Le degré de décadence où nous sommes tombés se mesure symboliquement au fait que nous ne cherchons même plus à survivre en tant que civilisation, culture et nation. Ou plutôt, nous sommes tellement centrés sur nous-mêmes, nos petits désirs, notre volonté qui ne veut connaître aucune limite, nos droits individuels toujours plus nombreux, que nous n’imaginons même plus qu’il puisse y avoir un bien qui les surplombe et s’impose à eux (le bien commun) ; nous en oublions l’essentiel et refusons de voir que nous sommes en train de mourir lentement et que nous sortons de l’histoire par la petite porte.
Le rapport de l’INSEE publié le 14 janvier est effrayant et aurait dû provoquer un sursaut unanime de la classe politique : pour la première fois, la France métropolitaine est entrée en dépopulation, le nombre de décès dépasse celui des naissances ! Jamais le taux de fécondité n’a été aussi bas : 1,62, en baisse régulière, alors que ce chiffre, qui intègre la part des immigrés, devrait être à 2,1 pour assurer le simple renouvellement des générations. La France devient un pays de vieux : depuis quinze ans, on a fermé 5000 écoles et ouvert 300 EHPAD ! Et quelles réactions ce rapport a-t-il suscitées ? Quasiment aucune ! Alors que le redressement de la natalité devrait être la priorité de tout dirigeant politique digne de ce nom, bien peu s’en soucient, aucun parti ne l’a inscrit en tête de son agenda politique, leur urgence est de revenir sur la réforme des retraites ou d’imposer l’euthanasie à tout prix.
Recul continu de la natalité
Pire ! Alors que la démographie s’effondre, nos politiques se réjouissent en fêtant le 50e anniversaire de la loi Veil qui tue chaque année quelque 234 000 enfants à naître, chiffre à rapporter aux 663 000 naissances de 2024 (2,2 % de moins qu’en 2023 et 21,5 % de moins qu’en 2010) : réalise-t-on vraiment l’horreur de ces chiffres ? Plus du quart des grossesses finit par la mise à mort de l’enfant à naître ! Et nos législateurs, la conscience tranquille, certains qu’il ne s’agit que d’éliminer un « tas de cellules », ont voulu rendre l’avortement intouchable : la loi a ainsi été inscrite dans la Constitution et tout débat sur le sujet est sévèrement verrouillé, tandis que l’objection de conscience du corps médical est de plus en plus remise en cause. Et pour suivre leur logique de mort jusqu’à son terme, ils veulent maintenant pouvoir tuer nos aînés, sans doute trop coûteux, poussés vers la sortie…
Un système qui en est arrivé là, qui fait de la mort de l’enfant à naître ou du vieillard l’alpha et l’oméga de sa politique, mérite-t-il de survivre ? Ne se condamne-t-il pas lui-même à disparaître ?
Dans ce contexte, on ne peut que saluer la persévérance des organisateurs de la Marche pour la Vie qui se déroule comme à l’accoutumée le troisième dimanche de janvier : ce 19 janvier, par un froid glacial, ils étaient comme chaque année les représentants de la petite minorité qui refuse contre vents et marées la banalisation du crime, témoins d’une résistance nécessaire, qui ne baisse pas la garde et plaide haut et fort la cause des innocents que l’on massacre dans l’indifférence d’un monde triste et blasé.
Nécessité d’une politique familiale
Si, il y a cinquante ans, on pouvait peut-être penser que l’embryon n’était qu’un « tas de cellules », on sait aujourd’hui que, dès la conception, le petit d’homme est déjà potentiellement constitué : comment ne pas avoir un doute sur la nature de l’être que l’on élimine ? Et comment ce doute incontournable ne joue-t-il pas en sa faveur, comme le principe de précaution nous y engage ? Or, outre son aspect immoral, l’avortement a aussi forcément un impact désastreux sur la démographie, alors même que l’on sait que les Français n’ont pas le nombre d’enfants qu’ils désirent : il est stable, de 2,3 enfants par femme, quand le taux de fécondité actuel est de 1,62. L’écart, énorme, révèle une réelle marge de manœuvre pour relancer notre natalité déclinante.
Dans une étude fort intéressante (1), Gérard-François Dumont explique le long déclin de la politique familiale, commencé sous Valéry Giscard d’Estaing et dont François Hollande a organisé le « grand soir », en 2014, en mettant fin à l’universalité des allocations familiales. Et Gérard-François Dumont montre la corrélation entre le recul de la politique familiale et la baisse de la fécondité ; aussi propose-t-il de revenir à une véritable politique familiale axée sur un soutien financier plus universel, une réforme du logement favorisant l’offre et de meilleurs aménagements entre vie professionnelle et vie privée.
Une telle politique familiale devrait être la priorité de tout gouvernement responsable : elle est absolument nécessaire, mais vraisemblablement insuffisante. Car c’est surtout les mentalités qu’il conviendrait de transformer. En effet, on ne peut relancer la démographie sans défendre le principe même de la famille, stable et féconde, ce qui suppose d’aller contre l’idéologie dominante, progressiste, individualiste et libertaire. C’est le sens même de notre existence qu’il nous faut retrouver, le goût de la vie et de sa transmission, la foi en l’avenir, en chassant toutes les peurs que l’on instrumentalise de toutes parts, bref, toutes choses qui sont l’apanage de la jeunesse sans laquelle tout pays perd son dynamisme.
Christophe Geffroy
(1) Pour une renaissance de la politique familiale : liberté, lisibilité et pérennité, Fondapol et Observatoire de l’immigration & de la démographie, décembre 2024.
© LA NEF n°377 Février 2025