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Fiançailles, une chance à saisir

Le Père Jean-Baptiste, chanoine de l’abbaye de Lagrasse, vient de publier un livre fort utile sur les fiançailles, occasion de revenir sur ce temps important de préparation en amont du mariage.

Pour préparer ses enfants au sacrement du mariage, l’Église catholique ne donne pas de « kit de préparation clés en main » aux évêques, prêtres, diacres et laïcs. Certes elle donne de nombreuses indications tant au niveau romain (exhortations apostoliques post-synodales telles que Familiaris consortio ou Amoris laetitia) qu’au niveau national (Directoires ou Orientations des conférences des évêques), mais chacun reste libre de créer ou de suivre le parcours qui lui semble le meilleur et le plus adapté aux personnes qu’il est appelé à accompagner.

Enseignement et discernement

Préparer au mariage ce n’est pas seulement donner des connaissances aux fiancés, c’est aussi les aider à discerner leur vocation (1). Ce point est central. Une tentation serait de penser qu’à partir du moment où les fiancés « ont la tête bien pleine », leur cœur est prêt au mariage et donc que tout ira bien dans leur foyer. C’est un leurre. Il ne suffit pas d’instruire les fiancés en leur faisant lire des encycliques sur le thème du mariage et de la sexualité ; il faut les aider à discerner s’ils sont faits l’un pour l’autre, s’ils sont capables de se marier pour la vie et de mener jusqu’au bout un projet familial commun. En ce sens, aucun livre ne remplacera un bon accompagnement par un prêtre et par un ou plusieurs couples de personnes mariées. Le regard croisé de plusieurs états de vie, qui collaborent dans l’accompagnement des fiancés, s’avère immensément précieux. Néanmoins un bon livre peut aider les fiancés à se poser de bonnes questions et les accompagnateurs à améliorer leurs connaissances et leur pratique.

Aider au discernement

Pour le dire de façon imagée : « le mariage c’est comme une omelette : pour faire une bonne omelette, il faut deux bons œufs de poules. » Que les mères de famille me pardonnent cette métaphore car je ne les considère pas comme des gallinacés et encore moins comme des « poulettes »… Dans la perspective d’un mariage réussi, il s’agira donc de vérifier la qualité des deux œufs de poule que sont les fiancés. Chaque fiancé cherche à mieux connaître son futur conjoint et il doit vérifier sa solidité : physique, psychologique et spirituelle. Il convient de confronter les histoires de chacune des familles, de chacune des personnes, en portant une attention toute particulière à l’équilibre psychologique des fiancés. Il y a des personnes qui veulent se marier mais qui ne peuvent pas se marier parce qu’elles en sont humainement incapables. Sans faute morale de leur part. C’est triste mais c’est une réalité.

Selon moi, l’apport essentiel et bénéfique du récent livre du Père Jean-Baptiste Golfier (2), de l’abbaye de Lagrasse, est notamment l’aide au discernement. Pour pouvoir se marier validement il faut en effet être capable de réaliser un véritable échange de consentements : comprendre, vouloir et faire (s’engager) ; ou encore : savoir, vouloir et pouvoir. Cela nécessite une capacité psychique adéquate, en particulier une maturité humaine suffisante. Ainsi il est bon, par exemple, que les fiancés se demandent s’ils sont dominés dans leur décision de se marier par le désir du bonheur de l’être aimé ou par le regard des autres et la recherche de leur propre plaisir, ou encore s’ils sont capables de souffrir par amour pour leur futur conjoint ou non. À la suite du cardinal Wojtyla, futur saint Jean-Paul II (3), il est nécessaire de faire attention aux étapes de maturation d’un véritable amour humain : sympathie réciproque (amour de complaisance), état amoureux (attrait ou amour de concupiscence), amitié (amour de bienveillance), amour sponsal (capacité à donner sa personne à son conjoint). Ce que Benoît XVI synthétisera à sa manière à travers la progression et l’approfondissement de l’amour humain : eros, philia, agapè (4). Il est encore opportun de vérifier la capacité critique suffisante des fiancés : est-ce qu’ils comprennent bien à quoi ils s’engagent ? Est-ce qu’ils choisissent bien le mariage, et le mariage avec telle personne ? Est-ce qu’ils ont bien délibéré avant de choisir et de se choisir ? En sont-ils capables ? Qu’est-ce qui domine en eux : les passions, la raison, la volonté ? Est-ce que chacun de ces éléments est à sa juste place ? Les fiancés souffrent-ils d’une grave immaturité affective ? Sont-ils dominés par leurs émotions ? Pourront-ils assumer leurs obligations matrimoniales d’époux et, potentiellement, de parents ?

Les familles comme aide au discernement

Parmi les personnes qui peuvent aider au discernement figurent les parents des fiancés et parfois leurs frères et sœurs, leurs très proches amis ou futurs témoins. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce sont ces personnes que les juges ecclésiastiques interrogent le plus souvent lors des « procès en invalidité de mariage »… Plutôt que de les interroger après un douloureux échec, il serait bon de les interroger avant un engagement (ou un pseudo-engagement). Les familles des fiancés ne sont pas toujours « des adversaires polluant un discernement et entravant un engagement », mais plutôt, bien souvent, de bonnes sources de conseils avisés et prudents (cf. p 22 et 25 du livre du Père Golfier). Bien évidemment les parents ne choisissent pas à la place de leurs enfants puisque ceux-ci sont supposés être devenus matures dans leur jugement. Enfin, n’oublions pas que les fiancés n’épousent pas la famille de leur futur conjoint (ni son beau-père, ni sa belle-mère, ni son beau-frère, ni sa belle-sœur) même s’ils rentrent, pour une part, dans une nouvelle famille.

L’accompagnement des premières années de mariage

En tout état de cause, les meilleures fiançailles ne dispenseront pas l’Église de continuer à accompagner les jeunes époux lors de leurs premières années de mariage (5). « Il s’avère indispensable d’accompagner les premières années de la vie matrimoniale pour enrichir et approfondir la décision consciente et libre de s’appartenir et de s’aimer jusqu’à la fin » (Amoris laetitia, 217). Le mariage naît de l’échange des consentements mais il se construit jour après jour, avec la grâce du Seigneur, par de multiples efforts humains.

Abbé Laurent Spriet

(1) « La décision de se marier et de fonder une famille doit être le fruit d’un discernement vocationnel » (Amoris laetitia, 72).
(2) Père Jean-Baptiste Golfier, Les fiançailles. Une chance pour tous les couples, Salvator, 2024, 272 pages, 20 €.
(3) Cf. Karol Wojtyla, Amour et responsabilité, Stock, 1985, p 79-89.
(4) Benoît XVI, Deus Caritas est, 25 décembre 2005, n 5-18.
(5) Cf. Père François Potez, Puisque vous avez décidé de vous aimer… Conseils pour les premières années de mariage, Mame, 2024, 236 pages, 15,90 € (cf. recension de ce livre dans nos pages Culture p. 40-41).

  • Père Jean-Baptiste Golfier, Les fiançailles. Une chance pour tous les couples, Salvator, 2024, 272 pages, 20 €. Un livre pour tous ceux qui veulent approfondir le sens des fiançailles et explorer les opportunités qu’offre ce temps quand il est bien compris.

© LA NEF n° 369 Mai 202