Le Palais Bourbon © Jebulon-Commons.wikimedia.org

Trois enjeux majeurs

ÉDITORIAL

Les deux mois d’été qui viennent de s’écouler, avec en arrière-fond la peur d’une résurgence de l’épidémie de Covid, ont été marqués par plusieurs événements qui permettent de bien cerner les principaux enjeux politiques et civilisationnels du proche avenir.

1/ Le vote à l’Assemblée de la loi bioéthique, le 31 juillet dans un hémicycle déserté, confirme une fracture anthropologique fondamentale entre deux visions de l’homme et de la société. Il s’agit là d’un sujet essentiel que le gouvernement a fait passer en force avec une désinvolture particulièrement choquante. Après l’avortement, « crime abominable » totalement banalisé (1), le « mariage » entre personnes de même sexe, la théorie du genre qui s’impose de plus en plus dans les institutions internationales, la manipulation des embryons humains et la PMA, en attendant la GPA qui ne peut que suivre et le transhumanisme qui n’est plus une fiction, c’est systématiquement le concept de nature humaine qui est nié, conduisant à une déconstruction et finalement à une destruction de l’homme ravalé au rang de la matière – sur ce terrain anthropologique, communistes et nazis n’ont pas fait pire que nos démocraties !

Ces questions dites « éthiques » ou de « société » posent celles des limites au pouvoir de l’homme. Jadis, ces limites s’imposaient d’elles-mêmes : par Dieu (la religion) d’abord ; par la loi naturelle, ensuite, postulant l’existence d’une commune nature humaine qui seule permet de fonder la notion de dignité de la personne humaine ; par la culture, enfin, qui formait le fonds commun d’une civilisation enracinée dans l’histoire envers laquelle les citoyens se sentaient redevables. Tout cela a été balayé au nom d’une émancipation de l’homme qui se veut affranchi de toute contrainte imposée par d’autres que lui-même.

L’idée de limite, cependant, revient en force grâce à l’écologie, chacun percevant plus clairement que des restrictions s’imposent à l’évidence pour préserver notre environnement et nos ressources. Saura-t-on franchir le pas et comprendre que « tout est lié », comme aime à le dire le pape François, notamment écologie environnementale et écologie humaine, et qu’on ne peut « sauver » la planète en détruisant l’homme ?

2/ L’accord européen de relance obtenu le 21 juillet, présenté comme « historique », va à l’encontre des beaux discours entendus en pleine pandémie de coronavirus où il était question de restaurer la souveraineté des nations, de relocaliser l’économie et de revenir à des circuits courts. Ces beaux discours ont fait long feu et l’accord européen n’est qu’une fuite en avant vers un dessaisissement croissant des nations au profit du moloch européen. Ni la France ni l’UE ne semblent avoir une quelconque conscience du danger de l’idéologie mondialiste qui exige la totale liberté des marchés et de circulation des hommes, des marchandises, des capitaux, anéantissant progressivement les nations souveraines et vidant de sa substance la démocratie qui ne peut fonctionner qu’appuyée sur des nations souveraines.

3/ Les émeutes aux États-Unis, après la mort de George Floyd, ont provoqué en France un mouvement soigneusement orchestré de haine de soi, remettant en cause notre histoire de façon aussi caricaturale qu’absurde, l’homme blanc, ne pouvant être qu’esclavagiste, étant devenu le responsable de tous les maux et tout particulièrement du malheur des immigrés et des pays jadis colonisés par l’Occident. Dans ce contexte, la Turquie islamiste d’Erdogan n’a pas hésité à affirmer la suprématie de l’islam en refaisant de la basilique Sainte-Sophie une mosquée.

Islamisme et immigration ne sont pas responsables de notre mauvaise conscience qui alimente cette délétère haine de soi, mais ils en jouent et éclairent aussi par là le problème difficile qu’ils nous posent et que l’on ne pourra résoudre dans un tel état d’esprit synonyme de faiblesse extrême.

Situation désespérée ?

Face à l’ampleur de ces périls, la situation semble quelque peu désespérée tant on ne voit pas comment ni qui pourrait mettre en œuvre les changements nécessaires pour les surmonter. Mais les circonstances étaient-elles plus favorables pour les Français face à la peste noire du XIVe siècle, ou en 1793, 1871, 1941… ?

La haine de soi qui nous habite est mortifère, elle est un fruit avarié de notre civilisation chrétienne qui est la seule, par la notion du péché, à avoir eu la capacité d’introspection pour reconnaître ses fautes – et ainsi y remédier, puisque c’est bien grâce à l’Occident que l’esclavage, par exemple, a été aboli. Cette capacité de remise en cause, qui nous fait du mal aujourd’hui, peut néanmoins nous sauver demain, en nous faisant prendre conscience des impasses dans lesquelles nous nous sommes fourvoyés. À commencer par le rejet de toute transcendance sans laquelle l’incontournable question du sens – et du sens de la vie principalement – ne trouve guère de réponse.

Christophe Geffroy

(1) Et encore aggravé par l’Assemblée, le 31 juillet en seconde lecture du projet de loi bioéthique, par l’extension de l’IMG, avortement permis jusqu’à la naissance, aux « détresses psychosociales ».

© LA NEF n°328 Septembre 2020