Pierre Devaux jouant Terre des hommes © Xavier François

Terre des hommes : un aviateur au théâtre

Hymne à la jeunesse, invitation au voyage et appel à devenir des hommes, des vrais : l’adaptation de Terre des hommes, mise en scène par Thierry Harcourt et portée par Pierre Devaux – jeune acteur prometteur dont la fougue rappelle celle de l’aviateur –, retrouve la continuité narrative de ce récit de vols et de rencontres, que Gide évoquait comme un « bouquet, [une] gerbe [qui ne tenait] pas compte des lieux et du temps », de celui qui fut un immense aventurier. Le texte, poétique, ciselé et incisif, a de surcroît été approuvé par la succession Saint-Exupéry.

Autobiographique, le spectacle s’adresse peut-être particulièrement à la jeunesse en l’invitant à s’accomplir sans quitter son idéal, ni sa soif de vérité, en embrassant la réalité qui s’impose à elle. « L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. » Oui, si le spectacle est éminemment poétique, il l’est dans l’acception originelle du mot poésie – en grec, le verbe « poiein » signifie « créer » – comme le confirme la dernière phrase du livre : « Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’homme. » La poésie est la rencontre fertile entre l’esprit et la glaise et elle est action, « drama » en grec. Cette poésie est donc particulièrement mise en relief par le prisme du théâtre qui ajoute de la vie à la vie, de l’action à la contemplation : les mots de Terre des hommes sont articulés, le texte est vécu dans une chair. Et, par la magie de la catharsis, cette poésie passe dans la chair du spectateur qui vit les passions, les expériences, les sentiments : un ami qui meurt dans ses bras, la nostalgie du puits de l’enfance, l’excitation d’un premier vol, la fascination face aux étoiles, la soif dans le désert, le dépouillement devant la mort… Tout cela est servi avec de la chair : le théâtre ne laisse pas seulement des souvenirs mais une empreinte.

Une contemplation théâtrale qui, donc, portera du fruit dont le premier sera peut-être de compléter cette riche expérience par la lecture du recueil, extraordinaire.

Constance de Vergennes

Au théâtre de La Flèche (Paris XIe), le jeudi à 19h jusqu’au 13 mars puis le samedi à 17h jusqu’au 26 avril : https://theatrelafleche.fr/la-saison/terre-des-hommes/

© LA NEF n° 378 Mars 2025