Judith Butler et Donna Haraway © Andrew Rusk et Rusten Hogness-Commons.wikimedia.org

Origines idéologiques de la PMA

Derrière les revendications de la PMA, dont la légalisation ouvrira rapidement la voie à la GPA, il y a l’idéologie de la construction autonome, individuelle, hors nature, d’un humain nouveau.

L’actuelle idéologie progressiste au pouvoir en France ne veut voir la PMA dite « pour toutes les femmes » et la GPA, officiellement en dehors de l’ordre du jour mais depuis le « mariage pour tous » chacun sait ce qu’il en est, qui permettra à des hommes de devenir pères sans relations sexuelles avec une femme et sans processus d’adoption d’un enfant déjà né, que sous l’angle d’une avancée positive, d’un droit légitime, d’un progrès humain nécessaire. L’incapacité à discuter de cette manière de voir, à simplement accepter le moindre débat, comme c’est d’ailleurs aussi le cas concernant l’IVG, discussion et débat qui devraient pourtant être le marqueur d’une démocratie saine, s’explique en partie par la hargne d’un certain féminisme ultra qui, bien que minoritaire à l’échelle de la société, parvient à imposer ses mantras de lobby.

Un déni de démocratie au nom de la « démocratie »
Il s’agit de conceptions du monde se prétendant fondées sur les droits de l’homme, la liberté d’expression, les libertés individuelles en général. Pourtant, ces conceptions s’imposent au mépris de toute vision autre, singulièrement des visions chrétiennes ou conservatrices. La « liberté » mise en œuvre en refusant tout débat, cela rappelle de tristes périodes politiques, mais aussi une manière de pensée de type sectaire. C’est bel et bien face à cela que nous sommes concernant la PMA « pour toutes » et la future GPA pour « toutes et tous », comme ils diront : une vision autoritaire du monde mâtinée d’esprit sectaire. Quiconque refuse le cadre de pensée unique et imposé est un dangereux réactionnaire, au mieux, un extrémiste religieux et/ou de droite, au pire, mais jamais un simple citoyen de la République française ayant lui aussi accès à l’ensemble des libertés individuelles garanties par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi que par la Constitution, à commencer par la liberté d’opinion et d’expression. Si des questions telles que la PMA et la GPA, ainsi que l’avortement, sont à ce point sources de crispations et de tensions, comme de déni du minimum démocratique, c’est parce qu’elles ne correspondent pas à des réalités anthropologiques mais à une idéologie, celle de la construction autonome, individuelle, hors nature, d’un humain nouveau, idéologie dont les méfaits sont connus, que l’on pense au XXe siècle, et qui pourtant continue de séduire au point de dominer les milieux intellectuels officiels, ces derniers n’étant jamais en reste pour plonger dans le pire. Avant-hier Staline ou Mao, hier Mai 68 et le féminisme, aujourd’hui PMA, GPA et féminisme ultra.

Les sources idéologiques
Les idéologues progressistes qui tiennent le cap n’ont souvent pas d’enfants, ce n’est pas un hasard, et sont rarement hétérosexuels, sinon pour la vitrine, ce qui n’est pas plus un hasard. Il n’est aussi pas rare de croiser un militant gay, que l’on ne confondra pas avec un homosexuel, affirmant à un hétérosexuel que ce dernier n’est pas « libéré » et qu’il devrait suivre la voie du « progrès ». Jeunes, sans enfants, parfois homosexuels, hommes et femmes, ces dernières engagées dans un post-féminisme ultra, ce sont ces milieux qui veulent imposer la PMA « pour toutes » puis la GPA à l’ensemble de la société française, une société dont ils ont assez peur pour ne pas souhaiter que ces questions soient tranchées démocratiquement, c’est-à-dire par référendum. Ces idéologues, dont le président Macron est devenu le symbole, auteur avant les élections de 2017 d’un Révolution (XO, 2016), et sans doute facilitateur de la parution de l’essai Le progrès ne tombe pas du ciel (Fayard, 2019), signé par deux anciens collaborateurs du président, Ismaël Emelien et David Amiel, ne sont pas les enfants de Mai 68, du moins pas uniquement. Ils sont les rejetons de l’idéologie du progrès à l’œuvre en Occident depuis la fin du XVIIIe siècle et plus singulièrement encore depuis l’industrialisation du XIXe siècle, une idéologie dont le dogme prétend que toute limite est faite pour être dépassée par des hommes capables d’atteindre de nouveaux horizons chaque jour plus lointains, un au-delà, l’illimité. L’idéologie du progrès est une foi en un homme devenu dieu, ce qui n’est pas sans rappeler d’anciennes religions politiques, ainsi le communisme. L’homme conçu en tant que dieu, maintenant possiblement prolongé par des machines qui ne sont plus de simples outils mais des modes de remplacement de son libre arbitre, a cependant un défaut majeur : il est un homme, autrement dit le digne successeur, même inconscient, du patriarcat, source du Mal aux yeux de tout progressiste de sexe féminin qui se respecte, quand bien même elle ne croirait pas un instant en l’existence biologique de sexes masculins et féminins. Il n’empêche, l’humain masculin est patriarcal.

