Statue de Clara Campoamor à Saint-Sébastien © Sami Mlouhi / Wikimedia

Féminisme hispanique : deux figures de proue victimes du politiquement correct

Cet article présente deux figures de proue du féminisme hispanique victimes de l’historiquement correct : Campoamor et Formica.

La doxa et l’idéologie progressistes font du mouvement pour les droits des femmes une chasse gardée du féminisme radical, du wokisme et du néo-socialisme-marxiste culturel. De manière significative, dans l’Espagne du début du XXIe siècle, les figures de proue du féminisme les plus citées dans les grands médias, sont les socialistes Victoria Kent, Margarita Nelken, Carmen de Burgos y Segui, les léninistes et staliniennes Dolores Ibarruri et Matilde Landa et l’anarchiste Federica Montseny. Ailleurs ? Rien ou presque rien. Même la célèbre et talentueuse écrivaine, Emilia Pardo Bazán, suscite gêne et hostilité au prétexte qu’elle a eu des convictions conservatrices voire traditionalistes-carlistes. D’autres exemples ? Des féministes aussi importantes que María Espinosa de los Monteros ou Consuelo Gómez Ramos, pour ne citer qu’elles, sont mises à l’index pour avoir défendu un féminisme conservateur catholique ou pour avoir occupé des charges publiques sous la dictature de Miguel Primo de Rivera.

Autre cas non moins révélateur : la républicaine-libérale Clara Campoamor. Honorée et admirée, souvent citée comme la plus prestigieuse féministe espagnole des années trente, Campoamor voit sa biographie constamment édulcorée pour éviter d’évoquer sa critique sévère des provocations du Front populaire à la veille du déclenchement de la guerre civile. Quant à l’avocate Mercedes Formica, elle est un exemple archétypal d’amnésie idéologique. Artisan majeur de l’émancipation de la femme sous le régime franquiste, ses convictions phalangistes-joséantoniennes (et non pas franquistes), affirmées tout au long de sa vie, lui valent un silence sépulcral.

Clara Campoamor Rodriguez et Mercedes Formica-Corsi, sont à n’en pas douter deux victimes presque parfaites de « l’historiquement correct » qui sévit en Espagne et dans l’Europe de ce début de siècle. La biographie de l’une est constamment biaisée, instrumentalisée et manipulée, et celle de l’autre, parfois caricaturée, est le plus souvent ignorée ou passée sous silence. En cela, elles méritent les deux d’être repensées, réévaluées ou revisitées.

Clara Campoamor : la biographie édulcorée d’une féministe républicaine opposée au Front populaire

Clara Campoamor est née à Madrid le 12 février 1888 (1). Encore enfant, elle perd son père et doit aider très tôt sa mère pour survivre. Elle est successivement modiste, employée de commerce, fonctionnaire des Postes et enseignante en mécanographie. Elle reprend par la suite ses études, entre à l’Université, obtient une licence en droit et s’inscrit au Collège des avocats de Madrid, en 1925. Conférencière réputée, elle participe à la fondation de la Fédération internationale des femmes de profession juridique et à celle de la Ligue féminine espagnole pour la paix.

En 1930, à quarante-deux ans, à la veille de la proclamation de la IIe République, Clara Campoamor, se lance dans la politique. Elle fait partie du conseil national de l’Acción Republicana de Manuel Azaña, embryon du parti de centre gauche qui sera créé officiellement par lui en 1931. Mais très vite, elle abandonne cette formation pour s’inscrire au Parti radical d’Alejandro Lerroux, un parti centriste, alors plutôt classé à droite. Le 28 juin de la même année, lors des élections générales, elle est élue députée dans une des circonscriptions de Madrid. Un mois plus tard, elle est nommée par son parti membre de la Commission chargée de rédiger la Constitution. Elle obtient que l’avant-projet de loi fondamentale proclame les pleins droits de la femme en matière de suffrage. Lors des débats aux Cortès, à l’heure de défendre le texte, elle se heurte à une autre femme, la députée radicale-socialiste Victoria Kent. Comme beaucoup de militantes de gauche, Kent se prononce contre le droit de vote des femmes et demande son report craignant que celui-ci ne favorise la droite en raison des convictions catholiques d’un trop grand nombre de femmes espagnoles. Quelques jours plus tôt, une élue célèbre du PSOE, Margarita Nelken, plus tard affiliée au PCE, émet le même avis dans la presse. Cette attitude peut sembler paradoxale, mais elle était alors en accord avec l’opinion d’un bon nombre de dirigeants socialo-marxistes qui, par “élitisme”, partageaient avec la droite conservatrice et libérale la même méfiance et le même mépris du peuple jugé inculte, qui se devait d’accepter de gré ou de force d’être guidé par l’élite éclairée.

