, ne s’oppose pas au savoir scientifique et aux conquêtes du génie humain, mais au contraire, la foi prolonge l’horizon de notre pensée, elle est le chemin vers la pleine vérité, elle guide vers le développement authentique »[5]. Vous ne devez donc pas rougir d’être éclairés par la lumière du Christ. Là encore, vous, universitaires africains, avez une mission particulière. Car là encore l’Occident qui a été chrétien regarde désormais ses racines chrétiennes avec honte. On a expulsé le Christ de l’université en bien des pays d’Europe. On se refuse à voir en lui la lumière venue éclairer les nations, venue illuminer nos raisons défaillantes.

Chers amis, foi et culture sont liées de façon indissoluble. Là où l’homme cherche Dieu avec droiture, la culture fleurit, les sciences se développent, la civilisation devient plus raffinée.

En effet, la recherche de Dieu est le cœur de la culture. On a pu définir la culture comme l’ensemble des relations qu’un homme entretient avec le monde et les autres. Mais la plus haute relation qu’il peut entretenir est la relation avec Dieu. C’est pourquoi le culte est le cœur de la culture. Benoît XVI avait essayé de le rappeler aux Français dans son discours aux Bernardins. Il avait souligné que la culture européenne était née de la recherche de Dieu. Les moines en cherchant Dieu ont engendré l’architecture des cathédrales comme les meilleurs œuvres musicales ou poétiques.

Les universitaires européens l’ont oublié. Et leur amnésie volontaire stérilise leur culture qui se complaît désormais dans la laideur d’un certain art contemporain, ou la remise en cause des fondements les plus solides par le wokisme.

Votre génération d’universitaires africains doit donc prendre la relève !

En cherchant la vérité, en cherchant la Vérité faite homme en Jésus-Christ, vous donnerez naissance à une nouvelle culture africaine. Vous féconderez l’art, les lettres, la philosophie, l’architecture ! Vous engendrerez même une nouvelle manière d’aborder l’économie et les sciences en les remettant au service de l’homme et de la vérité. Vous les libérerez de l’obsession capitaliste de la rentabilité à tout prix, même au prix de la vie humaine. En étudiant sous le regard de Dieu, vous remettrez la médecine au service de l’homme véritable en la libérant des apprentis-sorciers qui veulent combattre la fécondité des familles africaines. Vous mettrez la médecine au service de la vie en la libérant de la culture de mort qui fait mourir les enfants dans le sein de leur mère et les vieillards inutiles à la rentabilité économique. En étudiant sous le regard de Dieu vous mettrez en lumière les fondements de toute civilisation authentique : la différence entre l’homme et la femme, le respect des anciens. Vous vous débarrasserez de la dictature des théories mortifères du gender et du lobby LGBT qui, sous prétexte de libération, tentent de nous imposer leur délire.

Il me faut vous redire les mots de saint Jean-Paul II prononcés le 22 octobre 1978 : « N’ayez pas peur d’accueillir le Christ et d’accepter son pouvoir ! Aidez le Pape et tous ceux qui veulent servir le Christ et, avec la puissance du Christ servir l’homme et l’humanité entière ! N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait “ce qu’il y a dans l’homme” ! Et lui seul le sait ! »

N’ayez pas peur ! À mon tour je vous le redis : vous ne serez pleinement humains que si vous vous mettez pleinement à l’école du Christ qui est la Vérité pleine et entière. J’ose vous dire davantage : vous serez pleinement africain, si vous êtes vraiment catholiques ! Ne croyez pas ceux qui veulent vous enfermer dans un folklore qu’ils imaginent être notre culture. Le meilleur de la culture africaine est révélé et purifié par la vérité que nous apporte Jésus-Christ. Lui seul fait parvenir à maturité les semences que le Créateur avait disposées dans la culture traditionnelle africaine. Lui seul accomplit pleinement la quête de sagesse et de vérité que nos anciens avaient initiée à la lumière de leur conscience et où parfois se trouvaient mêlés le péché et l’erreur. Ayons le courage de le dire : plus on est chrétien, plus on est africain. Ne nous laissons pas enfermer dans un faux impératif d’inculturation de la pensée. L’inculturation véritable n’est pas un retour à des formes anciennes folkloriques. Elle est la rencontre purificatrice et salvatrice de nos consciences d’aujourd’hui avec la Vérité qu’est le Christ. De cette rencontre naîtra une véritable culture africaine.

Car la culture est toujours une rencontre entre le désir naturel de voir Dieu qui est présent en chaque homme et Dieu qui se révèle ; la culture est structurée par le lien qui unit la foi et l’esprit humain.