Tu seras post-féministe mon fils !
C’est pourquoi l’injonction féministe (« on ne naît pas femme on le devient ») puis post-féministe ultra est devenue un devoir impossible à critiquer, que l’on pense aux murs de délation que furent les « balance ton porc » et autre « metoo ». C’est dans ce cadre du post-féminisme actuellement dominant au sein d’un féminisme qui a, avec Judith Butler et Donna Haraway, deux véritables gourous mondialement lues et célèbres, qu’il convient de comprendre le refus de tout débat autour de la PMA et de la GPA.
Au commencement était la négation de la réalité : l’existence de différences biologiques entre hommes et femmes dans le but de mettre un terme à la « domination masculine » (le patriarcat). C’est le point de départ de la théorie du genre, dont la principale théoricienne est Judith Butler (Trouble dans le genre, tr. fr. 2005), qui postule que les différences entre hommes et femmes et l’hétérosexualité sont des constructions sociales et non des faits de nature. Elles pourraient donc être déconstruites et reconstruites « légitimement », ce qui ouvre la porte à toutes les formes de sexualité LGBT puis LGBTQIA+ (la suite à venir…) et à toutes les formes de négation de la réalité biologique du masculin et du féminin.
Sur cette base, le passage à des revendications du type PMA pour « toutes les femmes », autrement dit les couples lesbiens, ou GPA « pour tous », apparaît, aux yeux des militants de ce dogme, comme légitime puisque prétendument lié à des impératifs d’égalité. C’est pourquoi, dès le lendemain de la présentation du projet de loi gouvernemental à l’Assemblée Nationale, fin juillet, Médiapart criait à l’inégalité puisque le projet aurait oublié les transgenres. Dans une telle conception du monde, l’égalité s’entend comme étant une absolutisation de tous les illimités. Une fois les identités sexuelles déconstruites, toute identité reconstruite donnerait un « droit à » et donc un « droit à l’enfant ».
Nous ne sommes donc certainement pas au bout de nos surprises, d’autant que la seconde théoricienne importante en ces domaines, Donna Haraway, auteur d’un Manifeste cyborg (1991), ajoute une dose de technoscience au post-féminisme : « Rien dans le fait d’être des “femmes” (female) ne lie les femmes entre elles naturellement. Le fait même d’être une “femme” n’existe pas, il s’agit d’une catégorie hautement complexe construite dans des discours scientifiques contestés ainsi que d’autres pratiques sociales. » Il est à noter que ces auteurs sont mondialement étudiées et influentes en sciences sociales et politiques, à commencer par Sciences Po Paris où l’unité consacrée à la théorie du genre a été confiée à Najat Vallaud-Belkacem. Selon Haraway, les humains ne sont qu’un objet du monde parmi d’autres, des « cyborgs » composés de « prothèses », et peuvent en tant que tels être reconstruits, connaître des évolutions techniques et technoscientifiques. Elle en appelle donc à la venue d’une ère humaine cyborg où nous accepterions de nous dépasser en tant qu’humains devenus des machines, ère où la question de la procréation ne serait plus en débat puisqu’entièrement confiée à la technoscience. De ce point de vue, la question de la nature humaine perd en effet tout sens, tout comme celle de la reproduction, de la famille, de Dieu, de l’humanisme, de l’essentialisme…
Dans tous les cas, ces penseurs travaillent indirectement de concert à la déconstruction de l’anthropologie naturelle de l’humain et à son grand basculement dans un transhumanisme, véritable saut dans un inconnu dont les enfants nés de PMA sans père et de GPA sous toutes ses formes possibles risquent fort d’être de vraies victimes. Ainsi que les femmes devenues de banals ventres commerciaux comme il y a des centres commerciaux.

Matthieu Baumier

© LA NEF n°317 Septembre 2019