PMA, GPA : pourquoi faire tant d’histoires ?

Après la loi sur le « mariage pour tous » en 2013, voici donc arrivée la Procréation Médicalement Assistée (PMA) « pour toutes » avant sa suite logique la Gestation Pour Autrui (GPA) « pour tous », au nom du principe d’égalité. Et, paraîtrait-il, M. Macron souhaiterait ne pas renouveler les affrontements anti et pro « mariage pour tous », mais parvenir à un texte « consensuel ». Est-ce raisonnablement possible ?
Cette loi sur la PMA « pour toutes » répond à une certaine logique qui, elle-même, est la conséquence d’un choix métaphysique de la société consumériste actuelle depuis les années 1970 : un patchwork idéologique, mélange d’utilitarisme anglo-saxon et d’existentialisme sartrien, qui proclame à la fois :
– que tout ce qui freine la satisfaction des désirs individuels est à bannir si cela permet moins de souffrance dans la société ;
– et que la satisfaction de ces désirs prime alors sur toute autre réalité (médicale, biologique, anthropologique et sociale).
Eh, bien, me diriez-vous, en quoi tout ceci est-il mauvais ? Pourquoi empêcher les homosexuels de se marier ? Pourquoi empêcher les femmes lesbiennes (ou seules) d’avoir la joie d’élever des enfants obtenus par PMA ? Ils sont, tout autant que les couples hétéros, capables de les aimer.
C’est qu’en réalité, la satisfaction de nos désirs, avec pour seul critère la diminution de notre souffrance, a une conséquence inattendue : elle diminue notre capacité à aimer et, par contrecoup, augmente la souffrance chez les autres.
Depuis Platon, il est habituel de distinguer trois dimensions à l’Amour : l’eros ou le plaisir que me procure la rencontre avec une chose ou un être ; la philia ou la joie qui résulte de la présence de l’être aimé ; l’agapè ou le sacrifice qui résulte du choix librement consenti de rechercher le bonheur de l’autre avant le sien propre.
C’est l’agapè qui pousse le Christ à accepter la croix pour nous sauver, une femme à accepter la venue d’un enfant non désiré qu’elle porte en elle, un homme à combattre, lors d’une guerre juste, pour préserver la liberté de sa famille et de ses concitoyens. C’est l’agapè qui nous fait passer du temps auprès d’un enfant qui ne comprend pas ses leçons, ou au bénéfice des plus pauvres au sein d’une association caritative.
Si les deux premières dimensions ne posent pas de problème dans le nouveau paradigme utilitaro-existentialiste, la troisième a désormais « mauvaise presse », et le mot sacrifice, trop souvent exigé de façon univoque et synonyme d’esclavage, est dé­sormais proscrit. L’agapè demande souvent l’acceptation librement consentie d’une certaine souffrance et entre ainsi directement en conflit avec la morale utilitariste qui ne distingue pas entre une souffrance subie et donc mauvaise, et une souffrance acceptée librement par amour.

Une plus grande souffrance
Le refus d’agapè dans notre société narcissique et consumériste provoque paradoxalement une plus grande souffrance induite par le refus d’aimer : souffrance post-avortement, souffrance résultante des divorces, des séparations, des disputes… Il est clair que la PMA pour « toutes » et, demain, la GPA pour « tous », conduiront aussi à des souffrances induites : entre autres la rupture délibérée du lien biologique entre l’enfant conçu par PMA et au moins un de ses géniteurs, ainsi que le refus de reconnaître l’importance de la différence sexuée dans l’éducation des enfants. Une troisième cause de souffrance induite viendra comme conséquence de la « chosification » de l’être humain, ainsi conçu comme un produit pour répondre à un désir d’adulte à l’exemple de n’importe quel bien manufacturé.
M. Macron est dans l’illusion s’il croit qu’un texte consensuel est possible sur un tel sujet quand les choix métaphysiques sous-jacents sont incompatibles : d’un côté, ceux qui placent avant tout la satisfaction des désirs narcissiques aboutissant à favoriser un amour dégradé, sans agapè ; de l’autre les partisans d’agapè, pour qui le bonheur est surtout reçu des autres (et d’un Autre, qui est le Tout-Autre) et pour qui la dignité de la personne humaine interdit de la produire en laboratoire, comme un bien de consommation, au bénéfice de quiconque.
C’est ainsi que, faisant partie de la seconde catégorie, j’irai de nouveau manifester mon opposition à l’« évolution sociétale » en cours, sous les crachats habituels de la nomenklatura libertaire, laquelle m’accusera une fois de plus d’être arriéré, homophobe et facho.

Bruno Massy de La Chesneraye

© LA NEF n°317 Septembre 2019