Benoît XVI soulignait : « Lorsque ce lien se brise, l’humanité tend à se replier et à se refermer sur ses propres capacités créatives. Il est alors nécessaire que l’université soit empreinte d’une passion authentique pour la question de l’absolu, la vérité même, et donc également pour le savoir théologique qui dans votre université est une partie intégrante du programme de formation. En alliant l’audace de la recherche et la patience de la maturation, l’horizon théologique peut et doit valoriser toutes les ressources de la raison. La question de la Vérité et de l’Absolu, — la Question de Dieu — n’est pas une recherche abstraite, séparée de la réalité quotidienne, mais est la question cruciale, dont dépend radicalement la découverte du sens du monde et de la vie. Dans l’Évangile se fonde une conception du monde et de l’homme qui ne cesse de dévoiler des caractéristiques culturelles, humanistes et éthiques. Le savoir de la foi illumine donc la recherche de l’homme, l’interprète en l’humanisant, l’intègre dans des projets de bien, l’arrachant à la tentation de la pensée calculatrice, qui instrumentalise le savoir et fait des découvertes scientifiques des moyens de pouvoir et d’asservissement de l’homme »[6].

Je voudrais insister sur la nécessité de ce travail théologique. On nous demande parfois s’il y a une théologie africaine. Il n’y a pas plus de théologie africaine que de vérité africaine. Dites-moi, franchement : y a-t-il un Dieu africain pour qu’il ait une théologie africaine ? La théologie est la contemplation de Dieu. Dieu est le même partout et pour tous. « Les cieux passent mais toi tu demeures…toi tu es le même » (Ps 101,27-28). Dieu est celui qui est (Exode). « Jésus-Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité. » (Hb 13,8). Il n’y a donc pas de théologie africaine mais une théologie catholique. En revanche, il y a des Africains qui sont théologiens et qui mettent tout leur être au service de la recherche de la vérité.

Comme nous le rappelait Ecclesia in Africa, « du II au IV siècle, la vie chrétienne dans les régions septentrionales de l’Afrique fut très intense et occupa une position d’avant-garde, aussi bien dans le domaine théologique que dans celui de la littérature chrétienne. Des noms remontent aussitôt à la mémoire, ceux des grands docteurs et écrivains, comme Origène, saint Athanase, saint Cyrille, flambeaux de l’École d’Alexandrie, et pour l’autre partie de la Côte méditerranéenne de l’Afrique, ceux d’un Tertullien, d’un saint Cyprien, et surtout celui de saint Augustin, une des lumières les plus brillantes de la chrétienté ». Pourtant, aucune de ces figures illustres n’a eu l’idée saugrenue ou l’ambition étrange de créer une théologie africaine ! Pourquoi donc parlerions-nous maintenant de théologie africaine ?

Tout théologien devrait avoir cette attitude humble et si noble de Joseph Ratzinger Benoît XVI et dire : « Je n’ai jamais essayé de créer un système propre, une théologie particulière. Ce qui m’est spécifique, pour reprendre vos propres termes, c’est que je veux tout simplement penser en pleine communion avec la foi de l’Église, ce qui signifie avant tout penser en totale communion avec les grands penseurs de l’Église. Le but, ce n’est pas une théologie isolée, sortie de moi, mais une théologie qui s’ouvre aussi largement que possible, tout en demeurant sur le chemin commun de pensée que la foi. C’est pourquoi l’exégèse a toujours eu pour moi une très grande importance. Je ne pourrais pas concevoir une théologie purement philosophique. Le point de départ est d’abord le Verbe : que nous croyions en la Parole de Dieu, que nous essayions de la connaître et de la comprendre vraiment, puis de penser en profonde communion avec les grands maîtres de la foi. À partir de là ma théologie est marquée par la Bible et par les Pères de l’Église, surtout par Augustin. J’essaie naturellement de ne pas m’arrêter à l’Église ancienne, mais de fixer les grands sommets de la pensée et d’intégrer en même temps dans la discussion la pensée contemporaine »[7].

Les Africains ne doivent pas avoir de complexe face à certains théologiens occidentaux qui se mettent à la remorque des idéologies à la mode. N’ayez pas peur d’être catholiques ! Tout simplement ! N’ayez pas peur de tenir à la vérité révélée par Dieu dans l’Écriture et la Tradition. N’ayez pas peur d’être fidèles aux Pères de l’Église et à la grande tradition catholique qui va d’Origène et saint Augustin qui vécurent sur notre continent à saint Thomas d’Aquin et aux grands théologiens contemporains comme Joseph Ratzinger, Henri de Lubac, Hans Urs Von Balthasar. Ne cherchons pas à singer les théologiens européens qui prennent pour critères les idéologies à la mode dans les médias. Tout cela passera comme l’herbe des champs qui sèche au soleil.

Au contraire, pour vous, étudiants en théologie, tenez la règle de la foi ! C’est la seule qui ne vous décevra pas. C’est la seule qui vous conduira à la joie de la vérité. Vous devez à l’Église et au monde ce service de la vérité. Vous devez à l’Église d’Occident ce service de la vérité et de la fidélité. À l’heure où tant de théologiens remettent en doute les vérités les plus fondamentales de la révélation sur l’unicité du salut en Jésus-Christ ou sur la morale, le courage de la foi, le courage de la vérité se réfugie dans quelques cœurs. Les Africains doivent être de ceux-là. Notre histoire nous a appris le courage devant la pauvreté, la souffrance et l’humiliation. Nous tiendrons fermement.

