Cinéma Octobre 2024

Libres

(2 octobre 2024)

Plongée au cœur de la vie contemplative, ce film est composé uniquement des témoignages de moines et moniales, qui expliquent de façon directe et claire pourquoi et comment ils ont pu renoncer à une vie extérieure pour une vie de plénitude intérieure. Le réalisateur espagnol Santos Blanco était ému par la situation très précaire des contemplatifs, causée par la crise du Covid, en 2020. Après avoir vécu quatre journées dans un monastère, il a fait des recherches sur cette vie cachée, recherches étendues puisque douze monastères, d’hommes et de femmes, ont ouvert leurs portes à sa caméra. Un second rythme est apporté par des décors de nature, campagne ou mer, que couronne une remarquable musique originale, rare dans une production modeste. Le véritable intérêt est bien sûr dans les paroles de ces êtres tout donnés à Dieu, qui disent avec une émouvante franchise la vérité sans fard de leur vie, incompréhensible à la plupart, et en même temps tellement enviable en ce qu’elle rayonne de vérité. Chacun de ces récits frappe par son authenticité et son originalité, par exemple la confession de ce moine truculent qui évoque sa passion de jeunesse pour le heavy metal et sa dérive dans l’occultisme et le satanisme. Cette vérité vécue a pour corollaire la grande liberté intérieure de tous ces religieux.

Les Graines du figuier sauvage

(18 septembre 2024)

Couronné de plusieurs prix à Cannes, ce film iranien de Mohammad Rasoulof est un drame puissant et un manifeste politique d’un indéniable courage. Ayant déjà fait cinq années de prison, Rasoulof n’hésite pas à braver encore le régime des mollahs.
C’est l’histoire d’une famille de Téhéran où les parents ont toute l’affection de leurs filles étudiantes. Mais tandis que le père, membre du tribunal révolutionnaire, vient d’être promu, les filles sont gagnées par la fièvre protestataire qui agite la société, notamment le mouvement des Iraniennes « Femme, Vie, Liberté ». Un mouvement qui pourrait être comme les graines du figuier sauvage, qui germent dans un autre arbre jusqu’à l’étouffer. Rasoulof intègre des bandes d’actualité des manifestations de 2022, sauvagement réprimées, ce qui est la dénonciation la plus efficace du régime. Soutenu par Najmeh, sa femme soumise (Soheila Golestani) qui cherche désespérément à faire rentrer ses filles dans le rang, le père, Iman (Misagh Zare), est déchiré entre sa loyauté au système et ses scrupules d’être un agent de la répression. Dans cette tourmente, il commet l’impardonnable : il égare son arme. Serait-ce une des trois femmes de sa maison qui l’a prise ? C’est le point de bascule de ce long film (trois heures) qui fait entrer dans un drame de la confiance et du soupçon d’une extraordinaire acuité. Tout emporte le spectateur dans ce film dont la grandeur se voit encore à la trace qu’il laisse dans l’esprit.

François Maximin

© LA NEF n°373 Octobre 2024