Henri-Rousseau, Le bienheureux cloître ©DR

Pierre Henri-Rousseau, le paradis par les sens

Nombreux sont les artistes fascinés par l’Enfer de la Divine Comédie où Dante, guidé par Virgile, s’enfonça dans les profondeurs terrifiantes de ce lieu au seuil duquel toute espérance doit être abandonnée. Pourtant, lors de sa lecture, le peintre Pierre Henri-Rousseau fut bien davantage inspiré par la troisième partie de l’œuvre dans laquelle Dante, après l’épreuve ardente du Purgatoire, entre au Paradis. C’est de cette lecture que naquit l’exposition qui se tiendra dans la cathédrale de Perpignan à la fin de l’été – un retour aux sources pour l’artiste, originaire du Roussillon. Il utilise la technique de la tempera sur bois – un art de la fin du Moyen Âge occidental – qui permet des œuvres précises par l’importance donnée au trait, des œuvres subtiles par les superpositions de couches, des œuvres lumineuses par la pureté des couleurs, des œuvres transcendantes par les plages de feuille d’or, symbole de la charité divine.
Une vingtaine d’œuvres se répondent pour ouvrir le regard du visiteur sur le monde surnaturel – voilà d’ailleurs la mission de tout artiste, selon lui, qui doit présenter aux sens et à l’intelligence ce qui leur échappe ; le Paradis en est peut-être le meilleur exemple. À travers la représentation du Cantique des Cantiques, le peintre allie les deux métaphores topiques du Paradis : le ciel et le jardin. Dans ce chant, l’amour charnel trouve sa plénitude dans l’amour divin : c’est Salomon et la reine de Saba, l’époux et sa femme, le Christ et l’Église, c’est l’âme humaine et Dieu. 
La musique, la danse, le mouvement, tout est joyeux et comme entraîné vers la source première : Dieu. De nombreux profils perdus – personnages peints presque de dos si bien qu’on ne voit pas leur visage – aiguisent une curiosité toute chaste et lumineuse. À l’image de la belle et pure Béatrice – allégorie de la beauté, du bien et de la vérité, guide de Dante au Paradis –, les personnages sont merveilleusement beaux, paisibles, si profondément imprégnés de lumière divine qu’en les admirant, nous désirons Dieu – peut-être est-ce là la définition de la chasteté… et de l’art.

Constance de Vergennes

Exposition à la cathédrale de Perpignan, du 2 août au 4 octobre 2025.
Lien utile : https://www.instagram.com/lestoilesdumatin/

© La Nef n° 382 Juillet-Août 2025