Après les prises de parole successives, de Kent et de Campoamor, le parlement espagnol se trouva divisé en deux blocs. Indalecio Prieto, leader socialiste, lui aussi opposé au vote des femmes, quitta la salle avant le vote. Le résultat final fut éclairant : 161 voix en faveur, 121 contre et 188 abstentions. Si l’on tient compte du fait que le PSOE avait 116 députés et que le Parti républicain radical socialiste en avait 61, sur un total de 177 députés socialistes, 83 votèrent pour et 94 contre. 40% des élus de la chambre s’abstinrent ou étaient absents. C’est donc bien, soulignons-le, contre la volonté d’une majorité de députés de gauche – socialistes et radicaux socialistes (les députés de droite étant très minoritaires dans cette chambre) -, que le principe du droit de vote des femmes en Espagne a été acquis.  Un principe adopté avant la France puisque les femmes françaises ont dû attendre le gouvernement provisoire du général de Gaulle, en 1944, pour être enfin elles aussi électrices et éligibles comme les hommes.

À l’occasion de ce vote, l’intervention de Clara Campoamor a été décisive. Il lui revient l’honneur d’avoir été la députée qui a le plus contribué à l’obtention du droit de vote des femmes. Mais encore faut-il rappeler ici un point important : Campoamor appartenait au parti radical d’Alejandro Lerroux, un parti républicain et libéral, nourri de francs-maçons anticatholiques, dont elle était députée de 1931 à 1933. Elle n’était donc pas une militante ou sympathisante socialiste, comme le disent ou le laissent entendre aujourd’hui bon nombre de leaders et historiens-militants du PSOE qui cherchent à s’approprier sa figure. Elle rejetait même expressément le socialisme marxiste et le communisme.

Figure politique prestigieuse, Clara Campoamor était, sous le même gouvernement, directrice générale de Beneficiencia y Asistencia Social et déléguée de la République espagnole à la SDN. Elle a également été l’un des principaux rédacteurs de la loi établissant le divorce en Espagne, en 1932. Mais son histoire mal connue ou méconnue ne s’arrête pas là. Au lendemain du soulèvement socialiste d’octobre 1934 contre la République (gouvernement du radical Lerroux), Clara Campoamor, qui était en désaccord sur la manière de réprimer les responsables de l’insurrection, a décidé de quitter le Parti radical. Elle a tenté par la suite de rejoindre la Izquierda Republicana, parti de la gauche bourgeoise de Manuel Azaña, mais son admission a été refusée. Le “péché capital” qu’on lui reprochait – dira-t-elle -, était le vote des femmes qui, selon ses adversaires, aurait eu pour effet d’entrainer une victoire de la droite aux élections générales de novembre 1933. C’est du moins l’interprétation de la plupart des leaders de gauche de l’époque, qui, ne fait pas aujourd’hui l’unanimité des historiens, la défaite des gauches s’expliquant davantage par la déception d’une partie de l’électorat et l’usure du pouvoir que par l’importance du nouveau vote féminin.

Mais le calvaire politique de Campoamor ne faisait alors que commencer. Il est dit et écrit trop souvent, et de manière imprécise, qu’elle s’exila volontairement pour échapper aux affres de la guerre civile. La vérité est moins reluisante pour ses adversaires de gauche et d’extrême gauche. En réalité, en septembre 1936, craignant d’être arrêtée et sommairement exécutée dans l’une ou l’autre des 345 tchékas de Madrid, elle a fui avec sa famille la zone du Front populaire ne voulant pas, comme elle l’a écrit plus tard, “être un de ces détails sacrifiés inutilement”. Ayant réussi à rejoindre la Suisse, via l’Italie, elle a publié moins d’un an plus tard à Paris, La Révolution espagnole vue par une républicaine (Plon, 1937), ouvrage édifiant qui, de manière révélatrice, ne sera édité en Espagne qu’au début des années 2000.

Dans ce livre, Clara Campoamor analyse les origines de la guerre civile et dénonce sévèrement les violations de la légalité républicaine par le gouvernement du Front populaire issu des élections de février 1936. Elle explique comment la situation s’est très vite dégradée ; comment le gouvernement, indécis et inactif, s’est avéré incapable de maintenir l’ordre public, d’empêcher les violences physiques et les assassinats. Elle souligne à quel point la gauche, les socialistes et les communistes, s’étaient préparés à la guerre cachant soigneusement de véritables arsenaux d’armes et de munitions, formant et organisant des milices instruites militairement. Elle raconte comment dès les premiers jours de ce conflit fratricide la terreur gauchiste s’est étendue à de plus en plus de victimes ; comment la persécution politique s’est répandue dans toute la zone du Front populaire. Un document capital, qui à lui seul permet de prendre la mesure du parti pris de la centaine d’universitaires, journalistes et polémistes français prétendument « scandalisés » par la publication dans Le Figaro d’un entretien (suivi d’une vidéo) à l’occasion de l’édition française du bestseller de l’historien Pío Moa Les Mythes de la guerre d’Espagne (2022).

