L’exposition de Carlo Acutis, pour la première fois à Cotignac

Vous ne la verrez jamais (il ne faut jamais dire jamais) au Grand-Palais, ni au Louvre. Encore moins au Metropolitan Museum of Art de New-York. Non, mais en ce moment vous pouvez la voir dans le sanctuaire Notre-Dame de Grâces à Cotignac, dans le Var. Et, peut-être demain dans toutes les églises de France. Carlo Acutis, béatifié à Assise, en Italie, le 10 octobre dernier, ne connaissait pas ce haut-lieu unique en France, où est apparue la Sainte Famille. S’il n’avait pas été foudroyé à l’âge de 15 ans, en 2006, par une leucémie, le bienheureux y serait certainement venu. De son vivant, il a conçu et réalisé une exposition sur les Miracles Eucharistiques. Il avait 14 ans.

Alors que la plupart des jeunes adolescents passent leur temps sur les écrans de leurs iphones, smartphones et autres « devices », comment celui que l’on surnomme communément le « geek de Dieu » a-t-il pu se lancer dans une telle aventure et réaliser une exposition internationale, qui représente près de 100 panneaux des miracles eucharistiques recensés dans le monde entier ? Carlo est un jeune de son époque, bien dans ses baskets, et, c’est aussi un as du développement informatique et du web. Depuis sa première communion, il est tombé fou amoureux du Christ. Tous les jours, il ne peut pas louper la Messe et le chapelet. Quant à l’adoration eucharistique, c’est aussi son pain quotidien. Comme il le racontait lui-même : « Mon secret, c’est d’avoir un contact quotidien avec Jésus ». Il est certainement exceptionnel ce jeune Carlo. C’est un surdoué de la grâce. À l’âge de 11 ans, il pense, déjà, à réaliser une exposition sur l’eucharistie. À l’âge de 12 ans, il devient catéchiste. Il doit être le plus jeune catéchiste d’Italie. À l’âge de 13 ans, son objectif n’est pas d’être le plus performant, le premier de sa classe, même s’il est, effectivement, brillant, et, qu’il accomplit sérieusement son devoir de jeune collégien.

Non, son objectif, c’est de devenir un saint. Il a pour modèles principaux le Christ, saint Jean et saint François d’Assise ! Il veut être un saint, « suivre l’exemple du disciple Jean, le disciple bien-aimé. Chacun de nous peut devenir un disciple bien-aimé de Jésus, comme Jean l’a été », disait-il.

« L’Eucharistie : mon autoroute pour le Ciel ! »

Carlo fait sa première communion à l’âge de 7 ans. Ce jour a été très important pour lui, comme s’il découvrait sa vocation. Comme s’il entrait en mission. Il avait écrit ce 16 juin 1998 : « Être toujours uni à Jésus, tel est le but de ma vie ». Ce désir de recevoir tous les jours de sa vie « le pain du Ciel » creuse encore plus en lui le désir de Le connaître. Par la suite, et chaque jour, il ne manqua jamais un seul rendez-vous avec la Messe, le rosaire et l’adoration eucharistique, convaincu qu’en « se tenant en face de Jésus-Eucharistie, on devient des saints ». Il était aussi très proche de Fatima, et, des voyants, Lucie, Jacinthe et Francesco. Dans son ordinateur, il avait gravé les paroles de Jacinthe : « Si les hommes savaient ce qu’est l’éternité, ils feraient tout pour changer de vie ». Carlo avait soif du Ciel. Avant de se lancer dans l’aventure de cette exposition sur les miracles eucharistiques, il avait écrit : « L’Eucharistie, c’est mon autoroute pour aller au Ciel ! » Il ne voulait pas rester seul à prendre son autoroute. Il avait inventé le « covoiturage eucharistique ». Il invitait souvent ses amis à l’accompagner à l’Église pour la Messe, le chapelet ou l’adoration. Ils étaient curieux de le voir aussi attentif aux lectures, et, à la parole de Dieu. Ils ne comprenaient pas pourquoi il s’agenouillait et se prosternait devant ce petit morceau de pain et devant cette coupe remplie d’eau et de vin, au moment de la consécration. « Comment Jésus peut-il être présent ? », lui demandaient-ils.

Le miracle eucharistique, c’est quoi ?

