Lectures Octobre 2025

LA CAUSE DES PAUVRES
Textes choisis

FRÉDÉRIC OZANAM
Préface de Jacques de Guillebon, La Onzième Heure, 2025, 250 pages, 22 €

Frédéric Ozanam (1813-1853), béatifié en 1997, est bien connu comme le fondateur de la Société de Saint-Vincent de Paul (1833) ou comme un précurseur du catholicisme social, mais ses propres écrits, peu accessibles, le sont beaucoup moins. Cette édition, qui rassemble des textes de 1835 à 1853, comble donc une lacune et nous permet de découvrir une pensée aussi originale que vigoureuse, exprimée dans une langue ciselée comme on n’en trouve plus aujourd’hui. Ce qui frappe à leur lecture, c’est combien Ozanam avait compris les erreurs aussi bien du libéralisme que du socialisme, ouvrant ainsi la voie avant tout le monde à la doctrine sociale de l’Église. Les idées qu’il développe sur la société sont fondamentalement empreintes de l’Évangile, plaçant l’amour et la fraternité au cœur de sa réflexion, allant jusqu’à écrire : « Comment concilier la liberté et l’autorité ? Qui peut rétablir entre elles une alliance parfaite, et fonder ainsi le règne de la justice ? C’est la charité. » Ce faisant, Ozanam ne conçoit pas une société où le christianisme aurait été rejeté aux marges comme il l’est aujourd’hui ; s’il voit le progrès comme une loi de l’humanité, il explique que le christianisme seul le permet véritablement : « Le christianisme place hors de l’homme et dans le sein de Dieu le principe et la loi du progrès. Ce principe et cette loi sont révélés, une autorité immuable en est dépositaire. Cette autorité initie l’homme par la foi, par l’espérance et par la charité à la vérité, à la beauté et à la bonté infinies, elle le fait progresser vers ce monde invisible qu’il doit habiter un jour. »
Cet ouvrage propose aussi un fort texte sur le divorce, qui montre combien les plus faibles en sont les premières victimes, à commencer par les enfants. Sa critique du socialisme, qui occupe une large place dans cet opuscule, est implacable, il en montre les vices en remontant loin dans l’histoire, il légitime la propriété avec saint Thomas sans en faire un absolu, il réhabilite l’assistance et l’aumône (critiquées par les socialistes de l’époque) et s’arrête longuement sur une étonnante apologie « libérale » du pape Pie IX.
Un beau livre – bien préfacé – dans tous les sens du terme, c’est devenu rare dans l’édition.

Christophe Geffroy

VERS UN MONDE SANS ENFANTS ?
Faire face à l’hiver démographique

RAYMOND DEBORD
Éditions Critiques, 2025, 294 pages, 20 €

Cette étude de la démographie mondiale au long du dernier siècle discrédite définitivement les thèses malthusiennes éternellement remises au goût du jour : la baisse de la population est universelle au point « qu’à l’horizon 2100, 97 % des pays du monde » ne connaîtront plus le renouvellement des générations, même en Afrique subsaharienne où la population poursuit actuellement sa forte croissance. Comme explication de cette révolution démographique, l’auteur invoque inlassablement l’expansion du capitalisme : le développement économique entraînant urbanisation et prolétarisation, il pousse selon lui à un déclin de la mortalité comme de la natalité ; le prolétariat tente en effet d’améliorer sa vie matérielle par le contrôle des naissances.
Si sa lecture peut être ardue aux esprits peu scientifiques et ses analyses donner une trop large part au mode de pensée marxiste, le livre du sociologue Raymond Debord a cependant le grand mérite de donner une épaisseur humaine aux faits statistiques et de ne pas se satisfaire de données chiffrées pour les expliquer. Au-delà des démonstrations, l’auteur prend en effet sa part dans le débat nécessaire face à un tel hiver démographique. Il fustige l’inconscience des responsables qui refusent de considérer la dénatalité comme un problème ou ne lui offrent que l’immigration comme issue. Il n’hésite pas à dénoncer les trahisons de la gauche sociale, contaminée elle aussi par la « dislocation individualiste » née du capitalisme. De beaux passages en faveur d’une « politique de vie » contre la « culture ambiante de la peur », des propositions visant à reconnaître le rôle social des mères et à compenser le coût de l’enfant terminent ce livre par des ouvertures concrètes. Notre héraut national du réarmement démographique ferait bien de le consulter.

