L’ÉGLISE FACE AU MONDE MODERNE
Mgr MARC AILLET
Éditions Première partie, 2025, 140 pages, 18 €
Pourquoi Mgr Marc Aillet prend-il la peine de commenter l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi de saint Paul VI ? Non pas d’abord parce que ce texte va fêter le cinquantenaire de sa parution cette année, mais avant tout parce que l’évêque actuel de Bayonne, Lescar et Oloron estime, avec raison, que cette exhortation apostolique n’a pas pris une ride et qu’elle demeure prophétique pour nous aujourd’hui. En effet, L’Église face au monde moderne doit être fidèle à sa nature et à sa mission, c’est-à-dire qu’elle doit évangéliser en vue du salut des âmes. Tous les fidèles baptisés, clercs et laïcs, doivent impérativement témoigner de leur foi par leur vie (sainteté) et par leur parole – « la foi vient de ce que l’on entend » (Rm 10, 17). Par vocation divine, ils font leur cette phrase de saint Paul : « Annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16). En lisant ce livre vous recevrez un vigoureux appel à évangéliser et vous aurez un mode d’emploi à suivre. Mgr Aillet nous réveille. Il nous secoue charitablement et sans « langue de buis ». Comme l’écrivait saint Paul VI : « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres […] ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins. » Mgr Aillet est un de ces témoins authentiques qui prêche dans les églises, mais aussi dans les rues ou sur les plages, juché sur un petit tabouret. Il n’est pas à compter parmi les pasteurs « chiens muets » que le pape saint Grégoire-le-Grand fustigeait dans sa Règle pastorale. À sa suite, n’ayons pas peur de proclamer la Bonne Nouvelle : Jésus. Il est mort et ressuscité par amour pour nous ; Il change notre vie et Il veut la sauver. Stimulant. Inspirant.
Abbé Laurent Spriet
LA FOLLE ESPERANCE
DON PAUL PREAUX ET TIPHAINE NERON BANCEL
Cerf, 2025, 204 pages, 19,50 €
Coécrit par Paul Préaux, modérateur général de la Communauté Saint-Martin, et Tiphaine Néron Bancel, philosophe, La folle espérance est un essai explorant le concept de l’espérance à travers des récits bibliques et des réflexions philosophiques.
Les auteurs mettent en lumière l’importance de l’espérance, qui semble avoir fui notre monde, dans des moments d’incertitude et de difficulté. Nous incitant à nous replonger dans les Écritures, de l’Exode du peuple hébreu à la Pentecôte, qui sont sans cesse traversées par l’espérance malgré et surtout dans les épreuves, ils nous font progresser dans l’acquisition de cette vertu à l’exemple des saintes femmes, la Vierge Marie, sainte Marie-Madeleine, la veuve de Naïm, la Cananéenne.
Structuré pour offrir des pistes de réflexion personnelle et des approfondissements spirituels, ce livre s’inscrit totalement dans une démarche jubilaire encouragée par le pape François, visant à redéfinir l’espérance comme une vertu active et vivifiante. Il propose de nombreuses pistes concrètes pour choisir la voie de l’espérance et en rester un fidèle pèlerin. À lire.
Anne-Françoise Thès
LA RÉPRESSION DANS L’ESPAGNE DE FRANCO 1939-1975
MIGUEL PLATON
L’Artilleur, 2025, 430 pages, 23 €
La présente étude porte exclusivement sur les condamnations à mort prononcées après la fin de la guerre civile espagnole (mars 1939) par les tribunaux espagnols jusqu’en 1975. Elle conclut que ces derniers ont prononcé 25 000 condamnations à mort dont 15 000 furent effectivement exécutées, chiffre important mais bien moindre de celui de 200 000 souvent avancé par certains historiens.
