«Si Dieu est bon, pourquoi tant de misères et tant de violence dans le monde ? » La question revient sans cesse comme un reproche, une accusation. Et on demande aux chrétiens si leur Dieu est impuissant face au mal, ou pire, s’il est compromis avec lui, laissant les hommes trébucher et souffrir. Si nous nous efforçons de rappeler que notre Dieu est toute tendresse et qu’il n’a pas fait la souffrance qui abîme sa création, sommes-nous pour autant paisibles face à cette question de la souffrance et du mal ? Qui ne s’est jamais interrogé sur le silence de Dieu dans les épreuves ? Sur cette incapacité à prier quand nous sommes confrontés à la maladie ou à l’injustice ? Sur l’absurdité de la mort d’un enfant ? À ces cœurs souffrants qui cherchent Dieu dans les ténèbres, Bénédicte Delelis a souhaité apporter quelques lumières, quelques pistes, dans sa Lettre à ceux qui attendent la consolation. « Cette question du mal est capitale parce que les souffrants sont la priorité du Seigneur, explique-t-elle. L’idée de ce petit livre n’était pas de spiritualiser la question du mal pour la légitimer ou la contourner mais de s’interroger sur l’action de Dieu dans les moments les plus douloureux de la vie. » En recueillant les confidences d’amis et en fouillant dans la vie des saints, une vérité s’est imposée à elle : la douleur, aussi incompréhensible soit-elle, peut devenir un lieu de grâce. Un lieu où Dieu agit. « Dieu se tient avec l’innocent malade ou persécuté, écrit-elle. Il ne le quitte pas d’une semelle. Et son art, c’est de transformer un mal objectif, qu’Il ne voulait pas, en un bien plus grand. » Avec une délicatesse infinie et une justesse de ton, cette jeune théologienne, enseignante au collège des Bernardins, dévoile le trésor que peut être la foi dans la peine la plus profonde. « Croire en Dieu ne supprime pas la souffrance, personne n’est épargné, mais la foi me fait prendre conscience que je ne suis plus seule, Il est là et sa seule présence transforme ma nuit en lumière, confie-t-elle. Il est là, Il m’aime, et ça change tout. »
Bénédicte Delelis maîtrise à la perfection l’art de rejoindre son lecteur avec une immense douceur et de lui ouvrir des fenêtres d’espérance. Déjà dans sa Lettre aux mamans, publiée un an plus tôt, elle transformait le quotidien des mères, fait de gestes aussi ennuyeux que répétitifs, en piste de décollage pour le Ciel. « Le “ceci est mon corps” d’une mère n’est pas une réalité sublime comme la femme martyre qui va en chantant se faire dévorer par les lions, écrivait-elle. C’est un don de soi à petit feu, qui consiste à être mangée miette par miette, en pliant du linge, tressant des cheveux, laçant des souliers, se laissant surtout déranger, bousculer sans vergogne. N’est-ce pas cela le plus difficile ? »
À travers l’épreuve de la souffrance ou dans l’accomplissement d’un devoir d’état aride, existent une voie de Salut, un chemin de joie, une occasion de rencontre avec le Christ. « Je pressens que c’est cela que nous ne devons pas manquer, conclut Bénédicte. Dieu peut agir dans nos vies à la seule condition que nous acceptions d’être pauvres, secs, découragés, et que nous renoncions à l’idée d’être forts à tout prix. La seule chose que nous avons à faire c’est lever les yeux et attendre la lumière qui viendra, et elle viendra c’est certain. Dieu ne nous abandonne jamais. »
Marine Tertrais
- Lettre à ceux qui attendent la consolation, Mame, 2023, 104 pages, 12,90 €.
- Lettre aux mamans, Mame, 2022, 96 pages, 12,90 €.
© LA NEF n° 357 Avril 2023