Marie Dumoulin

LE CHRISTIANISME FACE AUX AUTRES RELIGIONS
Jésus-Christ est le « centre de l’histoire »
ÉDOUARD-MARIE GALLEZ
Artège, 2025, 176 pages, 17,90 €

À notre époque où l’Église catholique est engagée dans le dialogue interreligieux, un impératif s’impose : éviter les ambiguïtés propres au sens de cette démarche, en commençant par le sens du mot « religion », ainsi que les pièges du relativisme doctrinal qui peuvent en résulter. Telle est la conviction qui a conduit le père Gallez, docteur en théologie/histoire des religions et membre de l’association EEChO (Enjeux de l’Étude du Christianisme des Origines), à écrire ce livre dont le but est de situer le christianisme dans ses fondements historiques et dans le flux religieux contemporain.
Par l’emprunt à certains vocabulaires et concepts propres à la Révélation biblique, mais en en déformant le sens profond, les religions post-chrétiennes se présentent sous diverses formes. Il y a l’islam, bien entendu, dont la doctrine officielle, tout en se prétendant enracinée dans les deux premiers monothéismes, considère que tout ce qui lui est antérieur est obscurantiste. Il s’agit d’un messianisme qui inspirera ensuite d’autres « contrefaçons » religieuses et sectaires jalonnant l’histoire et l’actualité sous diverses formes (spiritualisme, millénarisme, gnose, écologisme) : leur but est de détruire le passé pour « capturer l’avenir », ce qui conduit à des conceptions galvaudées du salut et même de la Trinité.
L’auteur n’oublie pas les rapports déformés à l’histoire et au progrès que l’on trouve dans l’hindouisme et dans le bouddhisme, doctrines exaltées jusque dans l’Occident contemporain par des écrivains opposés à la foi chrétienne, certains allant jusqu’à opposer le « vieux sage de l’Orient [Bouddha] au Jésus des Juifs ».
« La foi chrétienne repose sur le constat qu’il y a eu un avant et un après Jésus-Christ : ce constat est fondamental en démarche interreligieuse ou apparentée ; il est non négociable autant au point de vue historique qu’au point de vue de la foi. » En rappelant ce principe, développé avec fermeté dans sa conclusion, le père Gallez entend inviter les chrétiens à se réapproprier ce que Jésus a dit de lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).

Annie Laurent

LE ROI
Une autre histoire de la droite

BAPTISTE ROGER-LACAN
Passés composés, 2025, 368 pages, 23 €

Baptiste Roger-Lacan nous plonge avec érudition dans la bataille culturelle qui opposa monarchistes et républicains à partir de 1880 – ajoutant une pièce importante à l’histoire des droites et du catholicisme français, qui font alors cause commune. Défaites sur le terrain politique, les forces contre-révolutionnaires se réfugient dans les arts, l’histoire et le patrimoine, pour y faire vivre encore l’imaginaire royal. L’histoire sera le champ d’action principal, avec des formats variés pour toucher tous les publics. Il y a les mémoires de témoins de la Révolution qui alimentent la martyrologie ; ou les romans historiques destinés à l’éducation de la jeunesse mais qui deviennent des chefs-d’œuvre avec Barbey et Dumas. Il y a la petite histoire de G. Lenôtre, conteur passionné d’archives qui reconstitue de petites vignettes immersives pour montrer les horreurs de la Révolution ; et la grande histoire, incarnée par l’Académie française d’Hippolyte Taine, qui culmine avec l’école historiographique des Bainville, Gaxotte et Bertrand. Il est aussi question de la bataille scolaire à laquelle l’Église prit part pour lutter contre les mauvais manuels, ou de l’action patrimoniale d’un Pierre de Nolhac, conservateur du château de Versailles qui en fait un flamboyant outil diplomatique où doivent renaître les douceurs d’Ancien Régime. Si l’auteur montre bien que le monarchisme n’est pas un vague sentiment mais bien un programme, on regrette que si peu soit dit du légitimisme social, alors vecteur principal de la doctrine sociale de l’Église en France. Consacrée à l’entre-deux-guerres, la dernière partie de l’ouvrage est décevante. L’histoire de la figure du roi dans l’imaginaire des droites laisse place à l’histoire partiale de quelques royalistes ayant fait fausse route. On s’attarde sur les attraits pour le fascisme de quelques-uns, mais on passe rapidement sur l’anti-nazisme de l’Action française, et on occulte carrément les cas Bernanos ou de Gaulle. Choix de l’auteur ou mauvais découpage de thèse ? La conclusion laisse songeur : « La monarchie continue d’empoisonner la République. »

