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Affluences dans les églises : le signe éloquent des cendres

Surprenante affluence.
Le phénomène a été observé partout en France. Signalé d’abord par des curés heureux, puis relayé par les blogs sur internet, l’événement a donné lieu à des articles de journaux. Les fidèles se sont rendus en nombre à l’église pour le mercredi des cendres. Certaines assistances ont tout simplement doublé, d’autres ont très significativement augmenté. Nous avons repéré beaucoup de nouveaux visages inconnus, surtout des jeunes, entre 16 et 25 ans. Les prêtres réactifs auront rappelé, aux annonces à la fin de la messe, qu’il est possible de recevoir le baptême ou la confirmation à tout âge et auront donc recueilli plusieurs demandes formelles de catéchuménat. D’autres auront lancé le « challenge » à ces nouveaux venus d’assister à la messe tous les dimanches jusqu’à Pâques, afin d’amorcer une pratique régulière. Et, de fait, l’assemblée est plus dense chaque dimanche de carême.

Lumières dans les ténèbres.
Dans ces récentes années de crise intense de l’Église, où tous les chiffres semblent en berne, nous avions déjà eu une surprenante bonne nouvelle, avec la très notable augmentation du nombre de catéchumènes remarquée en 2023 et 2024, et qui se confirme en 2025. Cette année, c’est le mercredi des cendres et le carême en général qui ont un grand succès. Comment comprendre ce réjouissant phénomène ?

L’émulation du ramadan.
Comme nous le savons, le ramadan se décale dans le temps, mais, cette année, il est quasi synchrone avec le carême. En 2025, les musulmans ont commencé cinq jours avant les chrétiens. En discutant avec les recommençants du carême, nous percevons un désir de montrer qu’ils peuvent – eux aussi – faire quelque chose pour Dieu. Même si les motivations sont ambivalentes, même s’il faut faire réentendre l’appel de Jésus à jeûner dans le secret, l’effet positif est bien là, les jeunes chrétiens se remotivent et les églises sont bondées.

Les réseaux.
Il faut aussi attribuer cette bonne surprise aux réseaux sociaux. De nombreux youtubeurs chrétiens, de toutes tendances, ont souligné l’importance du mercredi des cendres. Ils font œuvre de pédagogie, ils signalent l’existence de ce geste étrange et en explicite le sens. Ils encouragent à se rendre à la messe pour ce mercredi, passant du virtuel au réel. Merci à eux pour leur travail.

Un savoureux goût de cendres.
Ces nouveaux jeunes fidèles n’ont pas été attirés par une pop-louange, par des œufs en chocolat ou par un banquet paroissial. Ils ont été attirés par ce rite des cendres, par la perspective de l’ascèse et du jeûne, en un mot : par la Croix. La simple et belle liturgie propose ce signe éloquent, qui sonne juste. Il nous dit la vérité, il nous parle de la salissure du péché (« convertis-toi et crois à l’Évangile ») et de notre fragilité (« souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière »). Certains prêtres ou youtubeurs ont aussi insisté sur sa dimension de signe pour tous. En effet, seuls communient les baptisés qui ont fait leur première communion, en revanche, tout le monde reçoit les cendres. C’est un signe de vérité et un signe universel.

Le produit est bon.
Nous sommes surpris. Mais faut-il l’être ? Nous sommes peut-être trop habitués, depuis cinquante ou soixante ans, aux chaises vides de nos églises. Mais, puisque l’Évangile est vrai et bon pour tous, les églises ne doivent-elles pas être naturellement pleines ? Je me souviens d’une interview de l’historien Guillaume Cuchet, l’auteur du livre Comment notre monde a cessé d’être chrétien (2018). Il y analyse longuement la vertigineuse chute de la pratique chrétienne dans la seconde moitié du XXe siècle et tous ces chiffres sont absolument implacables. Mais le journaliste, en fin d’entretien, lui demande s’il y a un espoir pour la foi chrétienne en Occident. Guillaume Cuchet, un sourire en coin, donne une réponse positive, il y a un espoir à plus ou moins long terme (peut être des siècles) car, dit-il, « le produit est bon ». Nous n’avons rien fait de brillant en ce mercredi des cendres, nous avons célébré le rite, présenté la foi vraie et nue, et cela a attiré des foules et répondu à la soif du cœur de l’homme contemporain. Il est anormal que nos églises soient vides car, s’il est vrai que nous sommes des vases d’argiles, nous portons vraiment un trésor.

Abbé Étienne Masquelier
Curé de Villemombre (93)

© LA NEF n° 379 Avril 2025