Elizabeth II © Pixabay

Leçon de la mort d’Élizabeth II

L’ampleur des réactions et de la couverture médiatique réservée à la mort d’Élizabeth II n’ont-elles pas été démesurées ? Certes, le personnage était hors du commun, mais justifiait-il d’occuper autant d’heures d’antenne et de faire durant une semaine la Une de quasiment toute la presse ? La chose est d’autant plus curieuse que la reine d’Angleterre – comme toutes les Couronnes régnant encore sur la vieille Europe – n’avait pas de pouvoirs. Face au déclin de notre civilisation, les royautés européennes, au demeurant, ne se distinguent nullement des républiques ; en aucune façon elles n’ont été un frein à la déchristianisation ou à la déconstruction anthropologique à laquelle nous assistons.
Et pourtant, la ferveur populaire suscitée par cette disparition a été impressionnante, et pas seulement en Angleterre, alors même que son règne a duré 70 ans ! Et force est de constater que la cérémonie des obsèques, le 19 septembre, aura montré une classe et une grandeur qui en imposaient. Peut-être est-ce là le secret de cette popularité. Dans un monde où tout file à une vitesse vertigineuse, où le passé est le plus souvent vilipendé ou ridiculisé, la royauté britannique, malgré bien des signes de dégénérescence et une existence réduite au symbole – mais symboles et rites n’ont-ils pas leur importance ? –, incarne un ancrage dans l’histoire longue, une verticalité et une permanence dont les peuples ont besoin. D’autant que l’absence de pouvoir politique, plaçant désormais le roi ou la reine au-dessus de la mêlée, favorise son rôle de garant de l’unité nationale. En France, la Révolution a détruit tout cela ; quand on voit la leçon que l’Angleterre vient de donner au monde, on comprend sans peine que nous n’y avons rien gagné.

Christophe Geffroy

© LA NEF n°351 Octobre 2022