Clara Campoamor a résumé son témoignage dans “Les causes de la faiblesse des gouvernementaux, vues par une républicaine”, un article publié après sa mort dans un numéro spécial de la revue Histoire pour tous (La guerre d’Espagne, nº16, février-mars 1980). En voici quelques brefs extraits pour l’édification du lecteur :

“Dès les premiers jours de la lutte une âpre terreur a régné à Madrid. L’opinion publique a été tentée au premier abord de mettre les violences commises dans les villes, et en particulier à Madrid, sur le compte des anarchistes. L’histoire dira un jour si c’est avec justice qu’on les a chargés de ces faits. En tout cas c’est aux gouvernementaux sans distinction à en assumer la responsabilité”.

Comme le montrent avec éloquence les exhortations des journaux gouvernementaux, la terreur régnait à l’arrière depuis le commencement de la lutte. Des patrouilles de miliciens commencèrent à opérer des arrestations dans les domiciles ou dans la rue, partout où ils croyaient trouver des éléments ennemis. Les miliciens, en dehors de toute légalité, s’érigeaient en juges populaires et faisaient suivre leurs arrestations de fusillades”. “Les gardiens de la loi étaient ou indifférents ou impuissants devant le nombre d’exécuteurs qui accomplissaient cette odieuse tâche ”.

Au début on visait les éléments fascistes. Puis la distinction s’effaça. On arrêtait et on fusillait les gens appartenant à la droite, puis ses sympathisants, ensuite les membres du parti radical de M. Lerroux, quelque fois même – erreur tragique ou vengeance de classe – des membres du parti de la Gauche républicaine […] Quand on constatait ces erreurs, on mettait les assassinats sur le dos des fascistes et on continuait […] Le gouvernement trouvait chaque matin soixante, quatre-vingts ou cent morts couchés aux alentours de la ville”.

Et pourtant le gouvernement aurait pu arrêter les pillages et l’anarchie, car il avait à sa disposition la garde civile qui, très nombreuse à Madrid, ne s’était pas mise du côté des insurgés. Cette force, par son nombre et par sa formation, aurait suffi pour maintenir l’ordre dans la capitale si on avait voulu l’employer”. “Le gouvernement ne voulut donc pas utiliser cette force qui, pour rétablir l’ordre, aurait dû réprimer les actes de violence des miliciens”.

Pendant la nuit, Madrid ne dormait pas, elle tremblait. Chacun écoutait attentivement les bruits de la rue, guettait les pas dans l’escalier […] s’attendait toujours à une perquisition des miliciens”. “Madrid était tombée au plus bas degré de la désorganisation et du mauvais goût”. “Mais il aurait fallu pouvoir se cacher sous terre pour se soustraire à la férocité des carnassiers de l’arrière”.

Sur les milliers de prisonniers enfermés à la prison centrale de Madrid, deux jeunes gens seulement arrivèrent à s’évader. Tous les autres furent massacrés. Parmi eux se trouvaient des personnalités connues telles que M. Melquíades Alvarez, député au Parlement, ancien républicain, chef du parti républicain libéral démocrate et M. Rico Avelló, ex ministre de l’intérieur dans le gouvernement présidé par M. Martinez Barrio en 1933, et haut-commissaire au Maroc en février 1936. La fusillade retentit toute la nuit à l’intérieur de la prison semant la terreur dans les maisons voisines”.

Ces derniers faits décidèrent enfin le gouvernement à prendre la direction de la répression en formant un tribunal, composé de membres de la magistrature et d’un jury populaire recruté dans tous les partis inscrits au Front Populaire. Ce tribunal, étant donné la publicité qu’auraient ses jugements, serait obligé d’en mesurer la portée et de les justifier. Pourtant, il ne craignit pas de prononcer des condamnations telles que celles de MM Salazar Alonso, Abad Conde et Rafael Guerra del Rio, ex ministres du parti radical dans le cabinet Lerroux accusés – d’ailleurs sans aucune preuve – d’avoir favorisé le soulèvement. Leur faute était tout autre, c’était d’appartenir à l’ancien parti radical, sous le gouvernement duquel ils avaient été plusieurs fois ministres”.

On a beau dire que, dans l’exaspération provoquée par une guerre civile, tous ces excès peuvent s’expliquer, ils restent injustifiables. Les citoyens paisibles, le commerçant modeste, le fonctionnaire, le petit bourgeois, en somme tous ceux qui ne regardent pas la vie sur le plan historique mais telle qu’elle se présente au jour le jour, comprirent tout à coup le danger que constituait pour eux cette terreur exercée par une populace rancunière, et envenimée par une haineuse propagande de classe”.

