Opération prophète
(DVD Saje)
1956. Après trois ans d’emprisonnement par le régime communiste, le cardinal Stefan Wyszyński est rétabli primat de l’Église polonaise. Chef spirituel visionnaire, il dialogue sans relâche avec les autorités communistes pour protéger l’Église et la nation opprimées.
Ce beau film du Polonais Michal Kondrat (Faustine, Entre Ciel et Terre) sort peu après Le cardinal du Roumain Nicolae Margineanu. Dans les deux cas, il s’agit d’un grand prélat de l’Église soumis à la répression d’un totalitarisme, nazi pour l’évêque roumain Hossu, communiste pour le cardinal polonais Wyszynski (Slawomir Grzymkowski). Si le premier subit le plus la torture, le second n’est pas épargné, comme le montrent les premières images d’Opération Prophète, évoquant sa captivité (1953-1956). La torture ne saurait être poursuivie quand il est rétabli primat de Pologne, mais la répression de l’Église reste une obsession des communistes et le cardinal fait tout pour la contrer. Pour ses négociations répétées avec le chef du PC (Adam Ferency, patelin, clownesque), on le traite d’« évêque rouge ». Au contraire, il s’oppose à eux de toutes ses forces. Il s’emploie ainsi à donner la plus grande portée possible à la célébration du millénaire de la Pologne chrétienne. Le film invente avec finesse une amitié entre le cardinal et une pauvre petite sauvageonne, qui fait ressortir sa profondeur spirituelle, comme son esprit visionnaire : il pressent et soutient la marche de Solidarnosc. Vraiment, avec un mentor de cette envergure, Karol Wojtyla avait toutes les armes pour devenir le pape vainqueur du communisme.
Quitter la nuit
(10 avril 2024)
Un homme et une femme roulent en voiture, en Belgique. La femme téléphone. On n’entend que sa voix, évoquant banalement sa soirée. Puis on est transporté dans un commissariat, où une policière prend un appel au secours au téléphone. Du moins est-ce ainsi qu’elle comprend les mots hachés de la femme dans la voiture. A-t-elle intercepté sa conversation par erreur ? Vertige comique pour le spectateur, qui entend ces deux conversations parallèles ! La réalisatrice belgo-québécoise Delphine Girard, avait déjà imaginé ce procédé dans son court-métrage Une sœur. Mais celui-ci s’arrêtait quand commence vraiment notre film : la femme vient au commissariat porter plainte pour viol contre son voisin de voiture ! Une affaire trouble, car l’agresseur nie les faits, arguant, de façon convaincante, qu’un pompier comme lui ne saurait être un violeur. En face, Aly, la victime (Selma Alaoui), décide de retirer sa plainte, apeurée à la perspective du procès. La policière vient à son aide. Le film se situe ainsi dans la « zone grise » des affaires pénales, où les responsabilités ne sont pas tranchées. C’est ce qui fait la richesse et l’intérêt du film, qui sort de l’univers néo-féministe et wokiste où on le croyait confiné. Tout repose sur la finesse de l’écriture, la rigueur de la mise en scène et l’excellence des comédiens. Notamment Veerle Baetens, touchante policière.
François Maximin
© LA NEF n° 369 Mai 2024