Droite-Gauche : ce n’est pas fini, de Jean-Louis Harouel

Encore le couple antagoniste droite-gauche ? Même fractionnées, l’une et l’autre, et cela depuis toujours, en plusieurs courants ? Même fertile, ledit couple, en chassés-croisés idéologiques ? Même rendu peu saisissable par les évolutions gouvernementales du court terme ? Oui, car malgré le déclin (passager ?) et le confusionnisme des partis censés représenter, sur la scène parlementaire, ces « catégories universelles de la politique », l’opposition entre la droite et la gauche, inscrite dans la dissemblance de leurs racines mentales respectives, demeure irréductible. Telle est, du moins, la certitude qui anime Jean-Louis Harouel. Pour lui, en effet, et compte tenu du « transfert de religieux » propre au surgissement de la Révolution, instauratrice du calendrier républicain, les racines mentales de la gauche renvoient à de grandes hérésies falsificatrices du christianisme tandis que la droite serait, à l’inverse, la postérité légitime de celui-ci.
Hérésies, assurément. Et l’auteur, se portant tour à tour vers les deux pôles extrêmes de sa production imaginative, scrute l’aspect gnostique puis l’aspect millénariste de la gauche : le premier, hanté par le problème du mal, avait nourri le désir d’un enseignement secret qui tendait à annuler le rôle indispensable du Christ et de l’Église ; le second annonçait le retour de Jésus sur la terre pour une période de mille ans, où régneraient abondance matérielle et félicité parfaite, bref, un salut collectif plutôt qu’individuel, un salut ici-bas plutôt que céleste. Or, des noces du millénarisme et de la gnose, de la conjonction et de la sécularisation d’une utopie sociale et d’une utopie sociétale, surgira le dogme progressiste de l’émancipation de l’humanité (non plus, aujourd’hui, par la lutte des classes, mais par la déification des droits de l’individu), celle-ci identifiée au sens de l’histoire. En somme, adepte hier d’une foi égalitariste et collectiviste de type millénariste, et maintenant propagateur du libéralisme libertaire, absolutisation du moi aux relents gnostiques, le gros de la gauche s’affirme encore et toujours détenteur de l’avenir – alors que, ineptie suprême, son rejet des valeurs de durée le plombe, cet avenir, et peut-être pour nous tous, le rend impossible.
Reste la droite. Réfractaire au culte exclusif de l’universel, respectueuse de la patrie et de la morale traditionnelle, héritière enfin du christianisme, Jean-Louis Harouel la destine à « prendre le relais de la religion pour continuer à fonder et à guider notre civilisation ». On veut bien. Mais on voudrait d’abord savoir où la trouver.

Michel Toda

Droite-Gauche : ce n’est pas fini, de Jean-Louis Harouel, Desclée de Brouwer, 2017, 282 pages, 18,90 €.

© LA NEF n°299 Janvier 2018