Le Mohican
(12 février 2025)
En Corse, Joseph, l’un des derniers bergers du littoral, voit la mafia réclamer son terrain pour un projet immobilier. Il ne cède pas et, menacé, tue un homme accidentellement. Forcé de fuir, il est la proie d’une traque acharnée. Par les réseaux sociaux, il devient une légende vivante, celle de la résistance impossible.
Ce thriller épique corse ne pouvait être imaginé et réalisé que par un Corse, Frédéric Farrucci, auteur notamment de deux documentaires sur des Corses remarquables, dont un berger de littoral qui a inspiré Le Mohican.
Le réalisateur a tenu à ce que l’acteur principal, Alexis Manenti, rencontre le véritable berger, pour sentir vraiment cette vie si particulière. Manenti étonne, car il ne correspond pas à l’image qu’on se fait d’un homme traqué : visage tendu et frémissant et yeux brillants. Lui, au contraire, est calme et maître de ses gestes. Malgré le terrible couvercle que la mafia fait peser sur l’histoire, avec des soulèvements – s’il faut filer la métaphore ! – de rare bravoure, la traque de Joseph ne se passe pas dans le désert ni dans le lacis urbain mais sur le sol de Corse, laquelle est ici, de ses crêtes à ses littoraux, plus que jamais l’Île de Beauté. C’est cette terre et ce paysage uniques que veut préserver Joseph et sa cavale ayant beau être menacée d’une probable fin tragique, le film nous chante jusqu’au bout la beauté de l’île et le courage de ceux qui l’aiment.
La fabrique du mensonge
(19 février 2025)
À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Joseph Goebbels est l’éminence grise d’Hitler. Ministre de la Propagande, il professe que la domination du Reich exige des méthodes de manipulation nouvelles. Il contrôle les médias et électrise les foules. Son art de la propagande est tel qu’il transforme les défaites en victoires et le mensonge en vérité. Quand l’Allemagne arrive au bord de l’abîme, il se lance dans un projet ultime où il convainc tout un pays de faire un grand pas en avant.
Encore un film sur l’hitlérisme, dira-t-on. Mais celui-ci a une particularité unique : il a construit tous ses dialogues sur des citations authentiques des protagonistes, Hitler, Goebbels et les autres, recueillies et soigneusement consignées. Ainsi le film a beau être, techniquement, une fiction (décors reconstitués et acteurs jouant des rôles), il est quasiment un documentaire car il rejoue la vérité historique. On voit ainsi, et comme c’est troublant ! comment la guerre et ses abominations naissent dans de simples conversations de salon, entre gens bien élevés. L’effarement vient aussi de voir comment Goebbels, décideur de la vérité et manipulateur des peuples, soigne son image de père de famille (mais là encore en manipulant les siens). Et plus Goebbels annonce la victoire, plus le pays s’enfonce dans la défaite.
La leçon du film est irréfutable. On regrette seulement le choix de l’acteur principal, au visage trop quelconque pour rappeler la face de méchant absolu qu’avait Goebbels.
François Maximin
© LA NEF n° 377 Février 2025