Chapelet en famille avec Aurélie et Cyprien © DR

Le chapelet, une révolution mariale

Le chapelet serait-il de retour dans les familles de France ? À l’heure où l’Église du monde entier fête l’Assomption de la Vierge Marie, et son entrée glorieuse dans le Ciel, la question se pose particulièrement en France, « Fille aînée de l’Église ». Tout au long des siècles, notre cher pays, qu’il soit une monarchie ou une république, a été particulièrement visité par Notre Dame. Rappelons ses six dernières apparitions, reconnues officiellement : la Médaille Miraculeuse à Paris, en 1830, La Salette en 1846, Lourdes, en 1858, Pontmain, en 1871, Pellevoisin en 1876 et L’Ile-Bouchard en 1947. Marie nous demande, à chaque fois, de nous convertir, de prier, de réparer, de faire des sacrifices, et, de faire connaître Son Fils Miséricordieux. À l’heure où le soleil brûlant d’été nous rappelle, aussi, que nous sommes dans le temps de Fatima, nous avons voulu en savoir plus sur cette prière du chapelet. Dans le TGV, sur les rails des vacances, nous avons croisé des familles qui le priaient en toute discrétion. Interview croisée sur le chapelet et la prière en famille : une révolution mariale !

Anja et Paul, vous êtes frère et sœur, et, vous priez le chapelet ensemble, même dans le TGV ! Pouvez-vous vous présenter ?

Anja : J’ai 24 ans, et, je suis la 4ème d’une famille de 6 enfants. Après des études en école de commerce, j’ai commencé tout de suite à travailler. Concernant ma spiritualité, je vis ma foi en préservant mes relations personnelles avec Dieu. Je vais à Montmartre adorer. Je vais aux louanges, aux messes dominicales, et, en semaine. Je suis engagée dans différents mouvements du Chemin Neuf. Je suis bénévole au sein de l’association À Bras Ouverts, qui s’occupe de personnes handicapées. Et, je suis impliquée dans la pastorale nationale des jeunes professionnels avec le père Vincent Breynaert, du Chemin Neuf. 

Paul : Je suis le petit dernier. J’ai 19 ans, et, je sors d’une classe préparatoire filière MP (Maths-Physique). Ma mère m’a éduqué dans la foi catholique. Je me la suis appropriée, et, je la vis, notamment, en m’engageant dans ma paroisse dans les services liturgiques, et lors des maraudes, pour aller à la rencontre des personnes SDF.

Anja et Paul © DR.

Votre papa ne croit pas, et, votre maman s’est convertie. Est-ce que c’est difficile de vivre sa foi, dans ce contexte ?

Anja : J’ai pu vivre ma foi et nourrir ma relation avec Dieu en étant entourée de religieux, de mouvements de jeunes, d’amis, et, de mes frères et sœurs. Il me semble essentiel pour moi de la vivifier en étant avec d’autres et de la partager. « Quand 2 ou 3 sont réunis en mon nom, Je suis au milieu d’eux », nous dit Jésus. La foi est vivante. Et, elle est aussi personnelle, d’où mes cœurs-à-cœurs avec Jésus. J’essaie, aussi, de me former, de lire le plus possible la vie de saints, de suivre les enseignements et les messages du Pape et des évêques.

Paul : Comme on est tous catholiques, sauf mon père, il est parfois difficile de vivre sa foi. Mais, nous y arrivons !

Comment vivez-vous la prière du chapelet ? Certains parents qui sont engagés dans l’Église se refusent à prier le chapelet en famille, qu’en pensez-vous ?

Anja : En toute simplicité, Paul prie bien plus le chapelet que moi. C’est lui qui me l’a proposé. Lors de mes prières quotidiennes, je suis plutôt entrain à parler au Seigneur, à Le remercier, à Lui demander des grâces, à Lui raconter et Lui confier ma journée. Je lis aussi les textes du jour, car le Seigneur nous parle à travers eux. Le chapelet est aussi une très belle prière, qui nous permet de redire au Seigneur que nous croyons en lui, et, de réciter les deux prières du Notre père et du Je vous salue Marie. Je pense que nous sous-estimons la force du chapelet. D’autant plus que Marie, Elle-même, nous le demande lors de Ses apparitions.

Paul : Quand on est entre frères et sœurs et avec ma mère, on n’hésite pas à prier le chapelet. Je me souviens, notamment, que lorsque j’avais entre 7 et 9 ans, ma mère nous faisait l’école à la maison à mon frère et moi. Nous allions prier le chapelet, organisé par notre paroisse plusieurs fois par semaine. Je trouve ça dommage de ne pas prier le chapelet en famille parce que le chapelet est, vraiment, une aide précieuse pour soutenir notre foi.