Oui la solde de dix pesetas par jour, payée aux miliciens et aux miliciennes, la parade dans la ville et, pour certains, le pillage et la vengeance, étaient des appâts suffisants pour attirer dans les milices beaucoup de gens qui auraient dû être en prison”. “La débauche régnait au front et de nombreux combattants durent être hospitalisés”.

Les terroristes ont travaillé en faveur des insurgés avec plus de succès que leurs propres partisans. Ces éléments ont toujours imposé au gouvernement la continuation de la lutte et pour cause […]. Ils ont la vie rêvée : pourvus d’argent, pillant, massacrant et assouvissant leur soif de vengeance et leurs plus bas instincts”.

On comprend que les admirateurs et apologistes du Front populaire aient boycotté ou passé sous silence le témoignage honnête et sévère de cette républicaine, antifranquiste notoire. Ignorée ou marginalisée par les deux camps, Campoamor a connu l’exil, d’abord en Suisse, puis, à partir de 1938, en Argentine, avant de retourner à Lausanne, en 1955. Elle a vécu de sa plume et de sa profession d’avocate, multipliant articles et conférences. Ses trois demandes d’autorisation de rentrer définitivement en Espagne, qui ont été faites en se rendant pour cela à trois reprises dans son pays, entre 1948 et 1955, ont été rejetées. En 1964, le Tribunal pour la répression de la franc maçonnerie et du communisme a été supprimé, mais à cette date Clara Campoamor avait déjà renoncé depuis longtemps à son projet de retour. Décédée d’un cancer à Lausanne, le 30 avril 1972, son corps a été incinéré et les cendres déposées au cimetière de Polloe à Saint Sébastien, conformément à ses dernières volontés. Une histoire scandaleusement déformée par une « communication publique » que l’on a de plus en plus de peine à distinguer de la propagande.

Mercedes Formica : la féministe joséantonienne devenue paria

L’avocate Mercedes Formica est aujourd’hui la moins connue des féministes espagnoles, et la plus volontairement oubliée, mais sa biographie n’en est pas moins tout à fait digne d’admiration. Mercedes Formica Corsi-Hezode (2) est née le 8 octobre 1916, à Cadix, au sein d’une famille relativement aisée. Son père, ingénieur, dirigeait la Compagnie de gaz et d’électricité de Séville. Elle était la seconde d’une fratrie de six enfants qui tous vécurent leur prime jeunesse paisiblement, sans problème majeur, entre Séville, Cadix et Cordoue. Sa mère Amalia Hezode voulait que sa fille puisse un jour travailler, être libre, indépendante et se marier par amour. Elle l’a toujours poussé à passer le baccalauréat et à faire des études. Mercedes a d’ailleurs été la seule jeune femme de Séville à s’inscrire à la faculté de droit en 1932. Une année malheureusement très sombre pour elle puisqu’elle a été marquée par la destruction du foyer familial. Son père a décidé de refaire sa vie avec une jeune femme de nationalité allemande. La séparation a été d’autant plus douloureuse pour sa mère, que, refusant le divorce à l’amiable, elle a automatiquement perdu l’autorité parentale. Pire encore, à la demande du mari et de son avocat, la justice l’a enjoint de déménager à Madrid avec ses filles dont l’une avait à peine trois ans. Amalia ne devait plus revoir son unique garçon qu’à l’occasion de rares vacances ; jusqu’à sa mort, au total, à peine quelques semaines. L’extrême modicité de la pension alimentaire allouée l’a condamnée à vivre avec ses filles dans un total dénuement. Seules des bourses d’études ont permis à Mercedes de poursuivre un cursus universitaire normal.

La loi sur le divorce, adoptée sous la République en 1932, était en fait très favorable à l’homme ; elle consacrait le triomphe du plus fort, le seul vraiment protégé par la loi. Le domicile conjugal était conçu par ce texte comme la « maison du mari » et lui donnait le droit, humiliant pour la femme, de s’en débarrasser en la « déposant » chez ses parents ou dans un tout autre lieu à sa convenance. Mercedes, encore adolescente, ne devait jamais oublier la terrible blessure et le chagrin infligés par son père à sa mère.

Intelligente, travailleuse, d’une extrême beauté, dotée par ailleurs d’une personnalité très charismatique, Mercedes Formica a été avocate, historienne, romancière et féministe (bien que cette étiquette ne lui ait jamais plu). De son œuvre proprement littéraire on retiendra les romans Monte de Sancha (1950), La ciudad perdida (1951), El secreto (1953), A instancia de parte (1955), La hija de Don Juan de Austria (1972), María Mendoza (1979), La infancia (1987), Collar de ámbar (1989) et la trilogie de ses Mémoires Visto y vivido (1982), Escucho el silencio (1984) et Espejo roto y espejuelos (1998). Cela étant, malgré un indéniable talent littéraire, c’est surtout son engagement politico-social qui l’a rendu célèbre.