Pour saint Thomas d’Aquin, « C’est là ta puissance, Seigneur, qui seule opère de grandes choses. C’est Toi qui as institué et confié à tes disciples ce sacrement où tout est miracle. » Pour saint Jean-Paul II, dans sa lettre encyclique « Ecclesia de Eucharistia », parue en avril 2003 : « L’Église vit de l’Eucharistie. Cette vérité n’exprime pas seulement une expérience quotidienne de foi, mais elle comporte en synthèse le cœur du mystère de l’Église. Dans la joie, elle fait l’expérience, sous de multiples formes, de la continuelle réalisation de la promesse : ‶ Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ″ (Mt 28, 20).

Mais, dans l’Eucharistie, par la transformation du pain et du vin en corps et sang du Seigneur, elle jouit de cette présence avec une intensité unique. Depuis que, à la Pentecôte, l’Église, peuple de la Nouvelle Alliance, a commencé son pèlerinage vers la patrie céleste, le divin Sacrement a continué à marquer ses journées, les remplissant d’espérance confiante. À juste titre, le Concile Vatican II a proclamé que le Sacrifice eucharistique est ‶ source et sommet de toute la vie chrétienne ″. La très sainte Eucharistie contient en effet l’ensemble des biens spirituels de l’Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, qui par sa chair, vivifiée par l’Esprit Saint et vivifiante, procure la vie aux hommes. C’est pourquoi l’Église a le regard constamment fixé sur son Seigneur, présent dans le Sacrement de l’autel, dans lequel elle découvre la pleine manifestation de son immense amour. »

En Italie, le miracle de Lanciano

À 11 ans, Carlo entreprend, donc, ce projet un peu fou : monter une exposition internationale sur les Miracles Eucharistiques. Le sujet le fascine, et, le façonne, également. Il se documente, se renseigne. Il fait des recherches sur internet, interroge ses parents, le curé de sa paroisse. Du côté de ses amis la curiosité est réelle. Mais ils ne sont pas attirés par la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie. Ils sont attirés par le fantastique, la magie, le virtuel. Carlo va les toucher en diffusant d’abord sur le net les miracles eucharistiques. Il présente le miracle eucharistique de Lanciano, petite ville qui se situe à 240 km à l’est de Rome, en Italie. Au début du 8è siècle, dans l’église saint Legonziano, un moine basilien célèbre la Messe. Il doute depuis quelque temps de la présence réelle. Après la consécration, il voit que l’hostie est en train de brunir et de se transformer. Il voit de la chair se former. Il regarde, aussi, le calice et constate que le vin s’est transformé en sang. Sang qui se coagulera en cinq petits caillots différents. Les fidèles qui assistent à la Messe l’ont, également, constaté et en témoignent. Ce miracle eucharistique aurait pu tomber dans l’oubli, surtout après que le parchemin de l’époque qui en fait mention ait disparu. Mais les reliques, elles, furent toujours conservées. Et, en 1970, sous l’impulsion de l’archevêque de Lanciano, Mgr Perantoni, elles sont remises au goût du jour. Elles sont analysées par un laboratoire indépendant. Les résultats sont étonnants : le sang et la chair des espèces transformées portent le même groupe sanguin AB que celui du Saint-Suaire. Le sang est dit « frais », non-altéré, comme s’il avait été prélevé sur une personne vivante.

En France, le miracle d’Avignon

En France, en 1433, le 30 novembre, les pluies cévenoles causent des dégâts importants dans le sud. À Avignon, le Rhône déborde tellement qu’il investit la ville. Dans la vieille ville, à l’intérieur de la chapelle des Pénitents Gris, le Saint-Sacrement est exposé dans son ostensoir. L’eau rentre dans la chapelle. Des membres de la confrérie des Pénitents Gris décident alors d’aller sauver l’Eucharistie exposée. Ils sautent dans une barque et se dirigent rapidement à coups de rames forcées vers la chapelle. Ils ouvrent les lourdes portes et voient l’ostensoir toujours sur l’autel. L’eau, à l’intérieur, s’est miraculeusement écartée à gauche et à droite, et, n’a même pas effleuré le maître-autel. Aujourd’hui encore les frères célèbrent ce miracle, qui ressemble étrangement au temps de Moïse et du passage du peuple Juif de la mer Rouge, à pieds secs. En France, des dizaines de miracles eucharistiques sont recensées. À Paris, à Bordeaux, à Dijon, à La Rochelle. À Douai, en 1254, dans la collégiale Saint-Pierre le visage de Jésus apparaît dans l’hostie. À Paris, en 1290, un athée vole une hostie consacrée pour la profaner. De retour chez lui, il la jette dans sa marmite, au feu. Il voit alors l’hostie jaillir de l’eau bouillante et se transformer en crucifix.

