L'entrée de Jésus à Jérusalem par Giotto (détail) © Wikipedia

Méditation sur le Hosanna des Rameaux

Chers Amis,

Pouvons-nous décemment chanter le « Hosanna ! » de cette fête ?

Hosanna ! Cris, chants, acclamations, rameaux agités, mains qui se lèvent, manteaux déposés sur le chemin et les ruelles qui vont vers l’entrée de la ville. Hosanna !

Mais que signifie cette acclamation ? Pour les israélites, qui entourent Jésus entrant dans la Cité ? Et pour nous aujourd’hui ? Pour les familles confinées dans leur petite « Jérusalem » familiale ? ou même pour les solitaires, les isolés ? Ou pour tant de prêtres, qui ne peuvent exercer leur ministère sacerdotal ?

« Hosanna ! » pourrait-il être pour vous le cri de détresse de citoyens incarcérés chez eux ? Ou le cri symbolique de colère, de catholiques spirituellement sous-nourris ? Ou celui des prêtres, qui ne peuvent exercer leur ministère sacerdotal, empêchés par la force publique ou par ordre de leur hiérarchie, d’assister les défunts ?

Alors, comprenons bien :

À l’origine, « Hosanna » est littéralement une parole de supplication : hôš`ah nà, « sauve-nous donc ! », « De grâce, aide-moi ! », « donne le salut ! ». Dans toute la vie d’Israël, le Seigneur a été celui qui sauve. Le Seigneur est Sauveur, le Seigneur vient donner le Salut. Dans les épreuves Israël crie et supplie.

Le Psaume 118 reflète bien cette ambiance : « Hosanna ! De grâce, Yahvé, donne le salut ! Hosanna ! De grâce, Yahvé, donne la victoire ! » (Ps 118, 25)

Nous qui avons tant besoin d’aide, nous qui avons tant besoin du salut, n’ayons pas honte de dire « Hosanna » ! De crier même de souffrance ou peut-être de colère attristée : « Hosanna ! »

« Hosanna, sauve-nous Seigneur » ! Dans cette crise, cette pagaille, cette incertitude, « Hosanna, de grâce, aide-nous Seigneur ». « Hosanna, de grâce, aide Seigneur, ceux qui sont seuls, ceux qui ont peur ! ». « Hosanna, de grâce, soutiens Seigneur, ceux qui meurent sans prêtre, sans aide ! ». « Hosanna, de grâce, fortifie, Seigneur, les soignants qui œuvrent pour sauver des vies ! ». « Hosanna, de grâce, soutiens ceux qui vont perdre leur emploi, devenir des pauvres ! ». « Hosanna, de grâce, aide Seigneur, tes prêtres, ceux qui ne peuvent pas accomplir leur ministère, accompagner les mourants et soutenir les familles en deuil ! ». « Hosanna, de grâce, aide, Seigneur, ces familles abandonnées, dont un proche est décédé et dont ils n’ont ni recueilli le dernier soupir, ni ne verront le visage de leur parent, avant que le cercueil se referme à jamais ! »

Mais acceptons d’aller plus loin, mes Amis. Le « Hosanna ! » contient d’autres leçons.

Lors de la fête des Tentes à Jérusalem, on faisait procession avec des palmes, on chantait des litanies avec des « Hosanna ! » comme refrain Qu’est-ce que le contexte de cette fête des Tentes, la fête des Cabanes, Sukkot ? Cette fête célébrait une demande suppliante pour la pluie. Mais plus encore le rappel des temps de l’Exode, où Dieu accompagnait son Peuple vers la Terre promise, vers le Salut. Ce temps où le Seigneur était présent, quand il venait sur la Tente de la Rencontre. Comprenons l’importance : Le Seigneur était présent. Il sauvait son peuple. La fête devenait aussi confiance, jubilation, action de grâce. Parce que c’était une certitude, parce que Dieu a maintes fois prouvé sa fidélité et sa puissance.

« Hosanna » était devenu un cri d’allégresse, un cri de victoire, de jubilation.

Le septième jour de cette fête des Tentes, les prêtres tournaient autour de l’autel de l’encens, sept fois, en suppliant pour la pluie, récitant ces « Hosanna ! » avec des litanies. On appelait ce jour-là, « Hosanna rabbâh », « Grand Hosanna ». On faisait procession avec des palmes, on chantait des litanies avec des Hosanna comme refrain.

Le Psaume 118 reflète bien cette ambiance, et il était chanté à cette fête :

« Voici le jour que fit Yahvé, pour nous allégresse et joie. Hosanna ! De grâce, Yahvé, donne le salut ! Hosanna ! De grâce, Yahvé, donne la victoire ! Béni soit au nom de Yahvé celui qui vient ! Nous vous bénissons de la maison de Yahvé. Yahvé est Dieu, il nous illumine. Serrez vos cortèges, rameaux en main, jusqu’aux cornes de l’autel » (Ps 118, 25-27)

Fête de lumière, qui est aussi une fête liturgique, où l’on employait des palmes en chantant des Hosanna.

C’était aussi une fête de lumière. Le parvis du Temple était tout illuminé, au dernier jour de la fête.

Nous comprenons mieux, mes Amis.

Cette fête célèbre aussi Jésus Christ, vraie Lumière donnée au monde.