Mariée en 1937 avec Eduardo Llosent Marañon, poète et homme de lettre, Mercedes Formica côtoie tous les intellectuels du Madrid de l’après-guerre civile (3). Son mari, ancien directeur de la revue Mediodia à Séville, était avant-guerre l’ami des poètes García Lorca, Gerardo Diego, Rafael Alberti et Dámaso Alonso. Il était aussi connu pour avoir contribué au livre-hommage Coronas de sonetos en honor a José Antonio, avec le poème “Éternité de José Antonio”. Proche du philosophe Eugenio d’Ors, il fut bientôt nommé directeur du Musée national d’art moderne (aujourd’hui Museo Reina Sofia). Mais le bonheur du couple n’a duré qu’un temps. Séparée, Mercedes Formica a obtenu l’annulation de son mariage par le tribunal de la Rote romaine, et a épousé en secondes noces, en 1962, José María de Careaga y Urquijo, maire de Bilbao, Secrétaire général technique du ministère de l’industrie.

L’engagement politico-social de Mercedes Formica remonte au tout début de sa vie d’étudiante. Elle raconte dans ses Mémoires, que lors d’une visite chez des amis, un dimanche d’octobre 1933, en entrant dans le salon, elle a entendu une voix d’homme à la radio prononçant ces quelques mots : « Nous ne sommes pas un parti de gauche, qui pour tout détruire, détruit même ce qu’il y a de bon, ni de droite, qui pour tout conserver, conserve même ce qui est injuste ». Cette rencontre « radiophonique » fortuite avec le jeune avocat José Antonio Primo de Rivera, lors de la retransmission du discours de fondation de la Phalange, a conditionné toute sa vie. Des années plus tard, elle écrira sans ambages dans Visto y vivido (1982): [cet homme] « jeune, intelligent, courageux fut craint, rejeté et ridiculisé par sa propre classe sociale, qui ne lui pardonna jamais ses constantes références à l’injustice, l’analphabétisme, le manque de culture, les logements misérables, la faim endémique des zones rurales, sans autres ressources que le travail temporaire, l’urgente nécessité de la réforme agraire. Confondre la pensée de José Antonio avec les intérêts de l’extrême droite est quelque chose qui finit par pourrir le sang. Ce fut l’extrême droite qui le condamna à la mort civile, en attendant la mort physique que selon elle il méritait ».

Dans la vie de Mercedes Formica, la rencontre avec José Antonio a marqué un avant et un après. Elle est restée fidèle à sa mémoire et à ses idées jusqu’à son dernier souffle. Dès 1934, Mercedes s’est impliquée résolument dans la vie du mouvement phalangiste, n’hésitant pas à mettre sa vie en danger. Affiliée au SEU (Sindicato Español Universitario), elle a été la seule femme phalangiste de la Faculté de droit à Madrid, les autres sympathisantes du mouvement préférant ne pas s’affilier pour ne pas risquer de le payer de leur vie.

La même année, Mercedes Formica a été nommée par José Antonio déléguée féminine du SEU de Madrid. Lorsque le premier conseil national du SEU s’est réuni, le 11 avril 1935, elle a été chargée de faire un rapport sur la vie étudiante. Elle y insistait sur l’urgence de créer une Bourse de livres et de manuels et sur la nécessité d’augmenter le nombre de bourses, d’aides, de restaurants et de résidences pour étudiants. Sur la suggestion de Carmen Primo de Rivera, une des sœurs de José Antonio, elle a ensuite contribué aux activités de la Section féminine. Déléguée nationale du SEU, en février 1936, elle a été en tant que telle membre du Comité national de la Phalange.

Après l’exécution de José Antonio, le 20 novembre 1936, et plus encore après l’adoption par Franco, du décret-loi du 19 avril 1937, qui imposait la fusion de tous les mouvements – carlistes, phalangistes, monarchistes et divers partis de droite – combattant dans le camp national, Mercedes Formica s’est sentie flouée et déçue. Elle a hésité à poursuivre son engagement dans la nouvelle structure politique créée par Franco, la Phalange Traditionaliste des JONS. En 1997, elle confiait à l’universitaire Rosario Ruiz (4) « Franco n’était pas phalangiste et j’ai compris alors que tout cela n’allait être qu’une sorte de gigantesque salmigondis, dans lequel il y avait beaucoup de convertis qui, pour se sauver, avaient eu des « mérites » très cruels. Avant le conflit, les fidèles de José Antonio étaient très peu nombreux, peut être deux milles dans toute l’Espagne, et peut être même moins ; et dans la zone franquiste, il ne restait plus qu’une minorité, peut être cent ou deux-cents. Ceux qui étaient à Madrid et à Barcelone moururent fusillés ». Elle ne se privait pas d’ironiser sur les convertis de la dernière heure et, narquoise, posait la question :« Mais d’où sont sorties tant de chemises bleues ? ». Elle reprochait aux nouveaux venus de s’être érigés « en représentants de quelque chose qu’ils ne sentaient pas ; l’intolérance étant leur signe distinctif ». 

