Cinéma Juin 2024

La petite vadrouille

(5 juin)

Cadre d’une grande société, Justine (Sandrine Kiberlain) reçoit de son patron (Daniel Auteuil) une liasse de billets pour lui organiser un week-end de rêve avec la femme qu’il convoite. Avec ses amis, qui font semblant de ne pas se connaître, Justine conçoit un inoubliable voyage en péniche sur les canaux. Tout serait parfait sans son mari jaloux (Denys Podalydes).
Une pose de délicieuse détente, au sein d’une nature débordante de charmes, loin de tous les miasmes vulgaires et violents qui se déversent continuellement sur nos trottoirs et nos écrans, qui n’en voudrait ? C’est ce qu’offre l’aimable Bruno Podalydes dans son douzième long métrage, vaudeville fluvial qui sent bon la France par son esprit piquant, sa campagne rêveuse et ses chansons qu’on reprend en chœur. L’inspiration du film est moins La grande vadrouille que To be or not be. C’est un comique de caractère, où d’exquis comédiens – les habitués de Podalydes – rivalisent d’exactitude comique, avec une fois encore une mention spéciale à Sandrine Kiberlain, qui joue admirablement les vertueuses épouses masquées en coquettes à patron.
Les seconds rôles, aux personnages délicatement clownesques, ajoutent à la drôlerie générale que ponctuent encore des accessoires hilarants (un QRcode pour les pourboires, un canapé gonflable de pique-nique, etc.). À part les quelques plages de quiète navigation fluviale on a un éclat de rire environ toutes les 17 secondes. Magnifique pied de nez au cinéma français majoritaire, élitiste ou vulgaire.

Le cercle des neiges

(Netflix)

Le 13 octobre 1972, l’avion uruguayen FH-227 à destination du Chili s’écrase dans les Andes. Sur les 45 personnes à bord, 17 meurent dans l’accident et 12 autres dans les 72 jours d’attente des secours. Isolés à 3600 mètres d’altitude, dans le froid, sans nourriture, les survivants se résolvent à manger les corps des morts.
Cette aventure extraordinaire, connue comme le « miracle des Andes », a déjà été racontée dans dix livres et quatre films. Un seul film ne peut épuiser un grand sujet et le réalisateur espagnol Juan Antonio Bayona a conscience de tenir un tel sujet. Il prend les moyens d’en faire un grand film, renversant, aidé par son puissant producteur Netflix, seul à le diffuser sur sa plateforme. Il tourne sur les lieux mêmes du drame, sublimes, au cœur des Andes. Le film pose à nouveau la question : que penser de l’anthropophagie des survivants ? On connaît la réponse des autorités ecclésiastiques, absolutoire, comme sera celle, après une hésitation, de Paul VI ou celle du pape François. On apprécie aussi le regard sans voyeurisme du cinéaste, qui ne nomme pas les victimes involontaires et qui salue, en revanche, ceux qui donnent d’eux-mêmes leur dépouille aux survivants. Pour leur défense, ceux-ci, catholiques, compareront ce don à celui du Christ donnant son corps à manger.

François Maximin

© LA NEF n° 370 Juin 2024