Lola : la droite prise en otage

TRIBUNE LIBRE

C’est devenu une habitude : depuis quelques années, des groupes organisés de Français que la presse de grand chemin ou de gauche qualifie d’extrême droite, et qui sont hélas presque prêts eux-mêmes de se qualifier ainsi, salissent et pourrissent, pour certains de bonne foi qui est souvent l’autre nom de la bêtise, pour d’autres dans des visées plus sombres et moins glorieuses – appétits banals de lucre, de gloire et de narcissisme – salissent donc tout ce que la droite a cru, aimé, tout ce pour quoi elle a lutté depuis deux cents ans. C’est-à-dire la concorde nationale, le souci du faible, le goût de l’honneur et la soif de vérité, notamment.

Ces groupes organisés ont cru qu’il suffisait de devenir une autre gauche, c’est-à-dire d’user des mêmes moyens qu’elle sans comprendre que cela corrompait nécessairement les fins, et ont pris la droite en otage. En fait de bataille culturelle, ils ont bâti un anti-BFM et s’en sont félicités. En fait de connexion au réel, ils ont saturé les réseaux sociaux, et ont crié victoire. En fait d’idées, ils se sont rangés derrière un polémiste de plateau qu’ils ont pris pour Trotski.

Le dernier quiproquo en date s’appelait Lola. On sait ce qui lui est advenu et on sait l’origine de sa bourrelle. De cette ignominie qui jusqu’à plus ample informé ne démontre rien, sinon l’infernale présence du mal dans la nature humaine, ils ont bâti un plan de communication depuis les réseaux sociaux jusqu’à la rue qui a mal tourné et a prêté le flanc avec une admirable maladresse aux accusations de récupération politique.

Certains se demandent ce qu’est « une récupération politique ». Éclairons leur lanterne : c’est user de l’émotion suscitée dans le peuple par un fait isolé pour prouver expérimentalement l’idée que l’on avait théorisée auparavant. Que ce que l’on avait démontré soit juste ou non n’est pas le problème, mais le mode opératoire lui-même. Est récupération l’exploitation de l’événement singulier. Or, la singularité atroce de l’assassinat de l’enfant Lola par ce qui ressemble très fort à une psychotique – ou une schizophrène– algérienne ne constitue pas une preuve supplémentaire de l’absurdité de la non-application des OQTF. Celles-ci, c’est évident, ne sont pas mises en œuvre moitié par effet de notre impuissance (manque de policiers, lois et réglementations kafkaïennes, refus des pays d’origine d’accepter le retour de leurs ressortissants), moitié par effet de la collaboration active, et souvent criminelle, d’associations de « défense des migrants » qui ont fait leur métier d’empêcher l’application de la loi au nom de mauvaises considérations humanitaires.

Mais tout cela nous le savions depuis longtemps. Et dix, cent exemples récents d’ennemis indûment présents sur notre sol œuvrant au nom de Monsieur Allahou Akbar nous avaient ouvert les yeux, mis en garde et auraient dû stimuler nos gouvernants. Ce sont ces méfaits-là, de criminels clandestins, qui devaient servir d’exemples pour prouver un danger systémique. Et non pas le crime de Dahbia Machin sur l’enfant Lola. Pouvait-on tirer une leçon de cet événement ? Peut-être, mais pas en vociférant immédiatement dans la rue, sans jamais songer ni à la douleur de la famille qui certainement avait besoin de silence, ni à ce qu’était réellement ce fait dont le mobile demeure heureusement rare. Dire qu’il y a trop de fous dans la nature en France n’est pas la même chose que vouloir réduire l’immigration, légale ou non, depuis certains pays – en l’occurrence ceux du Maghreb.

Mais ces groupes de Français organisés qui se disent de droite ou d’extrême droite au mépris de toute pensée, de toute profondeur, de toute morale, de toute réflexion, pressés d’exister médiatiquement et pressés d’en finir avec ce qu’ils supposent être l’origine de tout mal, se sont jetés sur l’événement tragique avec l’énergie de la meute. Durant que d’autres Français, eux aussi de droite, pas moins traumatisés qu’eux par le meurtre, tentaient de lui conférer le deuil digne qu’il méritait, ils ont appelé sur eux-mêmes et sur leur idéologie toute l’attention, ajoutant la fureur à l’erreur.

Deux droites se sont donc déchirées à l’occasion, avec un net déséquilibre médiatique en faveur de celle qui errait, hélas.

Et, pis, dans ce duel d’ombres fantastiques avec une gauche lamentable, comme son nom l’indique, qui a hurlé au rien et fait semblant de ne pas voir qu’il s’était passé quelque chose d’abject dans le XIXe arrondissement, ces groupes organisés de Français se disant de droite ont empêché une fois encore l’élaboration d’une vraie politique pour rebâtir une vraie France. Ils ont gaspillé dans des noms de domaine les dernières réserves stratégiques de France accumulées par le lent travail de leurs cent générations d’aïeux. Ils ont bâti une fausse droite miroir de la gauche. Mais deux miroirs mis face à face ne reflètent que le vide.

Jacques de Guillebon

© LA NEF le 25 octobre 2022, exclusivité internet