Le pape François et les miracles en Argentine

Alors qu’il n’est pas encore archevêque de Buenos Aires, le futur pape François, Jorge Mario Bergoglio est témoin en 1996 d’un miracle eucharistique. Le père Alejandro Pezet célébrait la messe du 15 août, lorsqu’une femme vint lui dire qu’elle avait trouvé une hostie tombée au fond de l’église. Le père la plaça dans un petit récipient d’eau qu’il rangea dans le tabernacle de la chapelle du Saint Sacrement. Une semaine après, il constata que l’Hostie non seulement ne s’était pas diluée, mais qu’elle s’était transformée en sang. Mgr Bergoglio fut informé. Il fit prendre des photos et demanda à un laboratoire indépendant de New York de l’étudier. Le docteur Zugiba fit cette déclaration étonnante : « la matière analysée est un fragment du muscle du cœur qui se trouve dans la paroi du ventricule gauche, près des valves. Ce muscle est responsable de la contraction du cœur. On doit se rappeler que le ventricule gauche du cœur agit comme une pompe qui envoie le sang à travers tout le corps.

Le muscle cardiaque est dans un état d’inflammation et contient un nombre important de globules blancs. Ceci indique que le cœur était vivant au moment où l’échantillon a été prélevé. J’affirme que le cœur était vivant étant donné que les globules blancs meurent en dehors d’un organisme vivant…Par ailleurs, ces globules blancs avaient pénétré les tissus, ce qui indique d’autant plus que le cœur avait été soumis à un stress intense, comme si son propriétaire avait été battu sévèrement au niveau de la poitrine. » En 1992 et en 1994, deux miracles avaient déjà eu lieu à Buenos Aires.

Le dernier miracle reconnu

C’était il y a 7 ans, le jour de Noël, le 25 décembre 2013. En Pologne, à Legnica, dans le sud-ouest, à 77 km de Wroclaw, comme à Buenos Aires, dans l’église Saint-Hyacinthe, une Hostie tombée sur le sol est ensuite placée dans un récipient d’eau. Au bout de quelques jours, une tache rouge apparaît. Elle est analysée à la demande de l’évêque, Mgr Stefan Cichy. Le laboratoire fit des constats qui ressemblent à ceux de Buenos Aires. Il ajouta que le muscle du cœur avait eu « des altérations qui apparaissent souvent pendant l’agonie. » Depuis 2020, on le comprend les miracles eucharistiques ponctuent en exclamation la vie de l’Église et du monde entier. Qu’ils soient croyants, prêtres, fidèles, évêques et futurs papes. Qu’ils soient athées ou anti-cléricaux. Tous ont été marqués par ces miracles qui ont transformé leur vie et approfondi leur foi. Certains se sont convertis. A la suite du miracle eucharistique de 1263 à Bolsena, le pape Urbain IV a institué la fête du Saint-Sacrement dans toute l’Église. Plus récemment, le pape François, lors de la fête du Saint-Sacrement, a invité tous les baptisés à faire « cela en mémoire de moi » (1 Co 11, 24). Et, il a ajouté : « Faites : l’Eucharistie n’est pas un simple souvenir, c’est un fait : c’est la Pâques du Seigneur qui revit pour nous. Nous ne pouvons pas nous en passer, c’est le mémorial de Dieu. Et il nous guérit ». À travers son exposition, Carlo Acutis est pour ainsi dire « l’apôtre de l’Eucharistie ». À Cotignac, dans le Var, là où est apparue la Sainte Famille, l’exposition a trouvé un écrin sur-mesure. Elle prendra fin le 9 janvier 2021.

Texte et photos réalisés par Antoine BORDIER

© LA NEF le 4 décembre 2020, exclusivité internet