De plus qui est le dernier « constructeur » des Tabernacles ? Qui est celui qui vient, aux derniers jours, pour accomplir cette fête ? Par l’Incarnation, Jésus est venu planter sa tente parmi nous, par son humanité. Il est là. Il a planté sa tente parmi nous. Il est toujours avec nous. Notre Hosanna peut devenir confiance et certitude de salut.

Les Juifs pieux, dans leur attente messianique, ne pouvaient que vibrer de façon spéciale en cette entrée de Jésus. Ils chantaient, rapporte l’Évangile : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » ; le « Hosanna ! » devient donc pour nous aujourd’hui un accomplissement dans le Christ. c’est une louange autant qu’un appel au Dieu qui sauve. C’est le Christ-Roi et prêtre qui entre dans Jérusalem. « Hosanna ! »

Jésus vient en Roi, aujourd’hui. Réquisitionner un animal, c’était en Israël un privilège royal. Jésus montre son autorité, il réquisitionne un âne. Un ânon. Il est roi. Mais un roi humble et pacifique.

Tout le texte de l’Évangile montre que Jésus veut réaliser une prophétie de Zacharie. Or que disait-elle ? Dieu promet le salut ; il parle d’un roi : « Voici que ton Roi vient à toi ; Il est juste, lui, et protégé de Dieu ; il est humble ; monté sur un âne, et sur un ânon, petit d’une ânesse » (Zc 9, 10). Ce roi ne se présente pas avec la puissance humaine, avec la force des armes ; ce n’est pas un roi qui dominerait par le pouvoir politique et militaire ; c’est un roi doux, qui règne par l’humilité et la clémence, face à Dieu et face aux hommes. Grâce à lui, « l’arc du combat sera détruit. Il parlera de paix aux nations ; sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. » Oui, c’est un roi si différent des souverains du monde. Il est, dit Zacharie, « humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse ».

Oui, Jésus réalise bien cette prophétie. Il entre en Roi dans Jérusalem, monté sur un ânon. Tous pouvaient comprendre. Ils connaissaient les Écritures.

Mes Amis, Jésus entre comme un roi pacifique et humble. Laissez-le entrer, aujourd’hui, en vos vies. En votre famille ; ou en votre solitude. Mais surtout vos cœurs Il vient pour apporter la paix. Une paix. Non pas une paix factice ou celle que nous aurons La-Haut. Une paix du cœur, cette certitude d’être aimé, d’être sauvé en espérance. Dans le temple de vos cœurs, il veut régner. Il peut régner et apporter sa paix

Hosanna ! Voilà, aujourd’hui, notre cri d’espérance, de confiance.

Le Carême est symboliquement un exode au désert. Mais cette année, c’est un « exode statique », un exode confiné. Mais vraiment au désert ! Le désert d’une pauvreté subie. Vous n’avez pas l’eucharistie, mais la manne. La manne ? Oui, celle des messes à l’écran par exemple ; la manne de nos vidéos, de nos messages. Comme les Israélites, vous risquez de vous en lasser ! Nous savons néanmoins que le Christ est avec nous, qu’il marche avec nous en ces temps incertains.

Ayons alors confiance. Notre Hosanna de supplication peut devenir aujourd’hui un Hosanna d’allégresse. Notre cri d’espérance, de confiance.

Il y a aussi une dimension eucharistique. Depuis les premiers siècles, le Hosanna a été intégré à la liturgie de l’Eucharistie. Jésus se donne en nourriture. Il est la nourriture des Chrétiens, pèlerins sur la route des difficultés, dans les déserts de nos exodes. Il vient à vous dans l’eucharistie, comme un roi humble, caché sous les apparences de pain et de vin. Dans le Sanctus qui précède la grande prière eucharistique, ce « Hosanna ! » a toute sa place. Il évoque ce Christ eucharistique qui vient à nous. « Benedictus qui venit in nomine Domini, Hosanna in excélcis ! 

Alors, nous direz-vous quelle souffrance surajoutée ! Nous ne pouvons communier ! Oui, mais cette communion de désir, vous pouvez la faire, de tout votre cœur ! Et le Seigneur donne sa grâce. Son salut. Dites, répétez aujourd’hui ce Hosanna ! Il faudrait que, lorsque l’assistance à la Messe sera à nouveau possible, notre Sanctus ne soit plus jamais le même. Mais un vrai chant d’attente joyeuse et de confiance – parfois douloureuse – mais sereine.

« Hosanna ! Seigneur qui vient nous sauver, donne-nous de vivre cette épreuve avec Toi !

Donne-nous de vivre ce temps « d’exode » en montant vers la Passion avec Toi, dans la fidélité ! »

« Hosanna ! Seigneur qui vient nous délivrer, de grâce, aide-nous à monter vers ta Pâque, certains de ta victoire ! »

« Hosanna ! Seigneur qui vient nous ressusciter, fais-nous goûter la joie d’être avec Toi des chrétiens transformés, renouvelés dans la vraie joie du cœur ! »

« Hosanna ! Vierge Marie, faites de nous des associés de votre Fils, fidèles à son Mystère, certains de son triomphe ! »

Amen !

Je vous redis ma religieuse amitié et ma prière fidèle.

+Emmanuel-Marie, Abbé
Abbaye Sainte-Marie de Lagrasse

© LA NEF, le 6 avril 2020, exclusivité internet