Permettez-moi de vous redire les paroles de saint Paul à Timothée :

« Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’adjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec une patience inlassable et le souci d’instruire. Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. Mais toi, en toute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais œuvre de prédicateur de l’Évangile, acquitte-toi à la perfection de ton ministère » (2 Tm 4,1-5).

Ces paroles résonnent avec une singulière actualité pour vous étudiants africains en théologie ! Elles sont un guide sûr pour ne pas tomber sous la séduction des discours relativistes dont nous abreuvent sans cesse certaines publications universitaires occidentales dont l’arrogance masque mal le néo-colonialisme intellectuel que dénonce régulièrement le Saint-Père. La réaction doctrinale des théologiens africain face à la mise en cause récente de l’enseignement catholique sur la sexualité est à cet égard exemplaire. Non, malgré ce que certains ont affirmé, les Africains n’ont pas réagi à cause d’un particularisme culturel qui les rendrait allergique à l’homosexualité. Non ! Les Africains ont réagi à cause de leur attachement à la vérité universelle et intemporelle.

« Ce service particulier à la Vérité est un don de grâce et une expression caractéristique de la charité évangélique, disait encore Benoît XVI. L’attestation de la foi et le témoignage de la charité sont inséparables (cf. 1 Jn 3, 23). Le noyau profond de la vérité de Dieu est en effet l’amour avec lequel Il s’est penché sur l’homme et, dans le Christ, lui a offert des dons infinis de grâce. En Jésus, nous découvrons que Dieu est amour et que ce n’est que dans l’amour que nous pouvons Le connaître : « Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu… car Dieu est amour » (cf. 1 Jn 4, 7-8) dit saint Jean. Et saint Augustin affirme : « Non intratur in veritatem nisi per caritatem » (Contra Faustum, 32). Le sommet de la connaissance de Dieu s’atteint dans l’amour ; l’amour qui sait aller aux racines, qui ne se contente pas d’expressions philanthropiques occasionnelles, mais illumine le sens de la vie avec la Vérité du Christ, qui transforme le cœur de l’homme et l’arrache aux égoïsmes qui engendrent la misère et la mort. L’homme a besoin d’amour, l’homme a besoin de vérité, pour ne pas perdre le fragile trésor de la liberté et être soumis à la violence des passions et à des conditionnements apparents ou occultes (cf. Jean-Paul II, Enc. Centesimus annus, n. 46). La foi chrétienne ne fait pas de la charité un sentiment vague et compatissant, mais une force capable d’illuminer les sentiers de la vie dans chacune de ses expressions. Sans cette vision, sans cette dimension théologique originelle et profonde, la charité se contente de l’aide occasionnelle et renonce au devoir prophétique, qui lui est propre, de transformer la vie de la personne et les structures mêmes de la société. Il s’agit d’un engagement spécifique que la mission au sein de l’université vous appelle à réaliser en tant que protagonistes passionnés, convaincus que la force de l’Évangile est capable de renouveler les relations humaines et pénétrer au cœur de la réalité »[8].

L’université catholique est le lieu dans lequel cela doit avoir lieu avec une efficacité particulière, tant au niveau scientifique que didactique.

Chers jeunes universitaires, vous êtes la démonstration vivante du fait que seule la vérité libère ! Tenez à votre vocation qui consiste, selon le Benoît XVI, à « montrer que la foi chrétienne est un ferment de culture et de lumière pour l’intelligence, un encouragement à en développer toutes les potentialités positives pour le bien authentique de l’homme. Ce que la raison découvre, la foi l’illumine et le manifeste. La contemplation de l’œuvre de Dieu révèle au savoir l’exigence de la recherche rationnelle, systématique et critique ; la recherche de Dieu renforce l’amour pour les lettres et pour les sciences profanes : “Fides ratione adiuvatur et ratio fide perficitur”[la foi est soutenue par la raison et la raison est perfectionnée par la foi], affirme Hugues de Saint-Victor (De sacramentis, I, III, 30 : PL 176, 232) »[9].

En cherchant la vérité, en aimant le Christ, Source de toute vérité, vous travaillez pour le bien de l’Afrique et du monde. Vous préparez l’avenir de l’Église et de vos pays.

Que la lumière du Ressuscité ouvre vos cœurs à la connaissance des Écritures Saintes, vous confirme dans la vérité tout entière et vous arrache à l’emprise du mensonge répandu par d’innombrables idéologies qui fourvoient le monde.

Robert Card. Sarah
Préfet émérite de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements


© LA NEF n° 370 Juin 2024, exclusivité, version intégrale mise en ligne le 3 juin 2024.