Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint Martin et recteur du sanctuaire du Mont Saint-Michel. Il a accepté de répondre à nos questions sur le pèlerinage de la France à saint Michel.
La Nef – Vous êtes à pied d’œuvre avec une association de laïcs pour organiser un nouveau pèlerinage de Saint-Malo au Mont Saint-Michel, du 8 mai au 11 mai prochain. Qu’est-ce qui vous amène à vous investir dans ce projet, alors qu’il existe déjà des pèlerinages vers le sanctuaire ?
Don Pierre – Cette initiative est née du désir d’un petit groupe de jeunes, attachés à Saint-Michel, et désireux de lui offrir un pèlerinage d’envergure. Il y a de nombreux groupes qui viennent chaque année en pèlerinage au Mont : des diocèses, des paroisses, des mouvements… Mais il n’y avait pas, jusqu’à cette année, un pèlerinage à pied ouvert à tous, sur plusieurs jours.
Est-ce la première édition d’une longue série, ou la reprise d’une longue tradition ?
Nous souhaitons tous que ce pèlerinage en 2025 soit le premier d’une longue série, mais il est vrai que des pèlerinages similaires ont existé, notamment pendant le XIXᵉ siècle. À la Révolution française, le Mont a été transformé en prison pendant près de 70 ans. Lorsque la prison a été fermée par Napoléon III, et que l’évêque de Coutances et d’Avranches a décidé le « déménagement » du sanctuaire depuis l’église Saint-Pierre, l’église du village, il a aussi beaucoup œuvré au retour des pèlerinages. Cette édition 2025 est donc à la fois l’héritière d’une histoire, et en même temps un renouveau appelé à se confirmer.
À qui s’adresse ce pèlerinage ? Faut-il être sportif, pratiquant zélé, normand ou breton ? Et toutes les sensibilités liturgiques peuvent-elles s’y retrouver ?
La marche entre Saint-Malo et le Mont n’est pas particulièrement difficile, même s’il faut bien sûr avoir les conditions physiques nécessaires pour entreprendre un tel parcours sur plusieurs jours. Bien que le Mont soit en Normandie, n’en déplaisent aux Bretons, le Mont, comme lieu sanctuaire n’appartient pas à la Normandie : il appartient à tous ceux qui veulent y trouver un signe de la présence de saint Michel et des anges dans notre monde. Tout le monde est donc le bienvenu, même les Bretons ! La liturgie, avec une attention particulière à ce qu’elle soit célébrée d’une manière belle et profonde, sera certainement un lieu de communion entre tous les participants qui viendront de tous les horizons de l’Église. Célébrée dans le Novus Ordo, la liturgie exprimera l’unité de toute l’Église, et chacun pourra y recevoir les grâces que le Christ donne à travers ses sacrements. Il nous a semblé que le premier combat auquel saint Michel nous encourage n’est pas un combat lié à nos sensibilités qui sont toujours secondaires, mais plutôt un combat qui correspond à l’expérience de tout chrétien, quelle que soit sa sensibilité : le combat de la foi, le combat de l’espérance, le combat de la charité.
Comment comptez-vous nourrir les âmes lors de ces trois jours et ces trois nuits ? Il y a la marche…
Bien sûr, la marche elle-même travaille notre âme, et nous comptons beaucoup sur la démarche physique pour qu’une démarche spirituelle soit favorisée au cours de notre pèlerinage. Mais les organisateurs ont aussi veillé à ce que les pèlerins puissent bénéficier d’une véritable nourriture spirituelle, en lien à la fois avec le thème du jubilé, et celui de notre pèlerinage : le combat spirituel. Des intervenants ont été sollicités pour donner des enseignements et des témoignages à nos pèlerins.
Mais ce qui sera déterminant et vraiment particulier dans ce pèlerinage, c’est la façon dont la marche va permettre à tous les pèlerins de vivre une profonde expérience de charité, de communion et d’unité. Dans notre monde comme dans notre Église, les raisons – souvent minuscules et absurdes- de nous diviser sont nombreuses. Trop nombreuses. Cela va faire du bien à tous de se rendre compte que nous avons tous mal au pied de la même manière, que nous avons tous chaud ou froid de la même manière, et plus fondamentalement, que nous menons tous le même combat de la Foi dans notre marche vers le Christ. Pendant quatre jours, nous allons nous délester du poids inutile de nos petites guéguerres de clocher, pour mieux nous centrer sur le vrai combat. Le combat contre le mal qui est en nous. Alors, nous serons capables de mieux entrer dans le combat contre le mal qui est à l’extérieur de nous.
Quelles communautés vous accompagneront lors de ce pèlerinage ? Et quels intervenants mettez-vous en avant ?
Le pèlerinage est soutenu par Mgr Grégoire Cador, évêque de notre diocèse, qui a accepté de présider la messe de clôture au pied du Mont. Ensuite, étant moi-même prêtre de la communauté Saint-Martin, il y aura quelques-uns de mes frères qui vont se joindre à nous comme aumôniers. Mais d’autres communautés vont participer, soit dans l’accompagnement des chapitres, soit dans les enseignements, soit pour des temps de prière… Des dominicains, des prêtres diocésains, des prêtres de l’Emmanuel… Nous avons fait le choix de ne pas trop communiquer sur les intervenants, car nous pensons qu’il faut absolument que ce soit le Christ et saint Michel qui nous rassemblent. C’est un choix un peu risqué dans ce monde où il faut toujours avoir des guest-stars à annoncer pour donner envie de participer. Mais notre guest-star à nous, c’est saint Michel ! Et nos intervenants ont été choisis parce qu’ils sont des spécialistes de leur domaine : croyez-moi, les pèlerins ne seront pas déçus ! Nous aurons aussi le privilège (rare) d’avoir un office et un temps d’adoration dans l’abbatiale, le soir de l’arrivée au Mont. Ce temps de prière a été préparé avec les frères et les sœurs de Jérusalem qui vont nous accueillir dans le lieu où prient les moines depuis le VIIIᵉ siècle. Ce sera l’un des moments culminants de notre pèlerinage, avec la remise du plomb des pèlerins à tous les participants, pour la première fois probablement depuis la fin du Moyen-Âge !
Pour en savoir plus : https://www.pelesaintmichel.fr/
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