Depuis un an, on parle beaucoup de l’Ukraine et de Monsieur Poutine, mais un autre pays – bien plus peuplé et bien plus riche que la Russie – devrait nous inquiéter.
Ainsi, en ce qui concerne Taïwan, la Chine n’a nullement renoncé à mettre la main sur l’île. Le PCC a décidé d’inclure pour la première fois dans sa charte son opposition à l’indépendance de Taïwan. Xi Jinping a réaffirmé sa détermination à accomplir la « réunification », brandissant la menace d’une opération militaire. Depuis la mort de Mao, aucun dirigeant chinois ne s’était montré aussi déterminé sur la question taïwanaise.
De plus, dans tous les pays occidentaux, la Chine développe de puissants réseaux d’espionnage politique, économique et industriel. Le Canada a ainsi accueilli de très nombreux étudiants chinois. Mais il s’est aperçu que beaucoup d’entre eux étaient des espions chargés de surveiller la communauté chinoise et d’intimider les opposants, de diffuser la propagande du régime chinois dans la société canadienne et de piller les secrets scientifiques et industriels des universités, des entreprises et des laboratoires canadiens. De même, on a découvert récemment que la Chine avait implanté clandestinement au moins une cinquantaine de commissariats de police secrets dans vingt-neuf pays étrangers. En dehors de tout cadre légal, il y a ainsi huit postes de police chinois clandestins en Espagne, quatre en Italie, trois en France, plusieurs au Canada… Leur mission ? Surveiller et traquer les opposants.
Or, la France est devenue totalement dépendante économiquement du géant chinois. Nous affichons un déficit commercial annuel de 30 milliards d’euros. Avec ce chiffre, la Chine est le premier déficit commercial bilatéral de la France. Il suffit d’ailleurs de se promener dans un supermarché et de regarder les étiquettes des produits pour s’en rendre compte. Vêtements, électroniques, électroménager, articles de bricolage, meubles en kit… tout est « Made in China ». Made in China. Le bloc multiprises, les masques chirurgicaux et le radio-réveil ? Made in China. Autant d’emplois et de savoir-faire français détruits. Autant d’argent qui part de notre porte-monnaie vers les coffres-forts chinois. Autant de produits de mauvaise qualité, peu fiables et peu durables, qui contribuent au déclin général et à la baisse de la qualité de vie. Même les sympathiques « Phryges » – les mascottes des JO de Paris en 2024 – vont être fabriquées en Chine, car la France n’a plus les capacités industrielles de les produire ! Le symbole de la liberté et de notre histoire (la mascotte est un bonnet phrygien) va donc être produit par des ouvriers surexploités dans un régime totalitaire.
La concurrence chinoise détruit méthodiquement le tissu économique et social français. Désindustrialisation, fermetures d’usines, destruction d’emplois et chômage de masse, déficit commercial sidérant… tout cela nous appauvrit, tiers-mondise le pays et met en péril le financement de notre protection sociale. La violente crise des Gilets jaunes, fruit du désespoir d’une partie de la population, est une conséquence directe de ce nouveau modèle économique où des esclaves produisent en Chine ce que des chômeurs et des précaires consomment en France.
Un péril stratégique
Avoir abandonné notre production à la Chine joue aujourd’hui un rôle majeur dans la période d’inflation que nous traversons. Pendant des années, on nous a répété que produire en Chine ferait baisser les prix, au bénéfice du consommateur occidental. C’était vrai. On oubliait simplement de préciser que le consommateur était aussi un producteur et que la concurrence chinoise, si elle lui permettait de payer moins cher, détruisait son emploi. Mais depuis 2020, le ralentissement de l’économie chinoise, la baisse de sa démographie et la fermeture de la Chine sur elle-même pour cause de Covid (avec un certain nombre de ports et d’usines qui tournent au ralenti) font bondir les prix.
Enfin, la dépendance économique à la Chine constitue un péril stratégique. C’est une véritable folie que de faire produire nos biens (y compris nos vêtements et nos médicaments !) par un pays aussi éloigné géographiquement et culturellement, aussi agressif et hostile sur le plan géopolitique, aussi brutal sur le plan des libertés. Que ce pays connaisse demain une pénurie interne, il gardera ce qu’il produit pour sa propre population. Par le commerce, la Chine dispose d’un énorme moyen de chantage contre nous. Si la Chine envahit Taïwan et si nous nous y opposons, nous pourrions très bien être punis en nous retrouvant avec des rayons de supermarché vides… Avec trente milliards de déficit commercial, que fera la France si demain la Chine attaque Taïwan ? Ce sera un choc géopolitique et économique infiniment plus dur que le Covid ou la guerre en Ukraine.
Face à cette situation alarmante, il est urgent de rapatrier notre production sur le sol national et de nous extraire de la dépendance chinoise. Quoi qu’il en coûte. Pourtant, cette question vitale n’a pas été abordée à la dernière élection présidentielle…
Jean-Loup Bonnamy
© LA NEF n° 357 Avril 2023