La Marche pour la Vie du 21 janvier 2018

États généraux de la bioéthique : si c’est un homme ?

Les états généraux de la bioéthique se sont ouverts le 18 janvier et seront clôturés en juillet prochain. L’enjeu est de taille : la vie est-elle une simple problématique techno-scientifique ?

C’est la loi : la France doit régulièrement réviser sa législation en matière de bioéthique. « Il faut bien vivre avec son temps », répète-t-on à satiété dans les médias. Sous l’égide du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) présidé par le médecin Jean-François Delfraissy, le gouvernement ouvre un pseudo-débat, aux règles floues. Selon la loi bioéthique de 2004, la mission du CCNE est de « donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ».
Les domaines concernés ne sont pas minces. La consultation porte sur des questions aussi importantes que l’ouverture de la Procréation Médicale Assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes, et son prolongement en Gestation Pour Autrui (GPA). Seuls des militants peuvent affirmer le contraire, comme ils affirmaient que le mariage de personnes de même sexe n’induisait « en aucune manière » l’extension de la PMA aux couples homosexuels. Un mensonge grossier de minorités actives soutenues par nombre de médias, pour minimiser ce fait : il s’agit de la vie humaine. PMA/GPA, « droit » à la fin de la vie, diagnostic préimplantatoire, extension des tests génétiques, édition du génome… Taire aussi, par exemple, que le marché autour de la PMA/GPA tourne déjà autour de 4 milliards d’euros aux États-Unis, et qu’il s’étale sur la toile en Espagne où des sites transforment la part matérielle de l’humain en une marchandise. La bioéthique, ce peut être lucratif.

IDÉOLOGIE PARTOUT, DÉFENSE DE LA VIE NULLE PART
Bien que peu suspect d’être pro-vie, Jean-Luc Mélenchon se méfie aussi de la GPA : « Le jour où une femme milliardaire sera prête à faire un gosse gratuitement pour une pauvre d’un bidonville, j’accepte qu’on ouvre le débat. Le corps ne peut pas être un objet de marchandisation » (18 janvier 2018, 24h Pujadas). La question de l’exploitation économique des ventres est évidemment centrale. Comme d’autres questions remisées sous le tapis. Début janvier 2018, Marianne montrait des dérives liées à l’homoparentalité issue de la PMA/GPA, à partir d’exemples de co-parentalité : des célibataires et des couples homosexuels se font rouler par des sites de « rencontre procréative » ou se retrouvent dans des situations dramatiques, une fois l’enfant né, quand les deux parents s’étant rencontrés sur le net, n’ayant jamais vécu ensemble, en viennent à se déchirer. Et l’enfant ? Son présent est écartelé entre deux profils internet. Ce sont des situations fabriquées au nom d’une prétendue égalité et du « droit » des individus à s’auto-créer. Un Vivant individuel imaginaire remplacerait le Vivant qui forme notre Commun.
Malgré ce genre d’exemples, l’idéologie règne et les réponses à la consultation sont connues par avance. Plus que sociétaux, les enjeux sont pourtant anthropologiques, réactualisant la volonté de créer un homme nouveau, la bonne vieille cause de tous les totalitarismes. Le débat omet d’ailleurs l’essentiel : le contexte d’Amour. Ce que José Bové rappelait le 19 janvier 2018 : « On ne fait pas un enfant seulement avec des gènes. » Mélenchon, Bové… Même si la frange gauchiste du paysage politique le dit… L’idéologie en matière bioéthique menace la Vie, en tant qu’elle est sacrée, mais aussi toute éthique du futur : Jean-René Binet a ainsi raison de déclarer que « tout ce qui est techniquement possible n’a pas vocation à être autorisé » (Le Figaro, 17 janvier 2018). La question est celle de la limite, c’est-à-dire de ce que nous voulons être en tant que civilisation.