L’ouvrage décrypte la procédure judiciaire de ces tribunaux chargés de juger les Républicains coupables de délit et de crimes aux yeux des Nationalistes. Il montre que cette justice fut sévère, mais non pas arbitraire et qu’un certain nombre de principes furent respectés : par exemple, les condamnations à mort ne pouvaient s’appliquer qu’aux responsables de crimes de sang. En cas de condamnation à mort, Franco avait le dernier mot et pouvait commuer la peine en peine d’emprisonnement. Les archives montrent que, dans la quasi-totalité des cas, il suivit l’avis du tribunal.
Le livre de Miguel Platon décrit de très nombreux cas où les accusés purent bénéficier soit d’une grâce, soit d’une peine de prison plutôt que d’une condamnation à mort, mais le chapitre le plus poignant est celui traitant des appels à la clémence en faveur d’accusés condamnés à mort, de la part de leur famille, d’amis, ou même d’anciens ennemis, voire de victimes des Républicains. En ce dernier cas, il est fréquent que la foi chrétienne, explicitement mentionnée, soit mise en avant pour justifier une demande de grâce ou de commutation de peine. Toutes ces demandes de grâce, dont beaucoup aboutirent effectivement à éviter la peine de mort à leurs bénéficiaires, eurent certainement un impact positif pour aider la société espagnole à panser les plaies vives laissées par la guerre civile. Un cas particulièrement emblématique est celui de Tomàs Ardid Rey, officier dans l’armée républicaine, condamné à mort en 1939, bénéficiant de nombreuses pétitions de grâce d’anciens ennemis, qui vit sa peine commuée en trente ans de prison, puis fut complètement gracié par Franco, et dont le petit-fils épousa une des petites-filles de Franco en 1974 ! Deux des enfants de ce couple porteront la dépouille de Franco, lors de son exhumation de la Vallée de mort décidée par le gouvernement socialiste en 2019.
Bruno Massy de La Chesneraye
LES RELIGIONS FONT-ELLES PLUS DE BIEN QUE DE MAL ?
REMI BRAGUE ET PIERRE CONESA
Desclée de Brouwer, 2025, 128 pages, 12,90 €
Le titre de ce livre reprend le thème d’un échange public organisé en 2024 par le Collège des Bernardins entre deux intellectuels de grande ampleur, le philosophe Rémi Brague et l’historien Pierre Conesa. Ce sujet inspire aujourd’hui tant de préjugés, de confusions et d’ambiguïtés, soulève tant de questionnements et suscite tant d’inquiétudes, qu’il méritait un tel dialogue. Et celui-ci est d’autant plus réussi qu’il se déroule sur un ton apaisé.
À l’heure où le fait religieux s’impose partout dans l’actualité, il convenait donc de clarifier certains de ses aspects les plus préoccupants (radicalisation religieuse, articulation entre religion, politique et violence, sens et légitimité de la guerre juste, distinction entre la faute et le péché, interprétation des textes sacrés, etc.). Parmi les exemples retenus pour illustrer leurs propos, les auteurs ont pris soin de s’attarder sur le conflit israélo-palestinien et sur les aveuglements français dans le rapport à l’islam, ce qui confère à cet ouvrage un intérêt tout particulier.