Rémi Carlu

L’EUTHANASIE EN DÉBAT
Peut-on donner la mort par compassion ?
MATTHIEU LAVAGNA
Préface de Jean-Marie Le Méné, Salvator, 2025, 156 pages, 17,90 €

Alors que l’euthanasie est à l’ordre du jour de l’agenda politique, il est utile de disposer d’un bon vade-mecum pour savoir comment argumenter rationnellement notre opposition à l’euthanasie. C’est ce cahier des charges que remplit parfaitement l’essai de Matthieu Lavagna. En effet, il ne se place que sur un plan rationnel et montre avec des arguments simples et forts que la défense de l’euthanasie et du suicide assisté n’obéit pas à une logique rationnelle, mais avance en tronquant le sens des mots et en ne mobilisant que l’émotion, et ce avec un soutien quasiment unanime des grands médias. Tout son développement tourne autour du fait incontournable que l’euthanasie est un homicide volontaire commis sur une personne innocente et qu’il ne peut donc jamais être licite moralement, quelles que soient les circonstances ou l’intention juste de ceux qui le demandent, car il s’agit d’un acte dont l’objet est intrinsèquement mauvais. En effet, écrit l’auteur, « une loi légalisant l’euthanasie reviendrait ni plus ni moins à vouloir légaliser le meurtre dans certaines circonstances », il incombe donc aux partisans de l’euthanasie de fournir les raisons justifiant la légalisation de ce meurtre.
Or, M. Lavagna démonte un à un les arguments des pro-euthanasie : la souffrance (les soins palliatifs y répondent), l’autonomie (personne n’est « autonome »), le fait qu’une vie diminuée ne vaut plus d’être vécue (la dignité d’un être humain est ontologique et relève de sa nature, non de sa santé), le fait qu’il s’agit d’une liberté supplémentaire dont personne n’est obligé d’user (une telle loi aurait forcément des implications sur la société et exercerait une pression sur les personnes vulnérables), etc. Enfin, l’auteur démonte le langage mensonger des pro-euthanasie, lorsqu’ils invoquent la mort « dans la dignité », la « compassion », etc.£Un livre fort, clair et très accessible pour toute personne cherchant à argumenter son opposition à l’euthanasie.

Christophe Geffroy

SI TU VEUX, JE SUIS LÀ
PIERRE AMAR
Artège, 2025, 144 pages, 14 €

Ce livre court et percutant démarre par le rappel d’un fait divers sordide qui avait ému la France entière. Lola Daviet, 12 ans, avait été sauvagement assassinée à Paris en octobre 2022. Après la messe d’enterrement, l’évêque du lieu, Mgr Leborgne, se tourne vers les parents endeuillés et les prend dans ses bras. Au-delà des mots et des prières, il pose un geste immédiat : celui de la consolation. 
C’est tout le thème de l’essai de l’abbé Pierre Amar, qui, à partir de l’expérience personnelle douloureuse d’une hospitalisation, explore la question de la souffrance et la manière dont la consolation y remédie. Quand je souffre, sur qui puis-je compter inconditionnellement ? En quoi le supplice de la croix fait-il du Christ Celui qui, par essence, souffre pour nous, en vue de la vie éternelle ? Dignité et liberté sont-elles véritablement les valeurs qui portent le projet de loi sur l’aide active à mourir ? L’abbé Amar aborde de nombreuses questions, tantôt atemporelles, tantôt ancrées dans l’actualité, qui sont au cœur d’un des piliers du christianisme, la charité. Dans nos sociétés modernes, urbaines, attachées aux valeurs d’efficacité, de rentabilité, de productivité, on n’a pas forcément de temps à accorder à un être fragile, dépendant. Le film Lourdes (Demaizière et Teurlai), sorti en 2019, fait des malades de Lourdes les héros du lieu. Une belle manière de montrer la compassion incarnée, en actes. Riche en références – aussi bien issues de la Bible que de témoignages, films, et essais – et en réflexion, notamment un beau chapitre sur la place du prêtre, Si tu veux, je suis là permet de s’interroger sur notre propre rapport à la compassion et à la fragilité. À la fin de chaque chapitre, quelques questions pratiques donnent des pistes de réflexion au lecteur. On critique parfois la dimension trop intellectualiste d’un certain clergé. Ce livre sincère, concret et inspiré touche le cœur et l’âme.