Aurélie et Cyprien, vous priez en couple et vous priez aussi le chapelet. C’est rare. Comment en êtes-vous arrivés-là ?

Avant notre mariage en 2013, nous étions étudiants, et, même si nous venions de familles catholiques, nous ne pratiquions pas du tout. C’est depuis 2013 que nous avons décidé de reconstruire et de fortifier notre vie de foi. C’est, aussi, en pensant à la transmission de la foi à nos futurs enfants, qu’il nous est apparu évident qu’il serait impossible de les rendre pieux sans l’être nous-même. Nous avons, donc, progressivement repris la messe tous les dimanches et fêtes, la bénédiction de la table, la confession régulière, la prière en couple et en famille, les retraites le week-end et en vacances, etc. C’est récemment que nous avons réussi à passer le pas du chapelet quotidien.

Des chrétiens disent : « je n’aime pas le chapelet, c’est répétitif ». Qu’en pensez-vous ? 

Cyprien : Je suis d’accord sur le fait que c’est répétitif, mais c’est bien là son avantage. Nous n’avons pas nécessairement à nous concentrer sur ce que nous avons à dire, mais sur le sens des paroles que nous prononçons, les mystères médités, et, les intentions que nous portons dans notre prière. L’oraison dominicale et la salutation angélique sont des prières d’une simplicité et d’une profondeur infinies, qui nous fournissent à chaque récitation des questions et des inspirations nouvelles.

Aurélie : J’ai toujours vu mes grands-mères réciter le chapelet et je ne comprenais pas du tout à l’époque l’intérêt de répéter la même prière ! Pour ma part, c’est en m’intéressant aux messages de la Vierge lors de Ses apparitions ou à travers les saints que j’ai mesuré la puissance du chapelet. Marie demande cette prière aux familles.

Quels conseils donneriez-vous aux couples qui n’osent pas prier le chapelet ensemble ? 

Cyprien : Lisez les récits des apparitions mariales, en particulier Fatima, Lourdes et la Salette. La Sainte Vierge y est très claire à ce sujet.

Aurélie : Commencez par des petits pas, pourquoi pas une dizaine au début, comme lorsque la Vierge Marie l’a enseigné aux enfants de L’Ile Bouchard. C’est comme cela que dans notre famille nous avons réussi au fur-et-à-mesure à prier le chapelet entier. Pour le faire avec nos enfants qui ont 5, 3 et 1 an, nous leur permettons de lire près de nous lorsque nous prions. Et nous sommes à chaque fois heureux de voir que notre fils de 5 ans aime beaucoup participer. Il lui arrive, même maintenant, de faire une ou deux dizaines tout seul, et, avec sa petite sœur.

Parlons d’un autre sujet, qui est lié à la prière du chapelet. De plus en plus, la famille est attaquée par l’avortement, le divorce, l’euthanasie, le mariage pour tous, maintenant la PMA. On entend de moins en moins les chrétiens sur ces sujets. Le relativisme et l’apostasie semblent bien ancrés dans notre pays, est-ce que la prière du chapelet peut faire barrage à tous ces maux ?

Cyprien : Malheureusement, la République assume parfaitement le fait que les lois iniques, que vous évoquez, ne sont que la cristallisation de notre vie sociétale. Cela fait, d’ailleurs, toujours partie de leurs arguments principaux. En effet, d’après eux, c’est parce qu’il y avait beaucoup d’avortements illégaux que l’on devait les légaliser. C’est parce que les conjoints ne s’aimaient plus, qu’il fallait qu’ils divorcent. Que les personnes âgées et les malades étaient malheureux, qu’il fallait les éliminer. Que les homosexuels existaient, qu’il fallait les marier. Et, la dernière loi bioéthique est pour eux un rattrapage du retard que nous avons sur nos voisins européens. Selon moi, la famille « réelle » est démolie par des travers plus insidieux, qui s’infusent dans toute la société par la publicité et les divertissements : l’incitation à l’hédonisme, à l’individualisme, des propositions de divertissements surabondants, la banalisation de la pornographie et de l’infidélité, la déconstruction du modèle familial traditionnel, l’encouragement à la mobilité professionnelle, la polarisation de tous les débats, les ruptures générationnelles, l’idéologie égalitariste.

Aurélie : Lorsqu’on connaît le message de la Bible, on sait que le Mal a beaucoup de puissance sur Terre et que le monde ira de plus en plus mal. Savoir cela me permet de relativiser et aussi de garder l’espérance, car on sait qu’à la fin le Christ reviendra. C’est Lui le Sauveur, le grand Vainqueur. Et Marie prépare Son retour. C’est pour cela que le chapelet me paraît essentiel.