Au début de 1944, la Déléguée nationale de la Section féminine, Pilar Primo de Rivera, lui a proposé la direction de l’hebdomadaire Medina. Elle a alors travaillé également pour l’Institut d’études politiques. Au mois d’août 1944, elle a accompagné son mari dans une tournée diplomatique et culturelle en Argentine et a connu ainsi Juan Domingo et Evita Perón. Après avoir interrompu ses études et perdu des années en raison de la guerre civile, puis de son implication dans les activités sociales de la Section féminine, en particulier en faveur des enfants des vaincus, Mercedes Formica a finalement obtenu son diplôme de juriste en 1948. Son premier souhait était d’intégrer le Corps diplomatique ; cependant, elle dut y renoncer pour ne pas avoir à résider loin de son mari. À la même époque, la seule femme diplomate d’Espagne était Margarita Salaverria qui avait été la première à réussir le concours d’entrée, sous la République, en 1933. Fidèle au camp national, elle avait depuis poursuivi sa carrière sous Franco et, dans les années 1970, lorsque son mari a été nommé ambassadeur d’Espagne aux États-Unis, elle a vécu avec sa famille à Washington. 

Pour sa part, c’est à la fin des années 1940, que Mercedes Formica a décidé de présenter sa candidature au concours des notaires, mais à nouveau elle a dû renoncer car l’une des conditions dirimantes était d’être un homme. Faute de mieux, elle s’est inscrite au barreau de Madrid, mais là encore pour une femme il était extrêmement difficile d’intégrer un cabinet prestigieux. Elle a donc ouvert son propre cabinet, et a débuté parallèlement des activités de journaliste, romancière et essayiste. En 1951, Pilar Primo de Rivera lui a demandé de participer au Congrès Hispano-Américain-Philippin. Une entière liberté lui a été donnée pour rédiger un rapport proposant des réformes du statut de la femme. Mais sa communication portant sur « la situation de la femme ayant fait des études universitaires dans le monde du travail », a été finalement jugée trop engagée et enterrée. Un an plus tard, le Premier Congrès national de justice et de droit de la FET de las JONS a joint néanmoins sa voix à celle des phalangistes de la Section féminine qui réclamaient plus de droits pour les femmes.

En 1953, c’est un fait divers relaté dans la presse qui a appelé l’attention de Mercedes Formica : l’agression d’une femme poignardée par son mari à plusieurs reprises. Au journaliste qui lui demandait pourquoi elle avait accepté si longtemps les sévices de son conjoint, elle répondait de manière glaçante : « J’ai essayé de me séparer de lui, mais un avocat que j’ai consulté m’a dit que je perdrai tout, enfants, maison et mes quelques biens… ». Scandalisée, Mercedes Formica a saisi cette occasion pour dénoncer publiquement une loi absurde qui laissait la femme séparée sans la moindre protection. Le 7 novembre 1953, elle a publié un article fameux : « Le domicile conjugal » dans le journal monarchiste libéral-conservateur ABC. La répercussion a été énorme ; l’article a été repris, commenté ou cité, non seulement dans la presse nationale, mais aussi à l’étranger. Aux États-Unis, le New York Times, le Time Magazine et la revue Holiday, s’en sont fait l’écho. Il en a été de même dans la presse européenne en Grande Bretagne (Le Daily Telegraph et le Morning Herald), en Allemagne, en Suisse et en Italie et bien sûr dans les pays ibéro-américains (Argentine, Brésil, Colombie, Mexique et Cuba). Dans la péninsule, l’hebdomadaire anarchiste CNT a fait l’éloge de l’article ; la militante communiste du PSUC, Lidia Falcón, a fait de même (future fondatrice du Parti féministe, en 1979, figure fameuse du féminisme radical espagnol, Lidia Falcón sera elle-même victime du wokisme des années plus tard ; accusée de transphobie et d’incitation à la haine en 2020 elle sera exclue du parti communiste Izquierda Unida (IU), allié de Podemos).

Le 18 novembre 1953, le directeur de l’ABC, a décidé de publier un nouvel article de Mercedes Formica. Le titre était sans ambiguïté : « Le domicile conjugal n’est pas la maison du mari ». Fin novembre et début décembre, le quotidien madrilène lui a clairement apporté son soutien, lançant une vaste enquête à laquelle étaient conviés les plus grands noms des juristes et avocats espagnols. Lors du Congrès national des avocats de 1954, les prêtres-avocats se sont à leur tour clairement définis en faveur de la réforme. Parmi eux, certains n’ont pas hésité pas à rappeler que dans un livre de 1931, La famille selon le droit naturel et chrétien, le cardinal Isidro Goma, le plus chaud partisan de la « Croisade » de 1936, écrivait : « Il est temps de souligner l’inégalité offensante à laquelle le code civil a relégué la femme et la mère espagnole ».