Éléonore de Vulpillières

ILS SONT ENTRÉS DANS L’ÉGLISE… PAR LA VOIE DE LA LITURGIE LATINE 
Témoignages réunis par Philippe Pélissier
Presses de la Délivrance, 2025, 278 pages, 20 € 

Il est une réalité à considérer : oui, la messe dite traditionnelle est missionnaire, et ce recueil de très nombreux témoignages – de conversions ou de recommençants – en est une magnifique illustration. S’ouvrant sur une préface très belle et touchante de Marcel Pérès, musicologue spécialiste des musiques anciennes et du chant grégorien, ce livre donne d’abord la parole à plusieurs prêtres célébrant dans la forme extraordinaire : l’abbé Iborra (diocèse de Paris), l’abbé Roseau (FSSP), l’abbé Marie-Jeanne (SMMD) et le chanoine Maïdanatz (ICRSP), chacun précisant son approche et son accompagnement des néophytes, sans occulter les difficultés rencontrées.
Les témoignages recueillis confirment leurs points de vue : la messe traditionnelle, avec sa solennité, son silence sacré et son orientation vers le mystère divin, a été pour certains un véritable chemin de conversion. Le rite tridentin met l’accent sur la transcendance, avec des gestes codifiés, le latin sacré et le chant grégorien. La beauté du rite peut éveiller un sentiment du sacré souvent absent ailleurs – un point particulièrement important pour les catéchumènes issus de la confession islamique.
Le prêtre tourné vers Dieu, le silence, et la liturgie centrée sur le sacrifice du Christ aident à se recentrer sur l’essentiel. Certains trouvent dans cette messe une continuité avec les siècles de foi chrétienne, ce qui renforce leur sentiment d’appartenance à une tradition vivante. Véritable chemin de conversion intérieure, ce cadre invite à la réflexion, à la confession et à une vie plus conforme à l’Évangile.
Autant de réflexions qui ne nous semblent guère originales, mais la diversité des témoignages, provenant d’horizons inattendus et improbables, leur donne une fraîcheur nouvelle. Celle-ci ne doit pas être éteinte : c’est le vibrant appel de Frédéric Guillaud, qui signe l’envoi de ce recueil.