Annie Laurent
LETTRES A UN AMI POST-MODERNE SUR L’INQUISITION
FRÈRE CYRILLE, OSB
Éditions Sainte-Madeleine, 2025, 296 pages, 17 €
Quand on veut attaquer le passé de l’Église, immanquablement vient sur le tapis l’Inquisition, censée révéler toute la noirceur de ce passé honni. Qu’il y ait, au regard des préceptes évangéliques, des critiques à formuler sur cette institution qui, selon les pays, dura du XIIIe au XIXe siècles, c’est une évidence. Le danger, en l’occurrence, est de tomber dans l’anachronisme et de juger des pratiques de nos ancêtres selon nos critères qui ne sont pas du tout les mêmes. « Il faut, pour éviter de fâcheux anachronismes, écrit le père Cyrille, commencer par se demander ce que pensaient les gens de l’époque sur la question. » Pour se remettre les idées en place, le père Cyrille, moine du Barroux, nous offre là un livre passionnant qui fait le tour de la question avec un souci didactique et une clarté remarquables. Pour ce faire, il adopte le style littéraire épistolaire qui convient tout particulièrement au sujet. Il commence par expliquer le contexte des sociétés anciennes, le rôle qu’y jouait l’hérésie qui ne s’opposait pas seulement à la foi, mais aussi au bien commun temporel ; puis il définit précisément l’Inquisition en montrant combien elle apportait un progrès en termes de procédure juridique ; enfin, il développe l’histoire proprement dite de l’Inquisition qui débute avec le catharisme. Toutes les affaires les plus connues (Templiers, Jeanne d’Arc, cas espagnol, Galilée, etc.) sont clairement décortiquées. Et pour conclure, le père Cyrille montre comment s’est forgée la « légende noire » de l’Inquisition dans la littérature anticléricale. « Plus que de condamner, il s’agit de comprendre » (Jean-Pierre Dedieu). Ce livre y contribue grandement.
Christophe Geffroy
DIEU SAUVEUR
Christologie avec Thomas d’Aquin
PHILIPPE-MARIE MARGELIDON O.P.
Saint-Léger Éditions, 2024, 134 pages, 14 €
Le Père Margelidon, éminent thomiste, nous livre une synthèse très dense de la christologie de saint Thomas, en suivant le plan du Compendium Theologia, complété par des références à la Somme et autres ouvrages de l’Aquinate. Il montre combien la contemplation du Christ chez saint Thomas, est sotériologique et ecclésiologique ; c’est-à-dire que le Christ en son identité et par ce qu’il a fait et subit (les acta et passa) produit, comme tête de l’Église, notre salut. L’auteur explicite notamment l’importante notion de la grâce capitale. L’ouvrage est riche et technique, et donne un panorama complet de la christologie thomasienne en une centaine de pages et une vingtaine de courts chapitres. Si l’on risque de ne pas tout comprendre ou du moins de ne pas tout retenir, nous sommes émerveillés par la puissance et la beauté de la méditation de saint Thomas sur le Christ et sa conséquence : le salut des hommes.
Abbé Étienne Masquelier
Roman à signaler
PIÈGE À LOUP
ASLAK NORE
Le Bruit du Monde, 2025, 426 pages, 25 €
Nous avions recensé ici les deux premiers romans traduits en français du jeune auteur norvégien Aslak Nore (Le cimetière de la mer et Les héritiers de l’Arctique) que nous avions bien appréciés. Ce troisième opus, qui nous plonge dans un univers totalement différent des deux autres, est aussi une réussite. Henry Storm, jeune et brillant Norvégien qui a fait des études d’ingénieur en Allemagne, s’engage en 1941dans la division Wafen SS Nordland pour combattre le bolchevisme. Envoyé sur le front en Ukraine, il découvre la barbarie nazie et, blessé et rapatrié, décide de s’engager dans la résistance norvégienne, en partie aussi pour reconquérir le cœur d’Astrid, son ancienne amie engagée dans la lutte contre l’occupant nazi. Ses connaissances techniques le font envoyer en Allemagne comme étudiant-ingénieur dans le but de découvrir les fusées que les Allemands préparent à Peenemünde sous la direction du professeur Wernher von Braun. Dans sa recherche des secrets militaires bien protégés, il sera confronté au redoutable SS Werner Sorge, qu’il a connu aux jeux olympiques de 1936, l’un et l’autre concourant pour la médaille d’or de voile.
Ce roman, bien écrit et bien construit, avec des personnages fouillés, est passionnant de bout en bout. Il est de plus parfaitement renseigné sur les faits historiques qu’il décrit et l’on découvre l’Allemagne en guerre de l’intérieur avec une atmosphère parfaitement rendue. En plus d’être passionnant, il est instructif. Une réussite.
Simon Walter
© La Nef n° 380 Mai 2025