Mais Mercedes Formica ne devait pas en rester là. Elle a publié un entretien dans la revue Teresa de la Section féminine (le 3 mars 1954) dans lequel elle a résumait son point de vue. A nouveau, le 10 juillet 1954, elle a prononcé une conférence sur « La situation juridique de la femme espagnole » au cercle Medina de la Section féminine. Elle ne luttait pas alors, comme le disent certains, contre les lois rétrogrades du franquisme, mais plus largement contre des principes de droit remontant au dix-neuvième siècle. La Constitution de la République de 1931 avait bien énoncé le principe général selon lequel « tous les Espagnols sont égaux devant la loi », principe repris par le Fuero des Espagnols de l’Espagne franquiste en 1945, mais dans l’un et l’autre cas il n’avait pas été suivi par des lois ou des règlements concrets d’applications. Le Code civil de 1889 était resté immuable sous la République, malgré la loi sur le mariage et le divorce. Il était resté tout aussi inaltérable sous le franquisme, qui avait par contre dérogé la loi sur le divorce et instauré des peines et sanctions contre l’avortement, l’infanticide, l’adultère et l’abandon des enfants. Les femmes espagnoles avaient donc besoin de l’autorisation du mari pour tout acte ayant des conséquences juridiques. Cette situation n’était pas d’ailleurs exceptionnelle, puisqu’en France, pour ne citer que son cas, c’est par la loi du 13 juillet 1965 que les femmes mariées ont été autorisées à travailler sans l’autorisation préalable de leurs époux et à ouvrir un compte en banque en leur nom propre. Des deux côtés des Pyrénées, le même préjugé existait dans les classes moyennes : le travail des femmes mariées était perçu comme la preuve de l’incapacité de l’homme à subvenir aux besoins de sa famille.

Les débats et les polémiques, initiés par Mercedes Formica, vont se succéder à bon rythme pendant près de cinq ans, l’avocate et journaliste ne lâchant jamais rien. Elle a rencontré le président du Tribunal Suprême, José Castán Tobeñas, et obtenu son appui ; elle a convaincu des procureurs aux Cortés ; finalement, elle a obtenu un entretien avec le chef de l’État, le 10 mars 1954, grâce à la médiation de Pilar Primo de Rivera. Lorsque, devant Franco, Mercedes Formica a évoqué la nécessité du consentement de l’épouse en cours de séparation pour disposer de ses biens, à sa grande surprise le Généralissime a rectifié : « Non ! Le consentement doit être exigé à tout moment, avec ou sans séparation ».  Le dictateur connaissait d’expérience les difficultés des enfants de parents séparés ou divorcés. Il se souvenait que lorsqu’il était cadet de l’armée et que la pension alimentaire de sa mère tardait à venir, il était obligé de demander du crédit dans les magasins d’alimentation. A la fin de l’audience, le Caudillo a invité Mercedes Formica, à rencontrer, avec sa recommandation, le ministre de la justice, le traditionaliste Antonio Iturmendi.

Les efforts de l’avocate ont été finalement couronnés de succès, mais seulement quatre ans plus tard. La loi du 24 avril 1958, a modifié soixante-six articles du Code civil. Le concept de « maison du mari » a été remplacé par celui de « foyer conjugal » ; celui discriminatoire de « dépôt de la femme » supprimé ; le pouvoir absolu de l’homme sur les biens du ménage a disparu ; enfin les femmes veuves ou remariées ne perdraient plus l’autorité parentale sur leurs enfants. C’est Mercedes Formica qui, incontestablement, a été à l’origine de cette réforme du Code civil. Il faudra néanmoins encore attendre 1978 pour que le Code pénal soit à son tour réformé et que le traitement discriminatoire de la femme en matière d’adultère soit supprimé. D’autres réformes législatives visant à instaurer l’égalité entre les femmes et les hommes seront dues à l’initiative de Mercedes Formica et à celles de ses amis de la Section féminine telles Monica Plaza ou Asunción Olivé. C’est le cas de la Loi du 22 juillet 1961 sur les droits professionnels et du travail de la femme ou celle du 4 juillet 1970, sur le consentement des mères pour l’adoption.

En 1970, la signature de Mercedes Formica a figuré parmi les 300 écrivains, – dont certains avaient été des volontaires dans la Division bleue – artistes et intellectuels, qui ont protesté contre la censure cléricale auprès du ministre de l’Information Manuel Fraga Iribarne. Mercedes Formica est intervenue encore pour réclamer l’amélioration de la situation des retraités sans ressources (1966), pour revendiquer l’augmentation du nombre des garderies d’enfants (1967), pour défendre la loi sur la dépénalisation de l’adultère (1977) et pour dénoncer la non application des peines contre les violeurs (1998). À partir des années 1970, sa tâche a été reprise et prolongée par la juriste María Telo (alors en relation épistolaire avec Clara Campoamor) et par Concepción Sierra Ordoñez. Ces deux dernières militantes étaient des fondatrices de l’Association espagnole des femmes juristes (1971), association dans laquelle militaient aussi les phalangistes de la Section féminine Belén Landáburu et Carmen Salinas Alonso. Quatre femmes qui sont à l’origine de la loi de 1975 sur la situation juridique de la femme mariée et sur les droits et devoirs des conjoints.