Anne-Françoise Thès

FRANCE-ALGERIE
LE DOUBLE AVEUGLEMENT

XAVIER DRIENCOURT
Éditions de l’Observatoire, 2025, 192 pages, 20 €

Complexité, ambiguïté, aveuglement, toxicité : par ces mots qui jalonnent son ouvrage, Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, offre à ses lecteurs un examen d’une grande utilité. Il s’agit de comprendre les causes qui, depuis l’accession de l’Algérie à l’indépendance (1962), entravent l’instauration d’une relation équilibrée et apaisée avec son ancienne puissance coloniale. Sur ce point, l’auteur explique avec précision le partage de responsabilité entre les deux partenaires. Il montre comment l’Algérie, instrumentalisant l’histoire au nom de la « rente mémorielle », a suscité l’aveuglement de la France sur la réalité du régime algérien, dont il décrit bien les fragilités, surtout actuelles. L’incarcération à Alger de Boualem Sansal, auquel Driencourt dédie son livre, a fait de cet écrivain franco-algérien l’otage de ces ambiguïtés. Retenons ces deux remarques : « Les Algériens nous connaissent mieux que nous ne les connaissons » ; « L’Algérie se nourrit de la haine antifrançaise ».
La crise ouverte en 2017 avec la fameuse affirmation d’Emmanuel Macron qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », suivie de sa reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental (2024), marque une étape décisive dans les relations bilatérales, entraînant de surcroît une rupture entre le Maroc et l’Algérie mais aussi l’isolement croissant de cette dernière au niveau international.
Xavier Driencourt consacre enfin un chapitre essentiel à l’influence des 2, 6 millions d’Algériens établis sur le territoire français où ils disposent d’avantages très supérieurs aux autres populations immigrées et de nombreux réseaux (consulats, associations, influenceurs) ; il insiste sur la politisation de l’actuel recteur de la grande Mosquée de Paris, ardent défenseur du président Tebboune. Ces privilèges résultent de l’accord franco-algérien signé en 1968 qui donne aux Algériens les moyens d’échapper aux lois françaises sur l’immigration et d’autres privilèges dont l’auteur, en se référant à des principes du droit international, réclame la « renégociation », suivie d’une « dénonciation définitive » en cas de mauvaise application.
Avec lucidité et courage, l’auteur réclame de la France qu’elle se débarrasse sans état d’âme de son sentiment de culpabilité envers l’Algérie pour privilégier une relation fondée sur la réciprocité qui bénéficierait aux deux peuples.

Annie Laurent

Romans à signaler

IMPÉTRATRICE DES AIRS
PETE FROMM
Gallmeister, 2025, 430 pages, 25,50 €

Pete Fromm, révélé en France par Gallmeister, est l’une des valeurs sûres de cette étonnante et riche littérature d’outre-Atlantique. Pete Fromm est notamment l’auteur de deux chefs-d’œuvre traduits par Gallmeister, Comment tout a commencé (2013) et Mon désir le plus ardent (2018).
Ce nouveau roman, qui se déroule dans les grands espaces du Montana et du Canada, est l’histoire d’une jeune fille de 19 ans, Fiona, dont la mère a soudainement quitté le foyer alors qu’elle était encore un nourrisson pour disparaître totalement. Elle a vécu avec son père Rudy, qui l’a choyée, et Taz, le meilleur ami de son père qui, lui, a perdu sa femme à l’accouchement de sa fille, Midge, la meilleure amie de Fiona, sa confidente. Tous les quatre, avec la venue d’El qui partage la vie de Taz, forment une nouvelle famille. Mais Fiona se met en quête de savoir ce qu’est devenue sa mère et part à sa recherche au Canada. Histoire forte, émouvante souvent, de ces taiseux qui portent en eux un amour profond pour chacun des membres du clan, et qui révèle la profondeur des liens qui unissent ce petit monde cabossé aux personnalités profondément humaines et attachantes, avec toutefois une petite réserve en raison d’un bref passage trop sensuel qui réserve ce beau livre aux adultes.

Simon Walter

DOUCE FRANCE
CÉLINE CLÉBER
Éditions du Toucan, 2025 , 426 pages, 18 €

L’assassinat d’un prêtre chaldéen par un jeune délinquant désœuvré proche des milieux islamistes embrase la France, la jetant dans une guerre civile, attisée par la manipulation médiatique et les agents d’influence financés par les puissances du Golfe : des territoires entiers échappent au contrôle de l’État. Un homme intègre et lucide, conseiller « sécurité » du Président de la République, tente de sauver la situation mais se heurte à l’inertie politique ; jusqu’au bout, celui qui a tout anticipé restera seul et assistera impuissant à l’effondrement d’un monde qu’il n’a cessé de vouloir sauver.
L’auteur, haut fonctionnaire, décrit avec une précision redoutable la lâcheté, les blocages et les trahisons dont font preuve la plupart des politiques, obsédés par la communication et dont le seul empressement est de conserver leur poste ou de profiter de la situation pour tenter de s’élever. Malgré le contexte sombre, les descriptions de ce petit monde sont jubilatoires et sans filtre.
Dès les premiers chapitres, la dystopie annoncée se révèle être une réalité plus que prégnante en France. La question est de savoir à quelle page ce réalisme cessera pour laisser au lecteur le temps de souffler et de s’interroger sur le temps qu’il lui reste pour réagir. C’est d’ailleurs cette interrogation en forme d’avertissement qui clôt ce sombre récit.

Anne-Françoise Thès

© La Nef n° 384 Octobre 2025