Le 27 septembre 2024 s’est achevé le synode sur la synodalité. Avec une messe solennelle à la basilique Saint-Pierre. Et un geste sans précédent : la décision du pape François de ne pas publier une lettre apostolique post-synodale mais de promulguer le document final voté par les délégués synodaux. Pourtant, et alors que ce processus a duré trois années entières (autant que Vatican II) et était censé mobiliser l’univers catholique dans son entier, beaucoup déjà n’hésitent pas à y voir un non-événement.
D’abord, un non-événement médiatique. Sur le 1,4 milliard de catholiques dans le monde, il n’en est sans doute pas un pour cent qui ait entendu parler de ce synode, a fortiori ait lu une ligne consacrée à celui-ci. Sur les quelques milliers qui ont fait l’effort louable de consulter les documents successifs produits pendant ces trois interminables années, bien peu sont parvenus – parlons franchement – à percer le mystère de ce fameux concept de « synodalité » et surtout de sa traduction concrète. Et sur les quelques dizaines qui ont été associés à la rédaction de ces documents, il est à parier que plusieurs d’entre eux n’aient pas parfaitement compris la portée de leurs propos. Ajoutons à cela une stricte consigne de confidentialité, sans précédent dans l’histoire des précédents synodes, qui faisait interdiction aux délégués synodaux de relater à l’extérieur le contenu des discussions. Bref, à l’aune de l’agenda médiatique, le synode sur la synodalité, pourtant destiné à être « le début d’une nouvelle manière d’être Église » (sic), a fait bien pâle figure.
Ensuite, un non-événement théologique. Contrairement aux attentes des uns et aux craintes des autres, le synode n’a abouti à aucun bouleversement. Une des raisons en est que le pape a décidé en mars 2024 d’évacuer l’ensemble des sujets sensibles des débats synodaux et de les confier à dix groupes de travail. Et qu’il ne s’est pas privé, d’une manière d’ailleurs bien peu synodale, de trancher seul plusieurs d’entre eux, par exemple en marquant explicitement son opposition à l’ouverture des ministères ordonnés aux femmes (1) ou en acceptant que des couples de même sexe puissent être bénis (2). Ainsi, le document final se contente, sur cette question du rôle des femmes, d’une vague déclaration qui n’engage à rien (« La question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste également ouverte et le discernement à ce sujet doit se poursuivre »). Quant au thème décisif de la décentralisation doctrinale au niveau des conférences épiscopales, poussé par les évêques allemands, il est proprement neutralisé : « le statut théologique et canonique des conférences épiscopales […] devra être mieux clarifié afin de pouvoir expliciter leur potentiel pour le développement d’une Église synodale. »
Symptôme de la crise
Non-événement à première vue, le synode sur la synodalité n’en mérite pas moins une certaine attention. Non pas parce qu’il serait le signe d’une Église qui entend véritablement consacrer la diversité en son sein – les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle savent désormais parfaitement à quoi s’en tenir à ce sujet. Mais parce qu’il apparaît comme le symptôme de deux des aspects majeurs de la crise du catholicisme contemporain.
Le premier symptôme est celui d’une Église autocentrée. Quelles qu’aient été les intentions des inspirateurs et des organisateurs de ce synode, l’impression qui s’en dégage est celle d’une institution préoccupée avant tout par elle-même et par ses propres structures. Or, une Église autoréférentielle fait écran entre Dieu et les fidèles, et se condamne irrémédiablement à l’attrition.
Le second symptôme est celui d’une Église moralisatrice. En témoigne cette extraordinaire liturgie pénitentielle qui a ouvert, le 1er octobre 2024, la seconde session du synode : au lieu de s’en tenir aux Dix Commandements, sept cardinaux ont, à tour de rôle, demandé pardon pour de nouveaux péchés, tels ceux commis contre « les peuples indigènes et les migrants », les « jeunes » ou la « synodalité ». Ou tel « le péché de la doctrine utilisée comme des pierres à jeter » (suivez mon regard…). Or, lorsque l’Église entend prescrire aux fidèles, dans les domaines où ceux-ci disposent d’une légitime autonomie, ce qu’il convient de croire et de ne pas croire, de faire et de ne pas faire, cela porte un nom : le cléricalisme.
En conclusion, rappelons une chose élémentaire mais essentielle : l’immense majorité des fidèles se rend à l’Église non avec l’obsession de prendre la place des clercs à l’autel mais avec le désir de voir Dieu et de vivre de l’Évangile. Était-il alors vraiment nécessaire de réunir un synode pour comprendre cela ?
Jean Bernard
(1) Interview CBS, mai 2024.
(2) Déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi, Fiducia Supplicans, 18 décembre 2023.
© LA NEF n° 375 Décembre 2024