PROMÉTHÉE DÉCHAÎNÉ ?
Le fait que l’on joue avec le feu a été rappelé par la journaliste Charlotte d’Ornellas sur le plateau de CNews le 16 janvier 2018 : « En 2005, le CCNE donnait un avis défavorable sur la PMA en disant qu’il y avait un risque à satisfaire un droit individuel à l’enfant. » Elle indiquait aussi que « l’homme n’a pas changé depuis ». C’est exact, et peu discutable. La question n’est pas celle de l’égalité de « droits » des adultes mais celle du droit inaliénable des enfants. Pour Charlotte d’Ornellas, « l’État va créer la loi des enfants sans père ». Une loi inégalitaire par nature. Malheureusement, dans les médias, des voix de cette sorte sont rares, excepté dans la presse catholique, mais non pas La Croix, laquelle milite, par sondage tombant à pic, pour les évolutions sociétales les plus antichrétiennes qui soient, toujours aveuglée par le fantasme d’églises qui se rempliraient par la baguette magique d’une proximité entre les désirs sociétaux et l’Église. La position qui contribue à déchristianiser la France depuis 50 ans, position d’un organe militant en faveur de l’idéologie du Progrès. La Croix préfère se référer aux résultats « démocratiques » d’un sondage plutôt qu’à ce qui forme la racine du christianisme : le choix inaliénable de la Vie contre tout ce qui peut lui porter atteinte. Ce qu’exprimait très bien Paul Ryan, président de la Chambre des représentants des États-Unis le 19 janvier 2018 : « Je suis pro-vie… Je crois que la vie commence à la conception. Défendre la cause de l’enfant à naître m’enthousiasme, c’est pourquoi je suis ravi de participer à la Marche pour la vie. »

OUVRIR LA BOÎTE DE PANDORE ?
Que les bouleversements bioéthiques annoncés soient un « progrès », c’est l’avis général du Paysage Audiovisuel Français mais peut-être pas celui de la majorité des Français, que l’on n’ose plus interroger réellement depuis 2005. Toute autre position sur les questions bioéthiques est délégitimée au motif qu’elle serait anti progressiste. Unanimité généralisée donc, du moins au sein de la très grosse machinerie médiatique. Il n’y a ainsi aucune différence ou presque entre ce que La Croix peut défendre et ce que l’on peut lire ou entendre de la part d’autres médias, France Inter, France 2, Le Monde, Franceinfo ou encore RMC, le matin du 19 janvier par exemple : « C’est parti pour les états généraux de la bioéthique, avec parmi les sujets les plus délicats la question de la fin de vie et l’accès à la PMA ! » En lui-même, ce titre n’est guère neutre. Le développement ? Évidemment, le sondage IFOP/La Croix du 3 janvier 2018 (1010 sondés) qui va dans le bon sens est mis en avant, la journaliste indiquant son résultat selon lequel 6 Français sur 10 seraient favorables à la PMA pour toutes les femmes. Et même 64 % seraient pour la GPA mais… La Croix invente pour les besoins de ce sondage une « GPA pour raisons médicales » inconnue au bataillon… Du coup : « Si le sujet reste sensible politiquement, la société semble avoir évolué. » Le reportage qui suit développe cette idée, sur la base de témoins LGBT ayant eu des enfants en Belgique, témoins dont la qualité de militants ou non n’est pas indiquée. L’évolution bioéthique de la société française serait entrée dans les mœurs. Ce qui est confirmé peu après, dans le face à face avec Bourdin, par le président du CCNE pour qui la GPA n’est pas à refuser par principe puisqu’elle peut aussi s’apparenter à un « don ». Par contre, la radio n’évoque pas cet autre sondage IFOP indiquant que 64 % des Français veulent que les enfants nés par PMA aient un père et une mère. De l’usage des sondages.

UNE APPROCHE IDÉOLOGIQUE
Les conceptions médiatiques sont avant tout idéologiques, laissant volontairement de côté des aspects scientifiques pourtant décisifs. La question ne saurait être seulement celle du « don », de « l’égalité », de la « liberté » ou du « droit » individuel de l’adulte à être parent, pas en ce moment de l’histoire où l’homme peut manipuler son génome et le modifier, ce qui est devenu possible avec Crispr-Cas9, procédé d’édition de l’ADN mis au point en 2012 : la science peut intervenir directement sur les cellules et les transformer. Pour soigner, bien sûr. Mais potentiellement… pour quoi d’autre ? La question n’est alors pas seulement celle de ce que l’on peut ou doit faire mais bien celle de qui fait ou fera. Que des malades mentaux parviennent au pouvoir politique dans les sociétés humaines étant loin d’être une rareté, quid de ce genre de possibilités scientifiques ? Aujourd’hui, un Hitler se verrait de fait faciliter toutes les solutions finales dont il rêvait. C’est ainsi que l’eugénisme se déploie en face de nous, au prétexte de la « liberté ». Il y a inconséquence et absence de responsabilité de principe, au sens de Hans Jonas, vis-à-vis des humains du futur. Pourtant, toute l’histoire humaine devrait pousser à la prudence. En effet, les évolutions bioéthiques en cours, dont certaines ne répondent pas à des nécessités vitales, ajoutées au développement de l’Intelligence Artificielle sur fond de transhumanisme, cela pose la question de l’homme de demain et de la nature : et si ce n’est plus un homme ? Et si ce n’est plus une nature ordonnée ? De quoi, et de qui s’agira-t-il ?

Matthieu Baumier

© LA NEF n°300 Février 2018