Anja : Le Christ a déjà vaincu la mort ! Alors gardons l’espérance. Je dis cela et pourtant je suis la première à être profondément peinée et malheureuse de notre monde où l’Amour et la Vie semblent être absents. Tout d’abord, restons des exemples, témoignons par notre vie et nos actes. Et, demandons au Seigneur et à la Sainte Vierge de venir éclairer les cœurs des hommes.

Paul : Il est vrai que le monde semble devenir fou, et, le doute sur sa capacité à reprendre le droit chemin peut venir très rapidement mais comme le rappelle ma sœur, Dieu est plus fort que le mal. Ainsi la prière est indispensable pour se relever. Par ailleurs, en ce qui concerne la France, en tant que « Fille aînée de l’Église », le chapelet est d’autant plus indiqué.  

Nous allons fêter l’Assomption. Est-ce que c’est pour vous une fête importante à vivre en famille ? Et, de quel sanctuaire marial êtes-vous le plus proche ?

Aurélie : C’est lorsque je suis devenue mère que je me suis rapprochée spirituellement de la Vierge. Cette fête a une saveur particulière pour moi et j’essaie de la transmettre à mes enfants. Mon mari, étant né le 13 mai, m’a permis de découvrir les belles apparitions de la Vierge à Fatima. Je suis, particulièrement, touchée par la dévotion des 5 premiers samedis, même si je n’ai pas encore réussi à la vivre pleinement.

Anja : La fête de l’Assomption est une de mes fêtes préférées. J’ai une dévotion toute particulière à la Sainte Vierge qui m’a montré l’Amour de Dieu lors d’une période difficile que je traversais, et, durant laquelle j’avais besoin de vivre la paix du Seigneur. Le lieu dans lequel je vais très souvent est la chapelle de la Médaille Miraculeuse.  La chapelle est si belle et j’aime m’entretenir avec Marie au pied de l’autel. Je lui redis, ô combien, je lui fais confiance et je lui demande de me guider.

Vous êtes, actuellement, tous en vacances. Est-ce que vous mettez Dieu sur pause ? Que recommandez-vous ?

Paul : Il peut paraître, certes, tentant de mettre Dieu sur pause et de se prélasser au soleil ou devant des bons films, mais on se rend compte très rapidement que cela ne rend pas heureux. Il est donc important de continuer notre vie spirituelle, et, même de profiter du temps libre pour l’approfondir en allant à la messe, en récitant le chapelet et en prenant du temps d’oraison le plus sur possible. Pour les jeunes qui ne croient pas mais qui vivent un questionnement intérieur, je pense que les prêtres sont en mesure de les aider. Il y a de très bons camps organisés pour nous, les jeunes. Pour ne pas mettre Dieu en vacances, il faut une foi vivante. Il faut un engagement personnel.

Anja : Lors de mes vacances, j’ai beaucoup plus de temps pour échanger avec Dieu. J’essaye d’aller à la messe quotidienne, ma prière est plus personnelle. Je loue Dieu face à la beauté de la nature. Je recommanderais aux jeunes d’aller dans les aumôneries, des groupes, et, de rencontrer d’autres jeunes pour vivre à plusieurs la foi. L’objectif est de vivre, aussi, de belles amitiés qui nous aident à aimer encore plus le Seigneur. Je me rappelle en 2016 avoir vécu les JMJ en Pologne, pendant mes vacances. J’ai vécu des moments inoubliables de joie pour rendre ma foi encore plus vivante.

Aurélie : Quand on est parti pour les vacances je ne savais pas du tout si on pourrait garder notre rythme de prière. Mais en confiant tout cela au Seigneur, je me rends compte qu’Il nous offre chaque jour la possibilité de faire notre prière familiale. En bonus, nous avons prié, plusieurs fois, le chapelet avec nos amis. C’est une vraie grâce et une joie réelle !

Cyprien : Oui, les vacances nous permettent de donner plus de temps pour prier chaque jour. En ce qui nous concerne, sur nos deux semaines de vacances, nous en passons une en retraite dans un monastère. Nous en profitons, aussi, face aux difficultés relationnelles en couple et en famille, de confier notre couple, nos amis, toutes les familles à Marie et à Saint Joseph. La Sainte Famille reste un modèle. Nous allons, d’ailleurs, nous préparer à vivre la fête de l’Assomption en demandant à Marie de nous combler de Ses grâces. Nous prions, aussi, pour que le chapelet soit prié partout.

Interview réalisée par Antoine BORDIER

© LA NEF le 14 août 2020, exclusivité internet.