Le cardinal Barbarin, présent au conclave qui a élu Léon XIV, nous livre quelques mots.
L’Eglise accueille avec joie « notre pape Léon », fruit inattendu d’une élection qui s’est déroulée dans la simplicité, en quatre tours seulement, alors qu’elle demande une large majorité, les deux-tiers des votants.
Dans la personne et la figure de Robert Francis Prevost, on trouve trois grandes familles de notre monde, en premier lieu par la lignée française de ses origines, puis par son histoire personnelle et sa vocation mûrie aux Etats-Unis et enfin, par le monde « hispano », dans lequel l’a plongé son ministère au Pérou. J’imagine donc qu’il est à l’aise en anglais et en espagnol, comme en français et en italien, puisqu’il était devenu romain depuis quelques années déjà, par sa nomination au service de la Congrégation pour les évêques. Connaître les langues doit être utile pour le successeur de Pierre !
Grâce à la mission importante et exigeante que lui avait confiée le pape François, il a reçu la meilleure connaissance possible de l’épiscopat mondial. On sait que le mot « catholique » signifie universel, (précisément « selon – kata – le tout – holos – ») et son histoire personnelle nous dit à quel point cet adjectif lui convient bien.
Dans la chapelle Sixtine où a lieu l’élection du Souverain Pontife, les cardinaux sont placés selon un ordre précis : d’abord le Secrétaire d’Etat qui est le premier responsable quand le siège pontifical est vacant, puis les patriarches (il n’y en avait qu’un cette année, Louis-Raphaël Sako, le patriarche de Bagdad). Ensuite viennent les trois catégories de cardinaux, évêques, prêtres et diacres, dans l’ordre. Les premiers sont en général de grands responsables romains que l’on peut comparer à des évêques auxiliaires du Souverain Pontife. Les seconds sont pour la plupart des archevêques actuels ou émérites de grandes villes du monde ; puis viennent les cardinaux diacres, qui sont les responsables des dicastères, ces grands services romains pour les sacrements, la mission universelle, l’éducation, les finances…. On peut les regarder comme l’équivalent des ministères dans nos gouvernements.
Le nombre d’électeurs recommandé par le pape Paul VI, de qui nous vient l’essentiel des normes du conclave est de 120, à cause du passage des Actes des Apôtres où l’on voit Pierre réunir « les frères » pour remplacer Judas dans le collège des Douze (1, 17).
Dans la chapelle sixtine, le cardinal Prévost, qui dirigeait depuis quelques années le dicastère des évêques, était donc dans la première catégorie, juste après le cardinal Parolin et le patriarche de Bagdad, Louis Raphaël Sako. J’avais la chance d’être près d’eux, car je fais partie des plus anciens « cardinaux prêtres », entre le cardinal Bozanic, de Croatie, et le cardinal Peter Erdö, l’archevêque hongrois de Budapest-Esztergom. Nous n’étions que cinq à vivre notre troisième conclave, c’est-à-dire à avoir déjà participé à celui de 2005, après la mort de saint Jean-Paul II puis à celui qui a élu le pape François en 2013.
Le préfet de la Congrégation des évêques est en contact habituel avec tous les cardinaux et de très nombreux évêques ; il veille à consulter largement l’épiscopat d’un pays avant toute nouvelle nomination d’évêque, dans le monde entier. Il est donc bien connu de tous les cardinaux et nul ne s’étonnera que beaucoup d’entre eux aient pensé à lui pour donner un successeur au pape François. Le cardinal Prévost, dans l’importante fonction qu’il assurait, est toujours resté un homme discret, et tous savent bien que c’est l’un des meilleurs connaisseurs de l’épiscopat mondial, qualité importante pour celui qui reçoit la mission de successeur de Pierre.
Evidemment, la charge qu’il reçoit doit bouleverser la vie d’un homme et, à part ceux qui le connaissent personnellement et ont croisé son chemin de pasteur, nul ne peut imaginer comment il accueille cette nouvelle mission et dans quel esprit et quelle direction il va l’accomplir.
En tous cas, dans l’Eglise, nous savons que nous devons tous prier pour lui. Son nom est désormais prononcé par le célébrant, à chaque messe, au cœur de la prière eucharistique, dans cette simple formule : « en union avec notre pape Léon », avant l’évocation de l’évêque local. C’est un des beaux aspects du mystère de l’Eglise : vingt siècles après le choix de Pierre par Jésus, raconté dans l’Evangile (Mat. 16, 16-20) et qui n’a pas malheureusement empêché l’apôtre de trahir son Maître à l’approche de l’heure tragique de la Passion, l’Eglise confie au collège des cardinaux de choisir le successeur de Pierre et demande à toute la communauté de prier pour celui qui reçoit cette charge. Nous le ferons donc fidèlement, à chaque messe et dans notre prière personnelle. Que l’Esprit-Saint vienne et demeure sur notre frère Léon, pour l’aider dans sa mission de recevoir les clés du Royaume (Mat 16, 19), de conforter ses frères dans la foi et d’être « le pasteur de ses agneaux » (Jean 21, 15).
Cardinal Barbarin
© La Nef, exclusivité internet, mis en ligne le 20 mai 2025.