Le combat de Mercedes Formica n’était pas seulement en faveur des femmes, il s’inscrivait dans une lutte plus vaste contre l’injustice et pour la défense des plus faibles. Il ne s’agissait pas, disait-elle au crépuscule de sa vie, « d’une lutte extravagante ou insensée comme le prétendaient les immobilistes », pas plus qu’il ne s’agissait d’un « combat paradoxal, contradictoire voire superficiel pour ne rien changer en profondeur », comme le soutenaient les féministes extrémistes. Mercedes Formica se voulait conséquente, en accord avec ses convictions de jeunesse contre l’image stéréotypée de la femme soumise, de la femme-ange au foyer, cantonnée dans l’espace privé pour s’occuper de son mari. Elle n’ignorait rien des reproches faits au fondateur de la Phalange pour avoir tenu des propos « ambigus et stéréotypés » sur les femmes. N’avait-il pas dit que la Phalange était féminine parce qu’elle devait avoir deux vertus capitales, l’abnégation et le sens du sacrifice, beaucoup plus répandues chez les femmes que chez les hommes ? N’avait-il pas répété qu’il voulait « une Espagne joyeuse et en jupe courte ». N’avait-il pas durant sa vie d’avocat refusé de plaider les affaires de divorce les jugeant porteuses de souffrances pour les enfants ? Mais aux contempteurs et critiques, Mercedes Formica répondait stoïquement, comme elle le fait dans ses Mémoires : « En ce qui concerne le prétendu antiféminisme de José Antonio et la thèse si répandue, selon laquelle il voulait une femme à la maison, avec presque une jambe cassée, je dois dire que c’est faux. Cela fait partie du processus d’interprétation auquel sa pensée a été soumise. Comme bon espagnol il n’aimait pas la femme pédante, agressive, extravagante, pleine de haine pour l’homme. Dès le début il a pu compter sur des femmes universitaires et il leur a donné des charges de responsabilité. Dans mon cas particulier, il n’a pas vu en moi la suffragette en colère, mais la jeune femme préoccupée par les problèmes de l’Espagne, qui aimait sa culture et qui essayait de se frayer un chemin dans le monde du travail ».

Mercedes Formica a poursuivi son activité militante jusqu’à un âge avancé. Elle a écrit un dernier article en 1998, avant que les premiers symptômes sérieux de la maladie d’Alzheimer ne l’affectent. Elle s’est éteinte à Malaga, le 22 avril 2002, victime d’un arrêt cardiaque. Bien peu de personnes ont assisté à son enterrement et rares ont été les médias qui ont rendu compte de son décès alors qu’il s’agissait de l’une des femmes politiques les plus importantes de l’Espagne du XXe siècle. La reconnaissance n’est pas une vertu du vulgaire, elle est l’apanage des grands cœurs, dit-on. Ces derniers n’étaient pas légions lors de sa mort. En 2015, à l’instigation du parti marxiste et d’extrême gauche Podemos, la municipalité de Cadix a retiré le buste de Mercedes Formica qui avait été installé au centre de la ville sur la Plaza del Palillero. Mais néanmoins, deux noms de rue perpétuent encore sa mémoire à Malaga et à Madrid.

Arnaud Imatz

(1) Voir Pilar Díaz Sánchez, Clara Campoamor, Del Orto, 2016; Alba González, Clara Campoamor: la lucha política por los derechos de la mujer, RBA, 2019: Concha Fagoaga y Paloma Saavedra, Clara Campoamor. La sufragista española, D.G. de Juventud, 1981.
(2) Voir Rosario Ruiz Franco, Mercedes Formica, Ed. Del Orto, 1997 et M. Valdivia, J.M. García de Tuñon Aza, J.M. Sánchez, L. Martín y G. Morales, Un grito en el silencio. Homenaje a Mercedes Formica, Barbarroja, 2014.
(3) Notamment Sánchez Mazas, Eugenio Montes, González Ruano, Edgar Neville, Sebastián Miranda, Pilar Regoyos, Natividad Zaro, Mary Navascues, Conchita Montes, Luis Felipe Vivanco, Luis Rosales y Leopoldo Panero.
(4) Rosario Ruiz Franco Mercedes Formica, Ed. Del Orto, 1997, p. 61.

© LA NEF, mis en ligne le 18 mars 2024, exclusivité internet.